Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre EAF 2016 1ST2S2 Séquence nº 4: le discours contre la pauvreté de la Renaissance à nos jours
Devoir surveillé Conception: M. Wattremez
Question sur corpus nº 1 - sujet Lien vers le corrigé suggéré par M. Wattremez Après avoir lu attentivement les
textes du corpus, vous répondrez à la questions suivante de façon
organisée et synthétique. Comment les auteurs des 4 textes essaient-ils de convaincre ou de persuader leur public? Corpus :
Texte B : La Fontaine, « La Cigale et la Fourmi », Fables, I, 1,
1668. Texte C : Louis de Jaucourt, L’Encyclopédie, 1751, articles « Mendiant » et
« Misérable ». Texte D : L’abbé Pierre, appel à Radio Luxembourg, 1er
février 1954. Texte A (Bossuet,
1627-1704 - est l’un des plus importants écrivains français du XVIIe
siècle et l’un des maîtres de l’art oratoire. Né dans une famille
de magistrats, il est ordonné prêtre en 1652. Voici le début d’un
de ses célèbres sermons,
prononcé en février 1659, dans lequel il s’adresse au public pour
parler de la pauvreté.) Mes
frères, Le docte et éloquent saint Jean Chrysostome[1]
nous propose une belle idée pour connaître les avantages de la
pauvreté sur les richesses ; il nous représente deux villes, dont
l'une n'est composée que de riches, l'autre n'a que des pauvres dans
son enceinte, et il examine ensuite laquelle des deux est la plus
puissante. Si nous consultions la plupart des hommes sur cette
proposition, je ne doute pas, chrétiens, que les riches ne
l'emportassent ; mais le grand saint Chrysostome conclut pour les
pauvres, et il se fonde sur cette raison que cette ville de riches
aurait beaucoup d'éclat et de pompe, mais qu'elle serait sans force et
sans fondement assuré. L'abondance ennemie du travail, incapable de se
contraindre, et par conséquent toujours emportée dans la recherche des
voluptés , corromprait tous les esprits et amollirait tous les courages
par le luxe, par l'orgueil, par l'oisiveté. Ainsi les arts seraient
négligés, la terre peu cultivée, les ouvrages laborieux par lesquels
le genre humain se conserve entièrement délaissés; et cette ville
pompeuse, sans avoir besoin d'autres ennemis, tomberait enfin par
elle-même, ruinée par son opulence. Au contraire dans l'autre ville
où il n'y aurait que des pauvres, la nécessité industrieuse, féconde
en inventions et mère des arts profitables, appliquerait les esprits
par le besoin, les aiguiserait par l'étude, leur inspirerait une
vigueur mâle par l'exercice de la patience ; et n'épargnant pas les
sueurs, elle achèverait les grands ouvrages qui exigent nécessairement
un grand travail. C'est à peu près ce que nous dit saint Jean
Chrysostome au sujet de ces deux villes différentes. Il se sert de
cette pensée pour adjuger la préférence à la pauvreté. Mais à parler des choses véritablement, nous savons que
la distinction de ces deux villes n'est qu'une fiction agréable. Les
villes, qui sont des corps politiques, demandent, aussi bien que les
naturels, le tempérament[2]
et le mélange : tellement que selon la police humaine cette ville de
pauvres de saint Chrysostome ne peut subsister qu'en idée. Il
n'appartenait qu'au Sauveur et à la politique du ciel de nous bâtir
une ville qui fût véritablement la ville des pauvres : cette
ville c'est la sainte Église ; et si vous me demandez, chrétiens,
pourquoi je l'appelle la ville des pauvres, je vous en dirai la raison
par cette proposition que j'avance, que l'Église dans son premier plan
n'a été bâtie que pour les pauvres, et qu'ils sont les véritables
citoyens de cette bienheureuse cité que l'Écriture a nommée la cité
de Dieu. Encore que cette doctrine vous paraisse peut-être
extraordinaire, elle ne laisse pas d'être véritable[3]
; et afin de vous en convaincre, remarquez, s'il vous plait, Messieurs,
qu'il y a cette différence entre la Synagogue et l'Église[4],
que Dieu a promis à la Synagogue des bénédictions temporelles, au
lieu que, comme dit le divin Psalmiste, « toute la gloire de la sainte
Église est cachée et intérieure […]: « Dieu te donne , disait
Isaac à son fils Jacob », la rosée du ciel et la graisse de la terre.
» C'est la bénédiction de la Synagogue. Et qui ne sait que dans les
Écritures anciennes, Dieu ne promet à ses serviteurs que de prolonger
leurs jours, que d'enrichir leurs familles, que de multiplier leurs
troupeaux, que de bénir leurs terres et leurs héritages ? Selon ces
promesses, Messieurs, il est bien aisé de comprendre que les richesses
et l'abondance étant le partage de la Synagogue, dans sa propre
institution elle devait avoir des hommes puissants et des maisons
opulentes. Mais il n'en est pas ainsi de l'Église. Dans les promesses
de l'Évangile, il ne se parle plus des biens temporels par lesquels
l'on attirait ces grossiers ou l'on amusait ces enfants. Jésus-Christ a
substitué en leur place les afflictions et les croix ; et par ce
merveilleux changement, les derniers sont devenus les premiers, et les
premiers sont devenus les derniers, parce que les riches qui étaient
les premiers dans la Synagogue n'ont plus aucun rang dans l'Église, et
que les pauvres et les indigents sont ses véritables citoyens. [...] En
effet, n'est-ce pas à eux qu'a été envoyé le Sauveur ? « Dieu m'a
envoyé, nous dit-il, pour annoncer l'Évangile aux pauvres.» […]
Ensuite n'est-ce pas aux pauvres qu'il adresse la parole, lorsque
faisant son premier sermon sur cette montagne mystérieuse, où ne
daignant parler aux riches sinon pour foudroyer leur orgueil, il porte
la parole aux pauvres comme à ceux qu'il devait évangéliser ? « O
pauvres, que vous êtes heureux, parte qu'à vous appartient le royaume
de Dieu ! » Si donc c'est à eux qu'appartient le ciel qui est le
royaume de Dieu dans l'éternité, c'est à eux aussi qu'appartient
l'Église qui est le royaume de Dieu dans le temps. Aussi comme c'est à
eux qu'elle appartenait, ce sont eux qui y sont entrés les premiers.
Texte B La
Cigale et la Fourmi La Cigale, ayant chanté Texte C (Louis
de Jaucourt, philosophe français, 1704-1779, est l’un des principaux
rédacteurs de L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers de Diderot et D’Alembert. Il y
rédige deux articles en particulier.) MENDIANT, s. m. (Économie,
politique.) gueux ou vagabond de profession, qui demande
l’aumône par oisiveté et par fainéantise, au lieu de gagner sa vie
par le travail. Les législateurs des nations ont toujours eu soin de publier des lois pour
prévenir l’indigence[5],
et pour exercer les devoirs de l’humanité envers ceux qui se
trouveraient malheureusement affligés par des embrasements[6],
par des inondations, par la stérilité[7],
ou par les ravages de la guerre ; mais convaincus que l’oisiveté[8]
conduit à la misère plus fréquemment et plus inévitablement que toute
autre chose, ils l’assujettirent à des peines rigoureuses. Les
Égyptiens, dit Hérodote, ne souffraient[9]
ni mendiants ni fainéants sous aucun prétexte. [...] Le même esprit régnait chez les Grecs. Lycurgue ne souffrait point de
sujets inutiles ; il régla les obligations de chaque particulier
conformément à ses forces et à son industrie. Il n’y aura point dans
notre état de mendiant ni de vagabond, dit Platon ; et si
quelqu’un prend ce métier, les gouverneurs des provinces le feront
sortir du pays. [...] Ce n’est donc pas par dureté de cœur que les anciens punissaient ce
vice, c’était par un principe d’équité naturelle ; ils
portaient la plus grande humanité envers leurs véritables pauvres qui
tombaient dans l’indigence ou par la vieillesse, ou par des infirmités,
ou par des événements malheureux. Chaque famille veillait avec attention
sur ceux de leurs parents ou de leurs alliés qui étaient dans le besoin,
et ils ne négligeaient rien pour les empêcher de s’abandonner à la
mendicité qui leur paraissait pire que la mort [...]. Des édits[10]
semblables contre les mendiants et les vagabonds, ont été cent
fois renouvelés en France, et aussi inutilement qu’ils le seront
toujours, tant qu’on n’y remédiera pas d’une autre manière, et
tant que des maisons de travail ne seront pas établies dans chaque
province, pour arrêter efficacement les progrès du mal. Tel est
l’effet de l’habitude d’une grande misère, que l’état de mendiant
et de vagabond attache les hommes qui ont eu la lâcheté de
l’embrasser ; c’est par cette raison que ce métier, école du
vol, se multiplie et se perpétue de père en fils. Le châtiment devient
d’autant plus nécessaire à leur égard, que leur exemple est
contagieux. La loi les punit par cela seul qu’ils sont vagabonds et sans
aveu ; pourquoi attendre qu’ils soient encore voleurs, et se mettre
dans la nécessité de les faire périr par les supplices ? Pourquoi
n’en pas faire de bonne heure des travailleurs utiles au public ?
Faut-il attendre que les hommes soient criminels, pour connaître de leurs
actions ? Combien de forfaits épargnés à la société, si les
premiers dérèglements eussent été réprimés par la crainte d’être
renfermés pour travailler, comme cela se pratique dans les pays
voisins ! [...] MISÉRABLE, adj. et s. (Gramm.) celui qui est dans le
malheur, dans la peine, dans la douleur, dans la misère, en un mot, dans
quelque situation que lui rend l’existence à charge, quoique peut-être
il ne voulût ni se donner la mort, ni l’accepter d’une autre main. La
superstition et le despotisme couvrent et ont couvert dans tous les temps
la terre de misérables. [...]
Texte D (Au cours de l’hiver glacial de 1954 une
femme meurt gelée à Paris. L’abbé Pierre lance un appel célèbre à
la radio.) Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du
boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier,
on l'avait expulsée. Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés
sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant l'horreur,
les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent! Écoutez-moi ! En trois heures, deux premiers centres de dépannage
viennent de se créer : l'un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la
Montagne Sainte Geneviève; l'autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà,
il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir-même, dans toutes les
villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes
s'accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y
ait couvertures, paille, soupe, et où l'on lise sous ce titre
« centre fraternel de dépannage », ces simples
mots : « Toi qui souffres,
qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on
t'aime ». La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l'hiver, que
ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule
opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que
cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela.
Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l'âme
commune de la France. Merci! Chacun de nous peut venir en aide aux sans
abri. Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain: 5.000
couvertures, 300 grandes tentes américaines, 200 poêles catalytiques. Déposez-les vite à l'hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie !
Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à
23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l'asphalte
ou sur les quais de Paris. [1]
IVe siècle, archevêque de Constantinople et l'un des pères de
l'Église grecque. Il est célèbre pour son éloquence. [2]
L’équilibre. [3]
Elle est pourtant
véritable. [4]
Entre l’ancienne
religion et le christianisme. [5]
Grande pauvreté. [6]
Incendies. [7]
Sécheresse. [8]
Inactivité. [9]
Supportaient. [10]
Lois. |
|