Fonctions et valeurs de l’image

chez Teodoreanu

 

Bilan et projet

Nous avons montré jusqu’ici l’existence, dans le roman La Medeleni, d’une dense forêt d’images intra-diégétiques d’ampleur variable, et analysé quelques formes de développement des tropes dans l’espace textuel: modèle pointilliste, caractérisé d’une part par l’abondance des figures-fusées et des comparaisons versifiées, et, d’autre part, par le resserrement de l’image par métaphorisation, parfois en séries développées sous la forme du poème en prose; modèle expansif, de plus en plus représenté au fil du roman, avec développement du trope en ligne brisée ou en verset; modèle complexe, enfin, caractérisé par une haute densité figurative, une accumulation de comparaisons visuelles et auditives mais surtout synesthésiques, annonçant la prose de Ion Vinea, un nombre élevé de métaphores filées empruntant leur phore au registre héroïque, et de comparaisons et métonymies continuées, surtout végétales. D’un point de vue externe, enfin, nous nous sommes attardés sur les tropes hétérogènes au milieu narratif, qui individualisent le thème et font basculer le récit dans l’au-delà de la figure, et nous avons analysé la fonction narrative de la métaphore teodorenienne, sa manière de dynamiser le récit, de créer un mouvement de fuite centrifuge par création de mini-récits doublant la narration centrale, et mettant en jeu les motifs de la guerre, de l’histoire et de la ballade populaire. Cette recherche très formelle a mis clairement en évidence le caractère spécifiquement baroque de l’image chez Ionel Teodoreanu: forte accumulation des éléments figuratifs et surdéveloppement du phore par rapport au thème dans des systèmes arborescents et en tangente par rapport au récit.

Mais cette étude a pu donner l’impression d’artifice et d’absence de perspectives d’un système figuratif ayant pour but son propre développement dans l’espace du texte. Il faut maintenant envisager le problème de l’image teodorenienne non plus dans l’orientation de son auteur mais dans la perspective du lecteur, d’un point de vue des effets, donc, de l’originalité, et, finalement, de la valeur. L’étude raisonnée du système des images de La Medeleni a permis d’identifier deux principales fonctions1 de l’image - humoristique et perceptive2 - , qui feront l’objet de ce chapitre.

A. Fonction humoristique de l’image

L’image de La Medeleni a une première fonction, humoristique, en ceci qu’elle implique le soulignement par le narrateur d’une distance entre ce que devrait être le monde et ce qu’il est réellement3, ouvrant ainsi à l’esprit une sorte d’issue. Dans un compte rendu de la monographie de Nicolae Ciobanu sur notre romancier roumain, Nicolae Manolescu note que l’historiographe n’insiste pas assez sur l’humour de l’auteur de La Medeleni, et remarque avec justesse que le procédé indique la perspective de l’extérieur sur le monde romanesque.4

I. Humour insolite, scabreux, grivois.

Dans la trilogie roumaine, l’humour naît d’abord de la tendance qu’a le narrateur à se distancer des êtres et des choses en relevant par l’image leur aspect insolite, scabreux ou grivois.

1. Humour insolite.

La Medeleni abonde, en effet, en tropes où l’étrangeté du comparant métamorphose le thème objet et projette sur lui une lumière irréelle éclairant des aspects insoupçonnés. Le doigt du procureur de justice transformé en canon de revolver, la serviette de Dănuţ en balcon électoral5, les biscuits à champagne en «nişte galbene vâsle ale veseliei»6 et le capharnaüm de la chambre d’Olguţa en portraits de bien-aimées sur le vaillant torse des poilus7, illustrent le rôle de transfiguration de certains tropes particulièrement travaillés par le romancier roumain, dans le style néologistique de Dimitrie Anghel dans Arca lui Noe ["L’arche de Noé"]8, et surtout dans le sillage des métaphores étincelantes de Paul Morand9. Aussi bien Teodoreanu n’hésite-t-il pas à l’occasion à arborer lui aussi la "métaphore-monocle"10 et à emprunter le phore de ses images à la modernité immédiate de son contemporain français.11 Ainsi en va-t-il, dans une surprenante antithèse, pour les dialogues entre le père de Dănuţ et le chef de gare de Medeleni: «Domnul Deleanu cerea de la clienţii săi, când se întâmpla să-i asculte, celeritate şi preciziune, însuşiri care lipseau cu desăvârşire domnului Şteflea. Dialogurile dintre ei erau o necontenită ciocnire între un expres şi-un tren de marfă.»12, pour la rapidité épistolaire d’Olguţa écrivant «trei scrisori cu viteza unui dejun într-un restaurant de gară unde trenul se opreşte cinci minute.»13, ou pour la "pression psychologique" augmentant dans la malle où elle se cache avec son frère, «ca într-un submarin naufragiat pe masură ce se scufundă»14.

2. Humour scabreux.

Ailleurs apparaissent, dans des images liées aux aspects scabreux ou morbides de l’existence, tantôt la trivialité surprise, avec l’odeur de bouse escortée des moineaux, «aceşti veşnici creditori înaripaţi ai cailor»15, ou bien Venise, qu’Alexandru Pallă retrouve en 1916 «fezandată ca un venerabil roquefort»16, tantôt l’humour noir, avec le balcon branlant du Jockey-Club de Iaşi ayant sous la pluie d’automne «aerul nehotărât al sinucigaşilor în clipa când privesc prăpastia»17.

3. Humour grivois.

Certains tropes dévoilent enfin le caractère licencieux de certains personnages ou l’aspect grivois d’une situation. Ainsi en va-t-il du frère adoptif de Danuţ, Puiu: «Poreclit "Expres" de către colegi, nu-şi dezminţea porecla profesională nici printre femeile nocturne, la care - primit ca un expres într'o gară - ajungea înaintea trenurilor de marfă şi persoane mature.»18. Cynique et fortement influencé par le langage bancaire, le jeune avocat de Iaşi affiche une conception très originale de la virginité, considérant Lizica comme une "nouvelle émission" et se réservant sur le corps de Rodica une "créance hypothécaire"19. Abordant le même sujet sous forme de métaphore filée, une autre image concerne cette fois-ci Vania avant son initiation amoureuse par Ioana Palla: «Era întâia femeie a acestui padişah al haremurilor verbale. Trupul Ioanei, ca întâiul steag înfipt în Polul Nord, fâlfâia pe o împărăţie de zăpezi intacte, fără urme de galoşi, în bătaia unor vânturi nealterate de nici un iz omenesc.»20, tandis que le malheur conjugal du peintre Paşa, trompé par Adina avec maints officiers durant la guerre, provoque le rire par une image très leste, lorsque le narrateur évoque férocement «candoarea unui mare pictor ale carui coarne aveau dimensiunile şi paleta unui curcubeu interaliat.»21.

 

II. Humour critique et ironique.

L’humour s’exprime aussi dans La Medeleni au travers d’images où le narrateur porte un regard critique, amusé ou acerbe, sur l’ensemble de la création, épiant les paroles, gestes et mimiques des hommes et accessoirement des animaux, ironisant ou vilipendant des lieux, des individus ou des groupes. Il ressortit donc au portrait physique et à l’éthopée.

1. Paroles, gestes, mimiques.

Chez le romancier roumain, la figure est au service d’une observation anthropologique au quotidien menée avec l’acuité et l’espièglerie propres à l’enfance22.

• Voix.

C’est parfois la voix qui fait l’objet de l’attention pénétrante du narrateur, comme celle de Kulek, le chauffeur berlinois de Grigore Deleanu, s’adressant à la servante roumaine Anica «ca unei surdomute din acelaşi neam»23, comme celle du chef de gare myope Şteflea, épelant les adresses du courrier «cu gura apropiată de ele, ca un râmător grafolog»24, ou comme enfin celle des deux boxeurs noirs sur le bateau Marseille-Constanţa, qui déclenche une comparaison humoristique mettant en jeu certains aspects insolites de la création: «Sam bolborosea ca o broască devenită tobă mare, mâlos si fleşcăit de duioşii subite; Jimmy horcăia nazal şi bas ca un trombon devenit contrabas prin răguşeală şi mugetul tâmpeniei prin metempsicoză.»25.

• Gestes.

Mais le plus souvent dans La Medeleni, roman où «les personnages sont tout en gestes»26, comme dans ces premiers films muets de l’histoire du cinéma, l’humour est obtenu par une image saisissant sur le vif soit une attitude insolite ou curieuse, celle du chien Patapum se cachant «ca o tragediană răscoaptă de lumina soarelui»27, celle du pointer Ali dormant incognito dans la chambre de Dănuţ, «incolăcit pe covor ca un continent de purici»28 et ouvrant, surpris par madame Deleanu, «ochi de călugăr descoperit de stareţă la maici»29, ou celle de Sam et Jimmy jouant aux cartes sur le pont du navire, étalés «ca nişte malaci miopi cu botul într-o cutie de bomboane colorate»30, soit un geste précis de la main; ainsi de brèves images croquent en un éclair des signes corporels à côté desquels passe la plupart des romanciers, et que Ionel Teodoreanu appréhende avec un bonheur malicieux, presque filmique: monsieur Deleanu descendant de wagon, «frecându-şi mânile ca pentru săpunire»31, gesticulant «ca un şef de orhestră cu baston în loc de baghetă»32; Herr Direktor écartant tous les amis venus féliciter Dănuţ et Monica pour leurs fiançailles, «cu gestul alarmat al unui director de muzeu, care-şi vede periclitată o statuie, din pricina năvalei vizitatorilor»33; son chauffeur et mécanicien allemand tenant une torche en main «ca pe o halbă»34; Olguţa réclamant une autre plume ŕ madame Deleanu et «întinzând mâna mai departe, cu o atitudine de picolo nemulţumit cu bacşişul căpătat»35; ou Mircea attendant déséspérément Dănuţ et lui faisant un signe de la main, comme «un armator la ivirea corabiei scăpate din naufragiu»36...

Ailleurs l’image au phore surprenant - généralement une comparaison, plus rarement une métaphore - étonne le lecteur par le mouvement rapide d’une démarche vue sous son aspect amusant, par antithèse, avec Olguta et Monica remettant une punition à madame Deleanu et marchant, la première «ca un erou, înainte; Monica dupa ea, ca o mucenică»37, ou par oxymore, avec le basset Patapum «cu mers legănat şi chilos de atlet în frac»38. Olguţa rentre ŕ la maison avec un paquet de Dănuţ, arborant un sourire de joie «ca un poet care şi-ar găsi editor»39; la chambrière de Ioana Palla traverse la demeure «despletită ca văduva unui înecat»40, et la cuisinière de Medeleni la basse-cour comme «un ghetar plutitor cu papuci»41; la bonne femme apparaît à la porte de la salle à manger pour voir le sort que les invités réservent à ses sarmale42, «ca şi acei regi care se duceau singuri pe câmpul luptelor importante»43.

· Mimique.

L’humour de Ionel Teodoreanu ne s’exprime pas seulement par l’observation attentive des paroles et des gestes humains, mais aussi par des images relevant les aspects rares, particuliers, insolites, de la mimique - ces gestes du visage. Ainsi de nombreux phores de la trilogie roumaine renvoient au thème, par définition mouvant et susceptible de toutes les variations possibles, du regard. Dans le registre classique, madame Deleanu lance sur son époux un "regard de Neptune"44 et attend les invités retardataires à table «severa ca o alegorie a Justiţiei casnice pentru acei care întârzie la mese»45. Un événement historique contemporain, comme la révolution russe de 1917, engendre une métaphore malicieuse concernant la curiosité d’Olguţa, qui ouvre la valise de son frère: «Olguţa avea ochi de vameş socialist».46

Ailleurs l’image saisit avec un humour savoureux l’étonnement, la curiosité, la crainte ou l’effroi marqués sur un visage. Ainsi, la bataille d’oreillers entre Olguţa et son frère, dans le studio bucarestois de la rue Pitar-Moşu, provoque la perplexité du domestique Nae, qui regarde «mai întâi cerul, apoi perna, ca pe un copil din flori depus la el în braţe»47; le garçon qui sert à Danuţ une tasse de café-double-spécial-sucré-brûlant dans le restaurant de la gare de Iaşi, regarde son client «ca pe un cobai de laborator»48, et les deux garnements Olguţa «ca doi tăuraşi în faţa muletei toreadorului»49; enfin le propriétaire de l’appartement d’Adina Stephano, rossé par Dănuţ, le considère comme «mâna dentistului după ce ţi-a scos măseaua»50.

Toujours dans le domaine de la mimique, l’image à effet humoristique procède dans La Medeleni par l’observation déformante du sourire humain, usant abondamment de l’hyperbole. À son arrivée à Medeleni, au début du roman, Herr Direktor s’incline devant l’escalier «cu aerul unui amiral englez aclamat într-un mic port dunarean»51. D’autres personnages du roman sont affublés d’un sourire pour lequel le trope développé se connote de façon simplement plastique ou franchement rabelaisienne. Ainsi le serveur du Pavilion arbore un sourire «ca o farfurie de cartofi paille»52, Costea Babic, l’opportun takiste53 qui harcèle oncle Michel, «ca un buchet de trandafiri în cărţile poştale ilustrate»54; le violoneux tzigane Huduba montre «pe-o faţă de gorilă tuberculoasă un zâmbet ca o reclamă luminoasă pentru o pastă dentifrice»55, tandis que les passagers du train bessarabien de Bălţi, gavés de boulettes de viande, sourient grassement «ca bălţile în soarele de april şi ca bucătăresele mame în a opta lună.»56. Ionel Teodoreanu rejoint, dans cette manière de présenter les choses sous leur «aspect ridicule ou trivial», la «fantaisie bouffonne» de Ion Minulescu dans le roman Roşu, galben, albastru ["Rouge, jaune, bleu"] paru en 1924.57

2. Lieux, individus, groupes.

L’humour ne s’exprime pas, à travers les images de La Medeleni, uniquement de cette façon souriante et drôle. Un nombre important de figures du roman ironise ou vilipende certains aspects du monde, dans une perspective plus morale.58 L’ironie du narrateur s’insinue dans le texte, à travers elles, au moyen de différents procédés, mais toujours par une certaine connivence avec le lecteur et une certaine distanciation par rapport aux objets59.

• Lieux.

L’ironie du narrateur porte d’abord sur les lieux, et fonctionne, comme chez Flaubert ou Dickens, par notation de la distance entre sublime et trivial; c’est le cas pour le jardin Copou de Iaşi, symbole du mauvais goût et de l’incongruité: «Ea indispune ochiul ca un salon de mahala pregatit pentru recepţia deputatului, ca o romanţă a lunii dedicată primarului, ca o poezie epică închinată cutărui general de brigadă.»60.

• Individus.

Mais l’ironie vise surtout des caractères individuels, et peut user encore de l’opposition flaubertienne du poétique et du prosaïque, comme dans le cas de la vulgaire Rodica: «Se simtea la acelaşi nivel cu Rodica. Replicele scurte săreau ca broaştele de pe şosea în gigantica flacără delicată a luminii de lună.»61, de la comparaison hyperbolique, dans celui de Mircea: «În concepţia lui Mircea, călcatul pantalonilor era ceva asemănător cu săparea unui tunel prin munţi de granit, cu îmblânzirea unui cal sălbatec, cu duelul a doi adversari crânceni.»62, ou de la parodie - du récit des vies de saints dans l’exemple suivant, lorsque Dănuţ s’adresse en ces termes ŕ son ami collectionneur de crayons: «- Când te vei retrage în Thebaida, scârbit de cele lumeşti, îi proorocea Dănuţ, Dumnezeu va trebui să deschidă o librărie în deşert pentru alimentarea anahoretului Creion.»63. Le procédé devient parfois moquerie, comme dans ce passage où l’attitude amoureuse de l’incontournable Rodica est ironisée dans une comparaison continuée, par référence à la diplomatie occidentale: «Ca şi politica statelor europene, alta faţă de marile puteri, alta faţă de cele mărunte, politica Rodicăi varia în raport cu vârsta protagonistului: agresivă faţa de Puiu, devenea defensivă faţă de Dănuţ.»64, ou raillerie quand le narrateur vise les habitudes ou les tics de certains personnages, comme le directeur de la revue Viaţa contimporană vivant «noaptea cu huhurezii»65, ou les jeux de mots vulgaires du docteur Prahu, ce docteur Cottard moldave66: «Calamburile erau în inteligenţa acestui junimist ca o mahala în jurul unui oraş cu tainice grădini şi discrete palate. Ca să-l cunoşti, trebuia să treci mai întăi prin mahala.»67.

• Groupes.

Quand l’ironie teodorenienne concerne, à travers l’image, tout un groupe de la vie publique, comme les Juifs68 au début de Hotarul nestatornic, quand les fenêtres du train se remplissent «de capete semite, ca ferestrele unei cafenele de pe ªtefan cel Mare»69, ou comme le monde judiciaire dans la seconde partie de Între vânturi, l’ironie vire rapidement au sarcasme et prend la forme du croquis caricatural.70

Le procédé figural fait appel à deux principaux registres dans le phore. On peut mentionner le culinaire, d’abord, avec tout un vocabulaire péjoratif emprunté au champ prosaïque de la bouche. La satire ad hominem, en la personne du père Ştefanache, doyen des avocats, s’étend à toute la profession: «Inima tăranului interpelat e ca o măslină în scobitoarea privirii lui cuconu Ştefanache.»71. Le défenseur interrompu par le président se radoucit «ca un cazan cu smoală fierbinte devenit revărsare de sirop de fragi»72, s’éponge le front d’un revers de main «ca rândaşii după ce-au frământat aluatul cozonacilor»73. La satire de la justice puise enfin dans le second registre du spectacle74, usant volontiers de l’hyperbole: le public s’engouffre dans le tribunal «ca la foc, ca la bătaie, ca la luptele cu tauri»75 (l’exagération est renforcée ici par la gradation ascendante), le prélude de l’avocat «moaie ochii, îndulceşte inimile, ca orchestrele care te fac a oftezi sentimental în restaurante, pe când îţi tai bucata de friptură în sânge şi-ţi aduni cartofii rumeori.»76 (ici les deux registres se fondent au niveau du phore), le procès dans son ensemble est assimilé à une corrida, en une longue comparaison continuée: «Avocatul, deci, în această atmosferă, e ca un taur intrat într-un bal, ale cărui dansatoare, văzându-l, dezbracă hainele roşii, arborând cele mai albe danturi, cele mai intime steaguri albe, cele mai benigne fizionomii, cele mai calmante atitudini.»77

III. Vision des âges.

On a vu que l’humour figuratif était l’effet, dans La Medeleni, d’une distanciation opérée par le narrateur entre les différents aspects de la création et mettant en lumière, par l’élasticité sémantique du phore par rapport au thème, tantôt leur valeur étrange, saugrenue, morbide ou leste, tantôt leur vulgarité, leur hypocrisie et leur contradiction. Mais il est une dernière source de l’humour teodorenien, tel qu’il se manifeste à travers les nombreuses figures de la trilogie roumaine: c’est le regard adulte porté par l’enfant sur le monde de la réalité immédiate, et la vision enfantine d’un univers prosaïque revigoré d’une poésie nouvelle.

1. L’âge adulte.

• Le sourire de Medeleni.

L’humour de notre roman naît d’abord du regard étrange et sagace porté par l’enfant sur la vie qui palpite autour de lui, et dont la perspective n’est en correspondance ni avec sa situation sur la pyramide des âges, ni avec son statut social et anthropologique. De telles images malicieuses et tendres, d’où se dégage une sorte de sourire radieux de Medeleni, abondent dans Hotarul nestatornic, volume de l’âge heureux, et foisonnent par miracle jusqu’à la fin de la trilogie, comme si ni les vicissitudes de la vie ni les épreuves de l’histoire n’avaient prise sur ce don presque orphique de métamorphose. Quelle vision du couple, de la hiérarchie, de l’histoire, de la religion, transparaît au fil du texte à travers les yeux sérieux de Dănuţ, Olguţa et Monica! et qu’on est loin ici de l’ «imagisme lubrique» dont parle Pompiliu Constantinescu ŕ propos du premier volume!78

• Vision du couple.

Fâché avec sa sœur adoptive, le "futur maître du domaine" la tire par le poignet en entrant dans le verger «cum îşi aduce-acasă un bărbat mohorât soţia descoperită necredincioasă.»79; la machine à coudre qui prépare son trousseau de lycéen «îşi învalmăşea zornăitul metalic într'un galopant crescendo, brusc amuţea, şi iar începea, ca o soţie care-şi ceartă soţul în rate pasionate.»80.

• Vision de la hiérarchie.

Olguţa imite son avocat de père et fonde des rapports d’autorité avec les objets et les êtres qui l’entourent; elle accorde aux pots de confiture «o scurta audientă»81, regarde avec pitié, «ca pe un plenipotenţiar mut»82, la pauvre Monica qui vient de lui copier sa punition, et prend une attitude digne de la cour d’assises en allant vérifier les bruits de voiture au-dehors: «Olguţa se ridică solemn în picioare, cu şervetul în mână, ca un prim-jurat cu verdictul.»83.

• Vision de l’histoire.

L’histoire locale et universelle, maintenant: quelle esprit dans les allusions du phore contiennent ces savoureuses répliques d’enfants ou ces visions du monde à travers les yeux de jeunes adolescents! Dans le verger familial, Puiu choisit les plus beaux abricots, «cum alegeau trimişii de la Poarta otomanei împărăţii, pentru harem, numai frumoasele între frumoase.»84; Dănuţ sent son ętre dominé par différentes âmes successives, à des intervalles plus ou moins longs, «ca perindarea domnitorilor la tronul principatelor româneşti»85; éclairée d’une inspiration subite, Olguţa apostrophe Monica «cu intonaţia prezumată a lui Cristofor Columb în faţa Americii»86.

• Vision de la religion.

Et la religion: que de naïvetés feintes, que d’images assoupies réveillées par une allusion insolite et surprenante, avec la vieille cuisinière réintégrant sa place et faisant irruption dans ses quartiers «ca un cruciat pentru liberarea Sfântului Mormânt»87, monsieur Deleanu racontant Les Trois Mousquetaires et battant l’ennemi en brèche «ca Isus pe valurile marii»88, ou les voitures assiégeant la gare de Iaşi à l’arrivée de ses filles, «ca o intrare într-un Ierusalim al birjarilor»89!

2. L’âge enfantin.

Mais la trilogie romanesque de Ionel Teodoreanu génère surtout ses effets humoristiques par images en représentant un univers d’objets et d’êtres quotidiennement banals où elle insuffle une vie et un esprit nouveaux: dans La Medeleni l’enfance remet sans cesse le monde à sa place, le fait rire et chanter dans un écho de cascades.

• Monde animal.

Le monde animal est le premier univers métamorphosé par son regard: la petite gare de Medeleni, au début du roman, bourdonne «ca un 10 Mai al muştelor»90; le chien Ali précède en courant Danuţ «cu coada ţanţos răsucită în sus ca o musteaţă rurală»91; le petit Costică, fils illégitime de Kulek et d’Anica, règne en amiral de la flotte sur «un imens cârd de gâşte, raţe şi gânsaci»92, le tramway de Iaşi déambule comme «un vierme cu roţi»93.

• Monde des objets.

Puis viennent les objets, miniaturisés parfois, transfigurés par des images insolites, drôles, et empruntant leur thème ou leur phore aux domaines les plus divers, technique notamment. Ainsi le trottoir de la rue Charles Ier à Iaşi ressemble à un «funicular urcând spre Copou»94, le remorqueur du port de Constanţa tractant un navire devient «o ţigaretă serviabilă de la care o havană cu proporţii de castravete solicită focul.»95, l’appareil photographique immortalisant la scène des déguisements de la famille Deleanu «o sugatoare uriaşă»96, le soulignement du titre de la punition d’Olguţa par un trait de plume appuyé - «două şine subţiri, ca şi cum expresul care le umpluse ar fi deraiat.»97, enfin la locomotive aperçue au lointain par Dănuţ en gare de Medeleni «un punct negru, duşmănos ca o gaură de revolver încărcat»98.

• Monde des humains.

Enfin les humains dans leurs parties et dans leur tout subissent grâce aux images toute une série de manipulations par des collages souvent réussis et d’une valeur plastique indéniable. Par une antithèse assez comique, des passagers assis près d’un pope ventru dans le fameux train de Balţi génèrent une comparaison audacieuse impliquant la flotte de la Mer noire: «Se nemeriseră trei rusnaci zdraveni, pe aceeaşi banchetă cu ecleziastul, dar, alături de el, deveneau pigmei, ca vapoarele româneşti alături de un transatlantic.»99; le greffier du tribunal de Iaşi est sombre «ca un pian închis într-o sală de concert goală»100; la tête ronde et tondue à zéro de Herr Direktor est cendrée «ca un bulgare de sare»101, celle d’Olguţa ressemble à «o enormă boabă de cafea Ceylon prăjită din cale-afară»102, et celle de Dănuţ affublé du panama de son père - à «un cuier ocupat»103. L’étrangeté du phore accroît l’effet humoristique de certaines images particulièrement travaillées par le romancier roumain, mais dont l’allure naturelle donne l’impression au lecteur qu’elles jaillissent d’une imagination débordante, impétueuse «comme les chevaux sauvages fuyant les croix de feu des orages»104: la moustache du domestique Neculai ondoie au vent «ca un fular de borangic»105; la seule dent qui lui reste brille dans son palais comme «un semn de exclamaţie pe întunericul gurii»106; un passant insulté par Mircea toise celui-ci avec «o faţă cu ochii de revolver şi musteţi explozive»107.

Fonction perceptive de l'image

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  1. Henri Morier identifie 5 fonctions de la métaphore en particulier - explicative, descriptive et pittoresque, esthétique et sensuelle, éclairante et profonde, énigmatique et porteuse de charme - , en précisant qu’il ne s’agit pas de catagories imperméables. (H. Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris: Presses Universitaires de France, 1981, article "Métaphore", pp. 670-742.) Cette taxinomie fine doit sans doute être complétée dans le cadre d’une étude générale des tropes. La fonction cognitive de l’image, notamment, qui pourtrait englober au moins les deux derniers rôles assignés par Morier à la métaphore, nous semble incontournable. Celle-ci a d’ailleurs fait l’objet de travaux aussi bien en France qu’en Roumanie; voir notamment Tudor Vianu, «Problemele metaforei şi alte studii de stilistică» ["Les problèmes de la métaphore et autres études de stylistique"], in Opere ["Œuvres"], Bucureşti: Editura Minerva, 1975, pp. 199-284; voir plus récemment Daniela Roventa-Frumuşani, "Cognitif et expressif dans l’étude de la métaphore", Revue roumaine de linguistique, XXXIV, 1989 (6), pp. 523-529, ainsi que notre conclusion, infra.

  2. À titre indicatif, voici la répartition des images selon les deux fonctions, sur un total de 752:

Fonction

Total

Volume 1

Volume 2

Volume 3

Humoristique

125

43

28

54

Perceptive

91

30

31

30

  1. Jean Emelina définit l’humour comme "dénégation du réel". (Le comique. Essai d’interprétation générale, Paris: S.E.D.E.S., 1991, coll. "Présences critiques", p. 130.)

  2. N. Manolescu, "N. Ciobanu, Ionel Teodoreanu", Contemporanul, 1970 (32), 7 août, p. 3.

  3. Între vânturi, respectivement p. 142 et p. 182.

  4. T. F.: de jaunes avirons de la joie - Hotarul nestatornic, p. 247.

  5. Drumuri, p. 275.

  6. D’après Tudor Vianu, Arta prozatorilor români ["L’art des prosateurs roumains"], Bucureşti: Editura Albatros, 1977, coll. "Sinteze Lyceum", pp. 244-245 (chap. "Ironistes et humoristes"). Les principaux domaines concernés sont la philosophie, la biologie, le journalisme.

  7. Sur cette question, voir P. Igiroşanu, "Paul Morand", Viaţa universitară, 1926 (3), pp. 95-98.

  8. I. Teodoreanu, "Lămurire preliminară pe marginea romanului Game de Stejar Ionescu" ["Éclaircissement préliminaire en marge du roman Games..."], in Cum am scris "Medelenii" ["Comment j’ai écrit La Medeleni"], ed. N. Ciobanu, Iaşi: Editura Junimea, 1978, p. 70.

  9. Eugen Lovinescu remarque avec justesse, pour le volume Între vânturi tout au moins, que l’écriture "esthète" de Teodoreanu est «pleine d’images fraîches, imprégnée de modernisme et donc en progrès évident par rapport au vieux semănătorisme». Voir E. Lovinescu, Istoria literaturii române contemporane ["Histoire de la littérature roumaine contemporaine"], Bucureşti: Editura Minerva, 1989, p. 168.

  10. T. F.: Monsieur Deleanu exigeait de ses clients, quand il lui arrivait de les écouter, célérité et précision, deux qualités spirituelles qui faisaient parfaitement défaut à monsieur Şteflea. Les dialogues entre eux étaient un continuel tamponnage entre un express et un train de marchandises. Hotarul nestatornic, p. 351.

  11. T. F.: trois lettres avec la vitesse d’un déjeuner dans un restaurant de gare où le train s’arrête cinq minutes. Drumuri, p. 104.

  12. T. F.: comme dans un sous-marin naufragé à mesure qu’il sombre - Hotarul nestatornic, p. 319.

  13. T. F.: ces éternels créditeurs ailés des chevaux - Între vânturi, p. 359.

  14. T. F.: faisandée comme un vénérable roquefort - Drumuri, p. 374.

  15. T. F.: l’air indécis des suicidés à l’instant où ils regardent le précipice - Ibidem, p. 538.

  16. T. F.: Surnommé "Express" par ses collègues, il ne démentait pas ce sobriquet professionnel même parmi les femmes nocturnes, chez qui - reçu comme un express dans une gare - il arrivait avant les trains de marchandises et les personnes d’âge mûr. Între vânturi, p. 178.

  17. Ibidem, respectivement p. 182 et p. 178.

  18. T. F.: Elle était la première femme de ce padischah des harems verbaux. Le corps de Ioana, comme le premier drapeau planté sur le Pôle Nord, ondoyait sur un royaume de neiges immaculées, sans traces de caoutchouc, sous le souffle de vents altérés par nul relent humain. Ibidem, p. 53.

  19. T. F.: la candeur d’un grand peintre dont les cornes avaient les dimensions et la palette d’un arc-en-ciel interallié. Ibidem, p. 62.

  20. Sur les rapports entre humour et enfance, voir Nelly Feuerhahn, "Le rire et l’enfance dans l’enfance du rire. Le sourire, le rire et l’humanisation du monde", L’humour européen, 2, Lublin-Sèvres: Université Marie Curie-Sklodowska, Centre International d’Études Pédagogiques, 1993, pp. 287-296.

  21. T. F.: comme à une sourde-muette de la même famille - Hotarul nestatornic, p. 202.

  22. T. F.: la bouche collée contre elles, comme un verrat graphologue. Între vânturi, p. 289.

  23. T. F.: Sam bredouillait comme une grenouille devenue tambour énorme, fangeux et amolli de langueurs subites; Jimmy râlait d’une voix nasale et grave comme un trombone changé en contrebasse par enrouement et en beuglement de la bêtise par métempsycose. Ibidem, p. 45.

  24. Izabela Sadoveanu, "Ionel Teodoreanu: Uliţa copilăriei, La Medeleni - Hotarul nestatornic", Adevărul literar şi artistic, VII, 1926 (311), p. 1.

  25. T. F.: comme une tragédienne blette de la lumière du soleil - Hotarul nestatornic, p. 79.

  26. T. F.: lové sur le tapis comme un continent de puces - ibidem, p. 86.

  27. T. F.: des yeux de moine pieux découvert par la supérieure chez les nonnes - ibidem, p. 90.

  28. T. F.: comme des buffletins myopes, le museau dans une boîte de bonbons de couleurs. Între vânturi, p. 45.

  29. T. F.: en se frottant les mains comme pour se savonner - ibidem, p. 250.

  30. T. F.: comme un chef d’orchestre avec une canne en guise de baguette - ibidem, p. 251.

  31. T. F.: avec le geste alarmé ;d’un directeur de musée qui voit une de ses statues péricliter sous l’assaut des visiteurs - ibidem, p. 378.

  32. T. F.: comme une chope - Hotarul nestatornic, p. 202.

  33. T. F.: tendant la main plus avant, avec une attitude de garçon de salle mécontent du pourboire reçu. Ibidem, p. 63.

  34. T. F.: un armateur à l’apparition du bateau échappé au naufrage - Drumuri, p. 57.

  35. T. F.: comme un héros en tête; Monica derrière elle, comme une martyre - Hotarul nestatornic, p. 57.

  36. T. F.: à la démarche balancée et puissante d’athlète en frac - ibidem, p. 78.

  37. T. F.: comme un poète qui se trouverait un éditeur - Drumuri, p. 73.

  38. T. F.: échevelée comme la veuve d’un noyé - ibidem, p. 358.

  39. T. F.: comme une glacière flottant en pantoufles. Ibidem, p. 269.

  40. Boulettes de viande épicée, roulées dans des feuilles de vigne ou de chou.

  41. T. F.: comme ces rois qui se rendaient seuls sur les grands champs de bataille - Între vânturi, p. 264.

  42. Hotarul nestatornic, p. 210.

  43. T. F.: sévère comme une allégorie de la Justice domestique pour ceux qui arrivent en retard à table - ibidem, p. 203.

  44. T. F.: Olguţa avait des yeux de douanier socialiste - ibidem, p. 332.

  45. T. F.: d’abord le ciel, puis l’oreiller, comme un enfant de l’amour déposé dans ses bras - Drumuri, p. 137.

  46. T. F.: comme un cobaye de laboratoire - Între vânturi, p. 244.

  47. T. F.: comme deux taurillons devant la muleta du torero - Hotarul nestatornic, p. 131.

  48. T. F.: comme la main du dentiste après qu’il vous a arraché une dent - Drumuri, p. 18.

  49. T. F.: avec l’air d’un amiral anglais acclamé dans un petit port danubien - Hotarul nestatornic, p. 145.

  50. T. F.: comme une assiette de pommes paille - Între vânturi, p.180.

  51. Partisan de Take Ionescu (1858-1922), chef du parti conservateur-démocrate, puis ministre et premier ministre après la première guerre mondiale.

  52. T. F.: comme un bouquet de roses dans les cartes postales illustrées - Drumuri, p. 95.

  53. T. F.: sur une figure de gorille tuberculeux un sourire comme une réclame lumineuse pour une pâte dentifrice - Între vânturi, p. 187.

  54. T. F.: comme les marécages sous le soleil d’avril ou comme les cuisinières enceintes de huit mois. Ibidem, p. 303.

  55. Tudor Vianu, Arta prozatorilor români ["L’art des prosateurs roumains"], Bucureşti: Editura Albatros, 1977, coll. "Sinteze Lyceum", p. 343.

  56. Sur la différence d’abjet entre humour et satire, voir W. Schmidt-Hidding, Humour und Witz, München, 1963, pp. 47-48.

  57. Voir V. Jankélévitch, L’ironie, Paris: Flammarion, 1964.

  58. T. F.: Il indispose l’œil comme un salon de faubourg préparé pour la réception du député, comme une romance à la lune en hommage au maire, comme une poésie épique dédiée à tel général de brigade. Între vânturi, p. 204.

  59. T. F.: Il [Dănuţ] se sentait au męme niveau que Rodica. Les courtes répliques sautillaient comme les grenouilles sur la route dans la gigantesque flamme délicate du clair de lune. Drumuri, p. 447.

  60. T. F.: Dans la conception de Mircea, le repassage des pantalons avait quelque chose de ressemblant au creusement d’un tunnel à travers des montagnes de granit, au domptage d’un cheval sauvage, au duel entre deux adversaires acharnés. Ibidem, p. 164.

  61. T. F.: - Quand tu te retirereras en Thébaïde, dégoûté du siècle, lui prophétisait Dănuţ, Dieu devra faire ouvrir une librairie dans le désert pour alimenter Creion l’anachorète. Ibidem, p. 30.

  62. T. F.: Comme la politique des états européens, autre devant les grandes puissances que devant les petites, la politique de Rodica variait en fonction de l’âge du protagoniste: agressive face à Puiu, elle devenait défensive face à Danuţ. Ibidem, p. 442.

  63. T. F.: la nuit avec les hulottes - Între vânturi, p. 203.

  64. M. Proust, Un amour de Swann, I, Paris: Gallimard, coll. "Folio", pp. 298-317.

  65. T. F.: Les calembours étaient dans l’intelligence de ce junimiste comme un faubourg aux approches d’une ville de jardins paisibles et de palais discrets. Pour le connaître, il fallait d’abord traverser le faubourg. Drumuri, p. 99. Le pittoresque docteur est favorable aux idées du cercle littéraire de Iaşi, Junimea ["La Jeunesse"].

  66. Sur ce sujet, voir Geri Spina, Evreii în opera d-lui Ionel Teodoreanu ["Les Juifs dans l’œuvre de M. Ionel Teodoreanu"], Bucarest: Editura Adam, 1934, coll. "Biblioteca sociala" 11-12. L’auteur y relève de nombreux exemples de dérision traditionnelle des Juifs dans La Medeleni, en en exagérant toutefois la portée.

  67. T. F.: de têtes sémites, comme les fenêtres d’un café sur la rue Étienne le Grand - Hotarul nestatornic, p. 13.

  68. Marian Popa écrit à juste titre que cette caricature est chargée d’un «impresionnisme qui choisit d’après un critère secret les traits et les absolutise, la plupart du temps, par des déformations hyperboliques»; voir M. Popa, "Medelenii sau starea de vacanţă" [«Medeleni ou l’état de vacance»], in: Ionel Teodoreanu, La Medeleni, 1, Hotarul nestatornic, Bucureşti: Editura Albatros, 1970, pp. 24-25.

  69. T. F.: Le cœur du paysan interpellé est comme une olive au bout d’un cure-dents, sous le regard du père Ştefanache. Între vânturi, p. 120.

  70. T. F.: comme un chaudron de goudron bouillant transformé en inondation de sirop de fraises des bois - Ibidem, p. 117.

  71. T. F.: comme les garçons boulangers après qu’ils ont pétri la pâte des brioches - Loc. cit.

  72. Les images de ce registre n’ont rien d’original ici et font partie du fonds littéraire européen, reprenant le topos ancien du theatrum mundi. Voir sur ce point E. R. Curtius, La littérature européenne et le moyen âge latin, Paris: Presses Universitaires de France, 1956. Sur les images théâtrales particulièrement développées chez Balzac, voir Lucienne Frappier-Mazurier, L’expression métaphorique dans La Comédie humaine, Domaine social et physiologique, Paris: Klincksieck, 1976, pp. 102-129 ("La métaphore théâtrale").

  73. T. F.: comme à l’incendie, à la bagarre, aux combats de taureaux - Ibidem, p. 116.

  74. T. F.: mouille les yeux, adoucit les cœurs, comme les orchestres qui vous font pousser un soupir sentimental dans les restaurants, alors que vous coupez votre rôti saignant et glanez vos pommes rissolées. Ibidem, pp. 116-117.

  75. T. F.: L’avocat, donc, dans cette atmosphère, est comme un taureau entré dans un bal dont les danseuses, en le voyant, dévêtent leurs habits rouges, arborant les plus blanches dentures, les plus intimes bannières blanches, les plus bénignes physionomies, les plus calmantes attitudes. Ibidem, p. 144.

  76. P. Constantinescu, "Ionel Teodoreanu: Uliţa copilăriei, La Medeleni, II, Drumuri", Sburătorul, VI, 1927 (7), p. 94.

  77. T. F.: comme un mari courroucé ramène à la maison son épouse surprise en adultère. Hotarul nestatornic, p. 65.

  78. T. F.: déployait en tous sens son cliquetis métallique dans un galopant crescendo, devenait brusquement muette, et repartait de plus belle, comme une épouse qui querelle son mari en mensualités passionnées. Ibidem, p. 289.

  79. T. F.: une courte audience - Ibidem, p. 72.

  80. T. F.: comme un plénipotentiaire muet - Ibidem, p. 69.

  81. T. F.: Olguţa se mit debout solennelement, la serviette en main, comme un premier juré avec le verdict. Ibidem, p. 141.

  82. T. F.: comme les émissaires de la Sublime Porte choisissaient, pour le harem, rien que les plus belles parmi les belles. Drumuri, p. 257.

  83. T. F.: comme le défilé des princes régnants sur le trône des principautés roumaines - Ibidem, p. 280.

  84. T. F.: avec l’intonation présumée de Christophe Colomb découvrant l’Amérique - Hotarul nestatornic, p. 47.

  85. T. F.: comme un croisé pour la délivrance des Saints Lieux - Între vânturi, p. 237.

  86. T. F.: comme Jésus sur les flots de la mer - Hotarul nestatornic, p. 375.

  87. T. F.: comme une entrée dans Jérusalem des cochers - Între vânturi, p. 252.

  88. T. F.: comme un 10 Mai des mouches - Hotarul nestatornic, p. 9. Jusqu’à la fin de la monarchie, le 10 Mai était la fête nationale de la Roumanie; on célébrait la venue sur le trône du roi Charles Ier, le 10 mai 1881.

  89. T. F.: avec sa queue fièrement retroussée en l’air comme une moustache rurale - Ibidem, p. 180.

  90. T. F.: une immense volée d’oies, de canards et de jars - Drumuri, p. 253.

  91. T. F.: un ver à roues - Între vânturi, p. 297.

  92. T. F.: funiculaire grimpant vers le jardin du Copou - Drumuri, p. 99.

  93. T. F.: une cigarette serviable à laquelle un havane aux proportions de concombre demande du feu. Între vânturi, p. 85.

  94. T. F.: un buvard géant - Hotarul nestatornic, p. 177.

  95. T. F.: deux rails ténus, comme si l’express qui les remplissait avait déraillé. Ibidem, p. 68.

  96. T. F.: un point noir, haineux comme une gueule de révolver chargé - Ibidem, p. 10.

  97. T. F.: Il se trouvait là par hasard trois solides gaillards russes, sur la même banquette que l’ecclesiastique, mais, à côté de lui, ils devenaient des pygmées, comme les bateaux à vapeur roumains à côté d’un transatlantique. Între vânturi, p. 304.

  98. T. F.: comme un piano enfermé dans une salle de concert vide - Ibidem, p. 115.

  99. T. F.: comme une boule de sel - Hotarul nestatornic, p. 149.

  100. T. F.: un énorme grain de café Ceylon trop grillé - Ibidem, p. 53.

  101. T. F.: un portemanteau occupé - Ibidem, p. 20.

  102. Drumuri, p. 282.

  103. T. F.: comme un foulard de soie grège - Ibidem, p. 73.

  104. T. F.: un point d’exclamation dans l’obscurité de la bouche - Loc. cit.

  105. T. F.: un visage aux yeux de revolver et aux moustaches explosives - Ibidem, p. 168.

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