Trousse
de l'élève
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Méthode de
l'écrit
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Méthode de
l'oral
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Fiches pratiques
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Couverture. Ed. Flammarion
Télémaque et Mentor
Fénelon
Edition de Télémaque, 1699
Voltaire
Edition de Candide, 1759
Pierre de Ronsard
Cassandre Salviati
Gérard de Nerval
Victor Hugo
à l'époque
des Contemplations
Victor Hugo jeune
Le
poème mis en musique
et
chanté par Julos Beaucarne
Paul Eluard
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|
Dans
le cadre du projet de classe "Prise de confiance à l'oral",
voici, à la date du 15 février, quelques-uns des textes étudiés en français.
Tu
peux ainsi t'entraîner seul(e) chez toi à réaliser des exposés
d'environ 10mn comme à l'oral de français du Bac.
Pour
chaque texte j'ai fourni une question précise (problématique). Les réponses sont données à titre indicatif, sans
détails. Mais en développant tu peux réaliser des exposés
précis. Evidemment les matériaux ne
remplacent en aucun cas mes séances; il ne s'agit pas de lectures
analytiques.
Séquence nº 1
L'Or
de Blaise Cendrars
Objet
d'étude: le personnage de roman, du XVIIe siècle
à nos jours
|
Référence:
ISBN 9782081359321 Flammarion
Blaise
Cendrars, L'Or, chapitre
I, 1,
depuis"La journée venait de venir." jusqu'à
"derrière l'enfant trottinant.", p. 35-36.
Problématique:
En quoi ce
passage peut-il être caractérisé comme un incipit de roman?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Développement.
Cet
extrait est effectivement un incipit car il exerce les 3
fonctions traditionnelles d’un début: définir le genre du texte et
les choix d'écriture, informer le lecteur, accrocher et séduire le
lecteur pour qu’il
poursuive sa lecture. Répondre donc en 3 moments.
-
Ce
passage plante le genre romanesque: "chapitre", point de
vue externe, récit à la 3e personne, Suter est vu par les habitants
du village, utilisation des temps du passé, récit, discours,
description.
-
L'incipit fournit au lecteur des informations sur le
cadre spatio-temporel (lieu et temps),
sur les
personnages (nom, fonction, physique, moral), sur l’action
ou intrigue (ce qui se passe).
A
chaque type d’information donner au moins un exemple du
texte de Cendrars (citation).
-
L'extrait tente d’intéresser le lecteur comme doit le
faire un début. L’étranger est vu par le regard des différents
personnages, ces points de vue variés renforcent l'intérêt. L'incipit interroge
par ailleurs le lecteur et le motive donc à poursuivre sa lecture: qui est
cet étranger ? que vient-il faire dans le village suisse ? que
va-t-il se passer ensuite ?
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit (un
personnage étonnant et encore imprécis, et qui va devenir le "héros"
du roman L'Or).
Pour
une fiche détaillée sur les fonctions de l'incipit
Blaise
Cendrars, L'Or, chapitre
VI,
23,
depuis "Malgré les luttes, les batailles..." jusqu'à
"devant la porte du maître.", p. 78-80.
Problématique:
Qu'est-ce que la
"Nouvelle-Helvétie" et quelles en sont les caractéristiques?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Suter
vient de suisse. Il donne à cette nouvelle contrée d’Amérique le
nom de Nouvelle- Helvétie. Helvétie était le nom latin de la Suisse,
il connote la richesse: la Suisse est traditionnellement un pays
de banques et une terre fertile.
Développement
-
Un État
prospère et actif
-
Un État
organisé et protégé
-
Un État
qui attire l’immigration
Pour
chaque argument détailler et citer plusieurs exemples du texte qui
font sens.
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit : la Nouvelle-Helvétie est l’exemple parfait du « rêve américain » :
melting pot et prospérité.
Blaise Cendrars, L'Or, chapitre
VI, 23,
depuis "Malgré les luttes, les batailles..." jusqu'à
"devant la porte du maître.", p. 78-80.
Problématique:
Par quels moyens
littéraires Blaise Cendrars parvient-il à rendre l'impression de
foule et d'abondance qui caractérise cette nouvelle Terre promise
qu'est la "Nouvelle-Helvétie"?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage. Rappeler la signification de l’expression « Nouvelle-Helvétie ».
Développement
-
L’abondance
concerne deux éléments à distinguer: les humains (foule) et la
nourriture (abondance).
-
Analyser
précisément les champs lexicaux très
vastes : définition, exemples cités du texte, classement,
interprétation.
-
L’énumération
et l’accumulation dominent, ainsi que les adjectifs numéraux:
définitions, exemples cités du texte qui font sens.
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit :
la Nouvelle-Helvétie est à la fois paradis et terre
promise. Mais elle est surtout le résultat du
travail acharné des hommes.
Séquence
nº 2
Le
héros de roman et son mentor
Objet
d'étude: le personnage de roman, du XVIIe siècle
à nos jours
|
Fénelon,
Les Aventures de Télémaque,
livre XIV, depuis "Mais pendant qu'on préparait ainsi les
moyens" jusqu'à "ce qui ne lui appartient pas."
Mais
pendant qu'on préparait ainsi les moyens de conserver la
jeunesse pure, innocente, laborieuse, docile et passionnée
pour la gloire, Philoclès, qui aimait la guerre, disait à
Mentor:
-
En vain vous occuperez les jeunes gens à tous ces exercices,
si vous les laissez languir dans une paix continuelle, où ils
n'auront aucune expérience de la guerre, ni aucun besoin de
s'éprouver sur la valeur. Par là vous affaiblirez
insensiblement la nation; les courages s'amolliront; les délices
corrompront les moeurs: d'autres peuples belliqueux n'auront
aucune peine à les vaincre, et, pour avoir voulu éviter les
maux que la guerre entraîne après elle, ils tomberont dans
une affreuse servitude.
Mentor
lui répondit:
"Les
maux de la guerre sont encore plus horribles que vous ne
pensez. La guerre épuise un Etat et le met toujours en danger
de périr, lors même qu'on remporte les plus grandes
victoires. Avec quelques avantages qu'on la commence, on n'est
jamais sûr de la finir sans être exposé aux plus tragiques
renversements de fortune. Avec quelque supériorité de forces
qu'on s'engage dans un combat, le moindre mécompte, une
terreur panique, un rien vous arrache la victoire qui était déjà
dans vos mains et la transporte chez vos ennemis. Quand même
on tiendrait dans son camp la victoire comme enchaînée, on
se détruirait soi-même en détruisant ses ennemis; on dépeuple
son pays; on laisse les terres presque incultes; on trouble le
commerce; mais, ce qui est bien pis, on affaiblit les
meilleures lois et on laisse corrompre les moeurs: la jeunesse
ne s'adonne plus aux lettres; le pressant besoin fait qu'on
souffre une licence pernicieuse dans les troupes; la justice,
la police, tout souffre de ce désordre. Un roi qui verse le
sang de tant d'hommes et qui cause tant de malheurs pour acquérir
un peu de gloire ou pour étendre les bornes de son royaume
est indigne de la gloire qu'il cherche et mérite de perdre ce
qu'il possède, pour avoir voulu usurper ce qui ne lui
appartient pas.
|
Problématique:
Quels maux Mentor
dénonce-t-il dans la guerre?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Développement
La guerre
est dangereuse pour un État
L’issue
d’une guerre n’est jamais certaine
La guerre
est une catastrophe économique et commerciale
Elle
entraîne la disparition de l’éducation et des écoles
Elle
engendre la corruption et l’anarchie
Conclusion:
le puissant qui provoque la guerre et engendre tant de malheurs est
indigne de gouverner et mérite de perdre son pouvoir.
Passage à mettre en relation avec la dénonciation de la guerre par
Voltaire dans Candide, chapitre III.
Fénelon,
Les Aventures de Télémaque,
livre XIV, depuis "Bientôt Philoclès demanda au roi"
jusqu'à "auxquelles ils pussent s'attacher."
Bientôt
Philoclès demanda au roi de se retirer auprès de Salente, dans
une solitude où il continua à vivre pauvrement comme il avait
vécu à Samos. Le roi allait avec Mentor le voir presque tous
les jours dans son désert. C'est là qu'on examinait les moyens
d'affermir les lois et de donner une forme solide au
gouvernement pour le bonheur public.
Les
deux principales choses qu'on examina furent l'éducation des
enfants et la manière de vivre pendant la paix.
Pour
les enfants, Mentor disait:
-
Ils appartiennent moins à leurs parents qu'à la république;
ils sont les enfants du peuple, ils en sont l'espérance et la
force; il n'est pas temps de les corriger quand ils se sont
corrompus. C'est peu que de les exclure des emplois, lorsqu'on
voit qu'ils s'en sont rendus indignes; il vaut bien mieux prévenir
le mal que d'être réduit à le punir. Le roi, ajoutait-il, qui
est le père de tout son peuple, est encore plus particulièrement
le père de toute la jeunesse, qui est la fleur de toute la
nation. C'est dans la fleur qu'il faut préparer les fruits: que
le roi ne dédaigne donc pas de veiller et de faire veiller sur
l'éducation qu'on donne aux enfants. Qu'il tienne ferme pour
faire observer les lois de Minos, qui ordonnent qu'on élève
les enfants dans le mépris de la douleur et de la mort; qu'on
mette l'honneur à fuir les délices et les richesses; que
l'injustice, le mensonge, l'ingratitude et la mollesse passent
pour des vices infâmes; qu'on leur apprenne, dès leur tendre
enfance, à chanter les louanges de héros qui ont été aimés
des dieux, qui ont fait des actions généreuses pour leurs
patries et qui ont fait éclater leur courage dans les combats.
Que le charme de la musique saisisse leurs âmes pour rendre
leurs moeurs douces et pures; qu'ils apprennent à être tendres
pour leurs amis, fidèles à leurs alliés, équitables pour
tous les hommes, même pour leurs plus cruels ennemis; qu'ils
craignent moins la mort et les tourments que le moindre reproche
de leurs consciences. Si, de bonne heure, on remplit les enfants
de ces grandes maximes et qu'on les fasse entrer dans leur coeur
par la douceur du chant, il y en aura peu qui ne s'enflamment de
l'amour de la gloire et de la vertu.
Mentor
ajoutait qu'il était capital d'établir des écoles publiques
pour accoutumer la jeunesse aux plus rudes exercices du corps et
pour éviter la mollesse et l'oisiveté, qui corrompent les plus
beaux naturels; il voulait une grande variété de jeux et de
spectacles qui animassent tout le peuple, mais surtout qui exerçassent
les corps pour les rendre adroits, souples et vigoureux: il
ajoutait des prix pour exciter une noble émulation. Mais ce
qu'il souhaitait le plus pour les bonnes moeurs, c'est que les
jeunes gens se mariassent de bonne heure et que leurs parents,
sans aucune vue d'intérêt, leur laissassent choisir des femmes
agréables de corps et d'esprit, auxquelles ils pussent
s'attacher.
|
Problématique:
Comment Mentor
conçoit-il l'éducation de la jeunesse?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Développement
Selon
Mentor, guide et éducateur de Télémaque, l’éducation de la
jeunesse doit avoir les caractéristiques suivantes :
-
Elle
est confiée à l’État
("république", "écoles publiques")
-
Elle
est stoïcienne : on inculque aux jeunes le sens de
l’effort et de l’indifférence à la douleur
("mépris de la douleur et de la mort")
-
Elle
est morale : on enseigne aux jeunes des valeurs :
justice, vérité, gratitude, force, fidélité…
-
Elle
est patriotique et religieuse, offrant aux jeunes de bons modèles
à imiter
-
Elle
est artistique et ludique : elle ne néglige pas l’enseignement des arts,
le jeu
-
Elle
développe à la fois le corps et l'esprit dans un esprit de
compétition et de "noble émulation"
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit :
lien de Fénelon avec l'éducation humaniste (Rabelais, Montaigne).
Voltaire,
Candide, chapitre 1,
depuis "Il y avait en Westphalie" jusqu'à "et par
conséquent de toute la terre."
CHAPITRE PREMIER
Comment Candide fut élevé dans un beau château,
et
comment il fut chassé d’icelui
Il
y avait en Westphalie, dans le château de M. le baron de
Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait
donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son
âme. Il avait le jugement assez droit, avec l'esprit le plus
simple ; c'est, je crois, pour cette raison qu'on le
nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient
qu'il était fils de la soeur de monsieur le baron et d'un bon
et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne
voulut jamais épouser parce qu'il n'avait pu prouver que
soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique
avait été perdu par l'injure du temps.
Monsieur
le baron était un des plus puissants seigneurs de la
Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres.
Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie. Tous les
chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ;
ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du
village était son grand aumônier. Ils l'appelaient tous
monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.
Madame
la baronne, qui pesait environ trois cent cinquante livres,
s'attirait par là une très grande considération, et faisait
les honneurs de la maison avec une dignité qui la rendait
encore plus respectable. Sa fille Cunégonde, âgée de dix-sept
ans, était haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante.
Le fils du baron paraissait en tout digne de son père. Le précepteur
Pangloss était l'oracle de la maison, et le petit Candide écoutait
ses leçons avec toute la bonne foi de son âge et de son caractère.
Pangloss
enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il
prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et
que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de
monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame
la meilleure des baronnes possibles.
« Il
est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être
autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement
pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été
faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes.
Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées,
et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour
être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi
monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la
province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant
faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année :
par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit
une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »
Candide
écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il
trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu'il ne prît
jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'après le
bonheur d'être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré
de bonheur était d'être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la
voir tous les jours ; et le quatrième, d'entendre maître
Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent
de toute la terre. […]
|
Problématique:
En quoi peut-on
dire que ce passage est un incipit de récit?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Développement.
Cet
extrait est effectivement un incipit car il exerce les 3
fonctions traditionnelles d’un début: définir le genre du texte et
les choix d'écriture, informer le lecteur, accrocher et séduire le
lecteur pour qu’il
poursuive sa lecture. Répondre donc en 3 moments.
-
Ce
passage est le début d'un conte philosophique, dont il possède
les caractéristiques (les préciser en citant le texte de Voltaire) -
L'incipit fournit au lecteur des informations sur le
cadre spatio-temporel (lieu et temps),
sur les
personnages (nom, fonction, physique, moral), sur l’action
ou intrigue (ce qui se passe). A
chaque type d’information donner au moins un exemple du
texte (citation).
Noter le caractère vague de l'information d'un récit utopique et
hors du temps.
-
L'extrait tente d’intéresser le lecteur comme doit le
faire un début. L’humour
et l’ironie font sourire le lecteur au lieu de l’ennuyer (définitions,
citations et exemples). A travers le personnage de Pangloss la
question philosophique du conte (l'optimisme) est posée d'entrée de
jeu. Le lecteur se demande finalement si la paisible situation de
Candide dans le château est durable.
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit:
l'évolution de Candide au long du conte par rapport à l'optimisme
intégral de Pangloss.
Pour
une fiche détaillée sur les fonctions de l'incipit.
Voltaire,
Candide, chapitre 3,
depuis "Rien n'était si beau" jusqu'à "pour les beaux
yeux de Mlle Cunégonde."
CHAPITRE
TROISIEME
Comment Candide se sauva d’entre les Bulgares, et
ce qu’il devint
Rien
n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que
les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les
tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en
eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près
six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta
du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en
infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison
suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout
pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide,
qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put
pendant cette boucherie héroïque.
Enfin,
tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun
dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des
effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de
mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en
cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé,
selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de
coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient
leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées
après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros
rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées,
criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient
répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.
Candide
s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à
des Bulgares, et des héros abares l'avaient traité de même.
Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à
travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre,
portant quelques petites provisions dans son bissac, et
n'oubliant jamais Mlle Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent
quand il fut en Hollande ; mais ayant entendu dire que tout le
monde était riche dans ce pays-là, et qu'on y était chrétien,
il ne douta pas qu'on ne le traitât aussi bien qu'il l'avait été
dans le château de monsieur le baron avant qu'il en eût été
chassé pour les beaux yeux de Mlle Cunégonde. […]
|
Problématique:
Comment Voltaire
dénonce-t-il dans ce texte la barbarie de la guerre?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage. Définir précisément
les termes « dénoncer » et « barbarie ».
Développement
Voici
les moyens utilisés par Voltaire (à chaque fois : moyen, définition,
citation, effet produit sur le lecteur) :
-
Ironie par approximation, par antiphrase,
par référence
-
Description réaliste et macabre : champs lexicaux du corps et de
la destruction, nombreux exemples à commenter
-
Absurdité de la loi du talion
-
Hyperboles
et oxymore
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit : mettre
cette dénonciation satirique de la guerre en rapport avec l'extrait
de Fénelon (Les Aventures de Télémaque, livre XIV) et celle
que fait Rabelais à la Renaissance dans les guerres pichrocolines (Gargantua).
Séquence
nº 3
La
poésie amoureuse du Moyen Âge à nos jours
Objet
d'étude: écriture poétique et quête du sens, du
Moyen Âge à nos jours
|
Pierre
de Ronsard,
"Mignonne, allons voir si la rose..."
À Cassandre
Mignonne,
allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las
! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc,
si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Les Odes,
1550 |
Problématique:
Montrer que ce poème de Ronsard est construit sur une comparaison. Quel est le sens du poème?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte (une ode) et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Le poème de Ronsard étant court, le lire en entier, sauf consigne
contraire de l'examinateur.
Développement
-
Le
poème est construit sur une comparaison entre Cassandre (la femme
aimée par Ronsard) et la rose. Pour le démontrer repérer très précisément dans le poème les mots
et expressions désignant la femme et
ceux désignant la rose; les mettre en relation et les commenter.
-
La
rose resplendissante le matin s’est fanée en fin d’après-midi :
sa beauté éphémère n’a pas résisté au temps qui passe.
Ainsi en est-il de la beauté de la femme. Voilà la leçon (« Donc… »,
registre didactique)
que donne le poète à la bien-aimée. C’est le fameux thème
latin du carpe diem (cueille la vie, profite du plaisir éphémère).
Conclusion
qui répond précisément à la problématique puis élargit :
épicurisme de Ronsard qui rejoint la chanson "Si tu
t'imagines" de Raymond Queneau dans les textes
complémentaires.
Gérard de Nerval, "Une allée du
Luxembourg"
Problématique:
Quels sens
peut-on donner à cette rencontre amoureuse dans le Paris de la
modernité?
Elle a passé,
la jeune fille
Vive et
preste comme un oiseau :
À la main
une fleur qui brille,
À la
bouche un refrain nouveau.
C’est peut-être la seule au monde
Dont le cœur
au mien répondrait,
Qui venant
dans ma nuit profonde
D’un seul
regard l’éclaircirait !
Mais non, ma jeunesse est finie…
Adieu, doux
rayon qui m’as lui,
Parfum,
jeune fille, harmonie…
Le bonheur
passait, il a fui !
Odelettes,
1853. Poème écrit en 1832 |
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte (odelette) et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage. Définir rapidement la notion de modernité.
Développement
-
Cette
rencontre amoureuse est une histoire d’amour qui aurait pu avoir
lieu mais qui n’a pas été, comme dans « Vieille
chanson du jeune temps » de Victor Hugo.
-
Le
poème de Nerval est à la fois lyrique et élégiaque (amour et
tristesse, joie et souffrance) : définition précise de ces
deux registres. Citations et commentaires.
-
Tout
oppose le poète déjà vieux et la jeune fille : relever
tous les jeux d'opposition en citant précisément le texte : le sens
de cette rencontre est tout simplement que cet amour est idéalement
possible (en poésie) mais illusoire dans le réel.
Conclusion
qui répond précisément et fermement à la problématique puis élargit
: une rencontre éphémère dans la modernité urbaine qui rappelle
"À une passante" de Baudelaire.(texte
étudié à l'épreuve de commentaire écrit).
Victor Hugo: "Vieille
chanson du jeune temps"
Je
ne songeais pas à Rose ;
Rose
au bois vint avec moi ;
Nous
parlions de quelque chose,
Mais
je ne sais plus de quoi.
J'étais
froid comme les marbres ;
Je
marchais à pas distraits ;
Je
parlais des fleurs, des arbres
Son
oeil semblait dire: " Après ? "
La
rosée offrait ses perles,
Le
taillis ses parasols ;
J'allais
; j'écoutais les merles,
Et
Rose les rossignols.
Moi,
seize ans, et l'air morose ;
Elle,
vingt ; ses yeux brillaient.
Les
rossignols chantaient Rose
Et
les merles me sifflaient.
Rose,
droite sur ses hanches,
Leva
son beau bras tremblant
Pour
prendre une mûre aux branches
Je
ne vis pas son bras blanc.
Une
eau courait, fraîche et creuse,
Sur
les mousses de velours ;
Et
la nature amoureuse
Dormait
dans les grands bois sourds.
Rose
défit sa chaussure,
Et
mit, d'un air ingénu,
Son
petit pied dans l'eau pure
Je
ne vis pas son pied nu.
Je
ne savais que lui dire ;
Je
la suivais dans le bois,
La
voyant parfois sourire
Et
soupirer quelquefois.
Je
ne vis qu'elle était belle
Qu'en
sortant des grands bois sourds.
"
Soit ; n'y pensons plus ! " dit-elle.
Depuis,
j'y pense toujours.
Les Contemplations,
1856
|
Problématique:
En quoi peut-on
dire que Victor Hugo écrit ici un beau poème de la simplicité?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Développement
Le
poème a la simplicité d’une chanson :
-
une
histoire simple: les personnages, le cadre, l'action
-
une
versification peu sophistiquée : vers courts (heptasyllabes,
pas de longs alexandrins)
; prédominance de la parataxe, absence d'enjambements
-
de
nombreuses anaphores qui sont l’équivalent du refrain d’une
chanson
et qui permettent la mémorisation
-
un
vocabulaire très proche du milieu intime et familier : le bois, la
nature.
La
réponse doit s’appuyer sur des citations précises et des
termes toujours clairement définis : chanson, refrain, anaphore...
Conclusion
qui répond précisément et fermement à la problématique puis élargit
: c'est la simplicité qui fait la beauté de cette "Vieille
chanson du jeune temps", mais simplificité liée à l'émotion.
Un bonheur perdu à mettre en rapport avec "La Coccinelle"
dans Les Contemplations.
Problématique:
En quoi peut-on
dire que ce poème est le poème de l'indifférence?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage.
Développement
-
Le poète de 16 ans est muet : il ne parle pratiquement pas, c’est Rose
qui parle.
-
L’adolescent
est sourd : il n’entend pas l’appel de l’amour et de la
nature (« grands bois sourds »)
-
Il est aveugle : il ne voit pas le corps de Rose, il est
insensible à sa beauté.
Le
commentaire de l’élève s’appuie toujours sur des citations précises
du poème et sur une élucidation du sens.
Conclusion
qui répond précisément et fermement à la problématique puis élargit.
Problématique:
En quoi ce poème
est il à la fois lyrique et élégiaque?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage. Définir précisément les deux registres : le lyrisme
(origine grecque, à partir du nom « lyre », quand la poésie
exprime des émotions, des sentiments, le « moi » intérieur),
l’élégiaque (registre de la peine et de la tristesse, qui renvoie
à Orphée perdant deux fois la bien-aimée Eurydice).
Développement
-
Dimension
lyrique du poème : expression du sentiment d’amour, avec
exemples et citations précises du texte, tout ce qui évoque le
sentiment, la sensation, que ce soit au niveau des humains qu’à
celui de la « nature amoureuse », personnifiée.
-
Dimension
élégiaque du poème, exprimée dans le regret final (« Depuis
j’y pense toujours »). Il faut montrer précisément
que la tristesse-mélancolie naît du brusque retour au présent
de l’énonciation, à partir d’un souvenir d’un événement
vécu 30 ans auparavant.
C'est le caractère -fulgurant- de ce souvenir.
Conclusion
qui répond précisément et fermement à la problématique puis élargit.
Le poème de Victor Hugo est à mettre en relation avec d'autres
textes du groupement où le thème amoureux convoque à la fois
joie et tristesse, bonheur et nostalgie, et le motif de laudatio
temporis acti (Horace).
Paul Eluard, "Je
t'aime"
Je t'aime
pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas
Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie
Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce cœur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.
Le Phénix,
1951
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Problématique:
Entre
microcosme et macrocosme; en quoi peut-on dire que l'amour d'Eluard
est à dimension simplement humaine?
Introduction:
présenter rapidement l’auteur, le texte et le contexte,
puis annoncer clairement la question posée et le plan de la réponse.
Ne pas oublier la lecture d'un passage. Définir rapidement les termes
microcosme (l’infiniment petit) et macrocosme (l’infiniment grand), l’homme étant situé au milieu.
Développement
-
Le
poème d’Eluard révèle des éléments concrets situés à un échelon
supérieur à la taille de l’homme : en faire un relevé à
partir du sens dénoté et du sens connoté, sans oublier les
images
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Relever
les éléments microscopiques, plus rares, évoqués
par connotation
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Montrer
que l’amour
du poète et de la bien-aimée se situe entre ces deux extrêmes,
au niveau du monde familial et familier : citations à partir
du texte et explications
Conclusion
qui répond précisément et fermement à la problématique puis élargit.
L’amour est chanté dans ce poème comme la fusion la plus profonde
entre deux être humains différents et intégrés à
un « milieu » au sens écologique.
Cet
amour n’a rien d’idéaliste, il est fondé sur le matériel, le
concret, et en même temps il est humain.
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