Lycée
Joliot Curie 92000 Nanterre
EAF
2016
1ST2S2
Séquence
nº 4: le discours contre la pauvreté de la Renaissance à nos jours
Résumé
du cours
I
Problématique et précisions sur le sujet de l'enquête
Le statut économique de la pauvreté ou de la misère
évolue de la Renaissance à nos jours, et parallèlement, sa représentation
dans la littérature et dans le discours argumentatif qui la condamne. Que
ce soit par l'argumentation directe ou l'argumentation indirecte, dans la
fiction ou dans le réel, quels moyens et procédés les écrivains et
orateurs utilisent-ils pour dénoncer la pauvreté?
A travers les textes et documents, nous devons d'abord essayer
de définir les différents sens possibles des mots pauvreté, misère. Le sens de ces termes est-il permanent ou bien l'acception évolue-t-elle au fil des siècles? Dans quel
champ nous situons-nous? Économique? politique? social? financier? technologique? matériel ? spirituel? intellectuel? culturel? éducatif ?
Comment ces champs sont-ils évoqués directement ou indirectement, par exemple dans la fable de La Fontaine
La Mort et le Bûcheron ?
Et ce n'est pas tout. A quelles images (représentations) renvoient ces
mots quand ils renvoient à la pauvreté, aux pauvres, aux signes visibles et invisibles de cet état ? Pauvreté et pauvre au sens propre ou au sens figuré ?
Devant les textes et les documents en général, il faudra, comme nous avons pris l'habitude de le faire jusqu'à présent, connaître de près le
contexte réel dans lequel ces discours ont été énoncés pour dénoncer. Par exemple, dans le cas de Victor Hugo, il faudra nous informer sur la situation de malaise social permanent à Paris qui conduit régulièrement au long du XIXe siècle à des révolutions, révoltes ou émeutes :
Monarchie de Juillet, 1848, Commune de 1871, grèves dans les mines à la
fin du siècle, etc. ; ou, dans le cas de l'appel de l'abbé Pierre, la catastrophe climatique de février 1954.
Notre réflexion ne nous fera pas oublier le caractère relatif de la pauvreté (pauvre par rapport à qui, à quoi, à quand?)
ni ses corollaires que sont la justice et l'injustice, l'égalité
et l'inégalité. Enfin et
surtout, quelle sera la part d'engagement des auteurs des discours par rapport aux maux qu'ils dénoncent, les solutions qu'ils proposent dans l'action et dans le prolongement de l'écriture et de la parole?
Ces discours seront-ils des actes de circonstance, explicables par l'état
d'urgence (la faim, le froid, le mal loger...), ou bien et aussi une
réflexion philosophique sur la situation de l'homme comme nous invite à
y réfléchir l'objet d'étude où se situe notre séquence, la question
de l'homme dans les genres de l'argumentation?
Voilà l'essentiel pour commencer l'enquête et nous mettre sur la
piste. Voyons maintenant nos instruments.
II
Concepts à comprendre et à retenir
Après
cette présentation très courte de la problématique, expliquons les concepts importants
qu’il faut retenir.
Il s'agit de connaissances de base sur l'argumentation: argumenter,
convaincre, persuader, thèse, argument, exemple, procédés pour
dénoncer la pauvreté... Pour les détails je te renvoie au cours, au
manuel et à l'onglet de gauche intitulé "Discours
argumentatif".
1.
Définitions
-
Dénoncer = critiquer, blâmer, présenter l'aspect négatif d'une situation, par exemple ici la pauvreté.
- Argumenter = défendre un avis en exposant ses raisons. L’avis
s’appelle thèse, les raisons s’appellent arguments, les arguments
plus concrets s’appellent exemples. Il est important, dans les textes des
auteurs analysés, de repérer précisément ces différents éléments. Ce
travail sur les textes lus t'aidera par ailleurs à rédiger tes propres
travaux écrits, en particulier la dissertation.
-
Convaincre = argumenter en avançant des arguments logiques.
-
Persuader = argumenter en avançant des arguments affectifs.
-
Délibérer = peser le pour et le contre avant de prendre une décision
-
Un éloge = un texte argumentatif qui vante
les mérites et avantages
d'une situation, d'un objet ou d'une personne.
-
Un blâme = un texte argumentatif qui dénigre
une situation, un objet ou une personne,
insistant sur ses défauts.
2.
Distinction entre argumentation directe et argumentation indirecte
Par
un jeu d'emboîtement argumentation directe et argumentation indirecte peuvent coexister dans un
même texte.
a.
Argumentation directe:
dans un cadre réel (non
fictif) l'auteur exprime clairement son opinion et s’engage
personnellement. Les marques en sont: le je représentant
l'énonciateur et les traces de subjectivité et de partialité, la pensée directe et non allusive,
le cadre
historique, la présence éventuelle de didascalies comme au théâtre…
Exemples:
le discours de Victor Hugo aux députés en 1849, proposé en lecture
analytique (Discours sur la misère); en document complémentaire l'appel
de l'abbé Pierre du 1er février 1954 ou
l'allocution de Jim Yong Kim, président de la Banque
mondiale, “Un monde sans pauvreté est à notre portée”, le 3 mai
2013.
Les
formes d'argumentation directe, à part le discours et l'allocution, sont
l'essai, le traité, l'article philosophique et d'autres formes
d'argumentation courte.
-
Essai: texte de réflexion assez libre et spontanée, par exemple les Essais
de Montaigne (XVIe siècle)
-
Traité : réflexion sur un sujet précis, par exemple le Traité
sur la tolérance de Voltaire (XVIIIe siècle)
-
Pamphlet : œuvre courte sur un sujet d’actualité, exprimant la
pensée révoltée de l’auteur, par exemple le texte de Jonathan Swift
proposé en lecture analytique: "Du bon usage du
cannibalisme. Modeste proposition pour empêcher les enfants pauvres d'être
à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au
public", 1729.
-
Article philosophique, par exemple ceux de l’Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert.
-
Formes d’argumentation directe courte : la maxime et la sentence,
qui expriment une pensée courte et synthétique, par exemple les Maximes
de La Rochefoucauld (XVIIe).
b. Argumentation indirecte:
dans un cadre fictif l'auteur exprime son
opinion ou la laisse deviner, à travers une histoire et des personnages
qu'il met en scène. Par exemple la fable de La Fontaine, La Mort et le
Bûcheron, proposée en lecture analytique, 1668.
On
appelle cela apologue. Il existe plusieurs variantes d'apologue:
-
La fable: apologue
en vers, généralement avec une morale, chez La Fontaine (XVIIe), Esope
(Antiquité).
-
Le conte, apologue qui relève
du merveilleux mais souvent fondé sur le réel. Il est sérieux et éducatif,
il est très en vogue au XVIIe siècle. A titre d'exemple prenons le texte
fourni en lecture complémentaire, Le Petit Poucet de Charles
Perrault, qui dénonce la misère paysanne à la fin du XVIIe siècle.
-
Le conte philosophique: apologue
qui invite à la réflexion philosophique tout en présentant souvent un
caractère comique, notamment à travers l'ironie. Ce genre est très prisé
au XVIIIe siècle. Je te renvoie à Candide de Voltaire, avec deux
extraits étudiés en lecture analytique dans le cadre de la séquence nº
2 sur le héros et son mentor.
-
La parabole: apologue avec
une morale religieuse. C'est un récit allégorique et imagé. Par exemple
la Parabole de la brebis égarée (Bible), la Parabole de
l'enfant prodigue (Bible).
-
Le sermon: discours religieux du prêtre au cours de la messe pour répandre
la parole divine. Par exemple les Sermons de Bossuet au XVIIe
siècle.
-
L'utopie est un apologue présentant
une société fictive idéale, par exemple L'Utopie de Thomas More
(XVIe), l'Eldorado dans Candide de Voltaire (XVIIIe), l'abbaye de
Thélème dans Gargantua de Rabelais (XVIe), ou La ferme des
animaux de George Orwell (1945), que beaucoup d'élèves ont lu en 3e.
-
Le portrait satirique brosse un portrait universel de caractère,
destiné à être réinvesti par le lecteur, par exemple Les Caractères
de La Bruyère (XVIIe).
Ces
formes d'argumentation directe et indirecte sont nombreuses et tu t'y
perds peut-être. Nous insisterons surtout sur le discours, le pamphlet,
la fable, le conte, dans tous les détails.
3. Procédés stylistiques propres aux genres de l’argumentation
-
procédés habituels
(comparaison, métaphore, anaphore, allitérations,
parallélisme de construction...), auxquels il faut ajouter l'hypotypose,
c'est-à-dire le tableau qui parle, fréquente dans nos discours
dénonçant la pauvreté, grâce à sa force plastique très convaincante.
-
procédés comiques (mots,
gestes, situations, caracteres), le registre
satirique pour se moquer d'une réalité sociale avec de l'ironie et des hyperboles.
-
procédés
liés à la narration pour dynamiser
le propos, créer un effet de surprise et de chute, etc.
-
procédés liés à l'organisation du discours (disposition de la
rhétorique classique), grands mouvements du texte.
-
tonalités et registres: tonalité
pathétique pour émouvoir et attendrir l'interlocuteur, la visée
moralisante et éducative appelée visée
didactique, l'éloge et le blâme ou registre épidictique, le registre
polémique qui cherche à interpeller violemment l'auditoire, etc.
Enfin
retiens ceci: quand l’auteur s’en prend directement à la personne on
parle d’argument ad hominem (à la personne). Quand il se refère
à un argument déjà donné par une personne connue, on parle d’argument
d’autorité.
Tu
rencontreras tous ces éléments et informations durant les activités de
cette séquence. Mais ne perds jamais de vue le plus important: comment
ces formes et ces moyens sont-ils mobilisés pour dénoncer la pauvreté?
M.W.
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