Le récit des années tendres (suite)
IV. La cohérence de l’intrigue de Hotarul nestatornic.
1. Une intrigue de maturation. Mais la cohérence narrative du premier volume de La Medeleni n’est pas seulement externe: elle émerge aussi de l’intrigue, de l’enchaînement des différents épisodes à l’intérieur même du roman. Si Danuţ en était le personnage central, dans la mesure où c’est lui qui voit même s’il ne raconte pas, il serait raisonnable de penser qu’on a bien affaire ici, pour reprendre la classification de Norman Friedman 82, à une intrigue de maturation au cours de laquelle un personnage inexpérimenté acquiert une connaissance de la vie.2. Une situation initiale idyllique. L’intrigue du roman, en dépit de la diversité des motifs narratifs, devient alors cohérente et tout à fait lisible: exposition, nœud, dynamique de l’action et dénouement final. À l’exception de Robinson Crusoe, dont l’unité est donnée par le thème de l’automne, tous les chapitres de Hotarul nestatornic sont centrés sur une action clairement définie. 83La première partie expose in medias res la situation initiale, et montre le bonheur des vacances à Medeleni, un domaine de Moldavie où parents, enfants et domestiques vivent dans l’insouciance du lendemain, dans une atmosphère frénétique de jeux, de disputes et de raccordailles, au milieu du confort et de la nature.3. Un nœud central très serré. La suite de Hotarul nestatornic n’est qu’une lente dégradation de cet état idyllique, marquée par deux temps forts. D’abord, l’arrivée à Medeleni, dans le premier chapitre de la seconde partie, en position arithmétiquement centrale dans le roman, de Grigore Deleanu, oncle de Danuţ, surnommé Herr Direktor à cause de sa fonction d’ingénieur et de sa «sévérité» acquise au cours d’études en Allemagne, et qui propose aux Deleanu de prendre en charge l’éducation de son neveu à Bucarest. Ce chapitre très important, et dans lequel, paradoxalement, l’action faiblit au profit de la discussion théorique, forme donc le nœud du roman, consacre la rupture de la situation initiale précédemment décrite, par une force de transformation extérieure -- l’arrivée inopinée de l’oncle au volant de sa monstrueuse voiture automobile -- et qui entre en conflit avec une force intérieure -- l’attachement de M. et M. Deleanu à leur fils aîné. Le nœud du premier chapitre dynamise l’action, qui consiste en la préparation du départ de Danuţ pour l’internat de Bucarest, racontée dans le troisičme chapitre de la seconde partie. Ce narrème de départ et d’arrachement au milieu familial n’est original ni par rapport à la littérature occidentale, où il apparaît fréquemment dans un grand nombre de romans d’apprentissage, ni par rapport à la prose roumaine antémedeleniste, chez les postjunimistes et les semănătoristes, notamment; on le retrouve par ailleurs dans Fiul câmpurilor, l’une des nouvelles de Cezar Petrescu dans Scrisorile unui răzeş 84, avec l’image de Petrică quittant en charrette son village pour l’internat de Iaşi.4. Faux rebondissement et dénouement. Hotarul nestatornic pourrait se terminer ici. Mais un second événement marque un temps fort de l’intrigue: la mort de moş Gheorghe, dont l’éventualité était envisagée dès le début du roman. Il s’agit donc d’un élément interne qui, en conjonction avec l’élément externe de la proche rentrée des classes, conduit de façon fulgurante au dénouement: la fin des vacances heureuses à Medeleni et le départ de toute la famille de Danuţ pour Iasi, où le barreau attend M. Deleanu et la pension Humpel Olguţa et Monica. L’habileté de Teodoreanu à organiser une intrigue cohérente et équilibrée ne fait donc aucun doute ici. L’art du romancier roumain lui permet de dominer une matière consistante et signifiante et de l’insérer dans une dynamique très ouverte: la situation finale de Hotarul nestatornic appelle en effet une suite et une réponse à la grave question de savoir ce que deviendront les jeunes héros du roman, et Dănuţ en particulier. Ce point de fuite oriente donc le volume Drumuri.
V. L’ampleur architecturale de Hotarul nestatornic. Lovinescu déplorait, outre le manque de profondeur des personnages de Teodoreanu, le fait que ceux-ci «nous torturent en 382 pages» 85, suggérant par-là, sans doute, que Hotarul nestatornic pêche aussi par la disproportion de ses dimensions et de sa force narrative et expressive.On a tenté de réfuter bien des thèses de cet excellent critique qui juge Teodoreanu avec la partialité d’un chef de l’école moderniste, et vu jusqu’ici que la réussite romanesque de Hotarul nestatornic est incontestable, qu’elle répond aux exigences fondamentales du roman que sont la consistance et la signifiance narratives, d’une part, l’unité organique et la fermeté de l’intrigue, d’autre part. Mais un grand romancier ne peut se satisfaire de la logique d’une intrigue, aussi vivante et dynamique soit-elle, de «suites d’événements organisés de façon cohérente et significative» 86. La réussite d’œuvres aussi vastes que La Medeleni doit être considérée dans un dernier temps du point de vue de l’ampleur, de la possibilité qu’ont ces œuvres de «s’organiser en constructions compactes»87. N’est-ce pas elle, en effet, qui différencie le roman du conte et de la nouvelle, qui distingue Hotarul nestatornic d’un sketch enjoué ou d’un moment alerte d’un Caragiale, du récit bref et facétieux d’un Creangă, de l’histoire humaine et tendre d’un Delavrancea?1. Le jugement d’Olguţa. L’épisode où Olguta surprend Ionică et Pătru occupés àse battre pour des boutons, et qui s’étend sur sept pages de l’édition originale de La Medeleni, est traité par Teodoreanu avec assez d’habileté pour qu’il soutienne l’attention du lecteur, quoiqu’il reprenne un motif développé avec bien plus d’ampleur par Louis Pergaud88. Les rôles des différents personnages sont bien campés: digne arbitrage d’Olguţa, neutralité bienveillante de moş Gheorghe, et assistance médicale et morale de Monica. Les grands moments de l’action s’enchaînent avec beaucoup de naturel, avec l’interrogatoire, devant la prispa de moş Gheorghe, des garnements pris en flagrant délit, la citations des chefs d’accusation que sont les insultes et le vol des boutons, la réparation du préjudice subi et enfin la peine prononcée par Olguţa. Certes, l’épreuve de la multiplication infligée ici n’est qu’une reprise du motif classique traité déjàpar D. D. Pătrăşcanu dans Timoteiu mucenicul89, et Olguţa se comporte un peu comme Lică Mădârjan qui interroge sa soeur Mărioara et son frère Petruţă sur la lecture et l’arithmétique; certes, le traitement narratif de l’épisode du jugement d’Olguţa se joue trop dans la perspective de la représentation, par nature anti-narratif, avec une prolixité de dialogues des plus brefs. Il n’empêche que Teodoreanu donne à cet épisode un souflle romanesque assez puissant, et pour le moins un dynamisme très ferme, auxquels Arhezi, dans Judecata, reste fort redevable90. C’est par rapport à la différenciation des plans que pêche ici l’art romanesque de Teodoreanu, malgré un sens de l’observation des enfants absolument unique, et par l’amplification d’une scène qui aurait pu être relatée et qui n’a qu’une fonction compensatrice par rapport au personnage d’Olguţa, jugée par sa mère dans le chapitre précédent.2. D’Artagnan et les Trois Mousquetaires. En revanche, le célèbre épisode au cours duquel M. Deleanu, afin de retarder le plus possible l’annonce de la mauvaise nouvelle à Olguta, raconte aux enfants l’histoire de D’Artagnan et des trois mousquetaires, pendant que moş Gheorghe se meurt, joue à la fois avec la dimension de l’espace qu’est l’ampleur du passage, et avec celle du temps par la mise en rapport des plans de simultanéité et d’antériorité, de relation et de représentation. Par l’art du contrepoint et de l’entrelacement, Teodoreanu réalise avec cet épisode final un grand moment de Hotarul nestatornic, d’une gravité rare dans le roman.L’écrivain y alterne en effet, d’une part une scène épique, à dominante burlesque, celle où M. Deleanu raconte, animé du tumulte méridional» de Tartarin de Tarascon, les déboires des héros d’Alexandre Dumas aux prises avec les gardes du «chenapan de Richelieu», et pour qui la mort est un jeu: 91
T. F.: Le dernier garde -- la Justice -- tomba lourdement sur le tapis, sous les applaudissements d’Olguţa. Charitable, Monica releva la Justice et la mit à sa place sur le bureau., et, d’autre part, une scène pénible et dramatique où moş Gheorghe lutte, comme un grand voïvode agonisant au milieu de ses chevaliers, contre la mort sérieuse, devant le médecin lui prenant le pouls, les paysans émus et silencieux, et Mme Deleanu effarée: 92
T. F.: Le clos de la maison de moş Gheorghe, petit à petit, se remplit de paysans. Ils venaient prendre des nouvelles du plus vieux et du meilleur d’entre eux. Les uns étaient assis par terre, d’autres sur la prispa, d’autres se tenaient debout, silencieux et solennels comme à la mort d’un voïode.Ce moment d’une grande intensité se situe au moins au niveau de l’art de Sadoveanu, qui traite le même motif sur deux plans, dans Paştele Blajinilor93 (les hommes, les animaux). La mort d’Ambrosie le Hongrois, serviteur à la cour de Gheorghită Vrânceanu, espèce d’orphée magicien dirigeant les animaux, fait l’objet chez le grand conteur moldave d’une scène superbe à minuit devant toute la cour assemblée. Traité par Teodoreanu avec la dimension mythique qui s’attache à la mort d’un vieux serviteur dépositaire de la mémoire de toute une communauté, l’épisode chez le romancier n’a pas l’allure macabre qu’il a dans le Jean-Christophe de Romain Rolland94. On trouve déjà chez le grand romancier français la construction scénique en deux plans, avec une juxtaposition des deux âges extrêmes de la vie, l’enfance et la vieillesse, et le grand-père de Jean-Christophe criant «Maman!». Mais rien de lugubre ou d’épouvantable chez Teodoreanu, ni «abominable râle» ni évanouissement: la mort de moş Gheorghe a la force d’une légende biblique et la beauté sereine d’une délivrance.95Par un jeu riche et subtil d’oppositions entre le rire et les larmes, le mouvement et le recueillement, la parodie et le sérieux, l’autochtone évoqué par le voïvode, et l’importé par Richelieu, entre les objets prosaïques de la maison Deleanu et les symboles épiques du roman de cape et d’épée (le coupe-papier et l’épée, l’abat-jour et le feutre, la statue de bronze de la Justice et le cheval d’un des gardes du cardinal), Ionel Teodoreanu donne à un épisode relativement ample une grande intensité dramatique: il n’y a pas ici amplification, mais concentration extrême des moyens mis en œuvre pour des effets expressifs très puissants. En effet, l’ampleur de l’épisode exprime l’intensité et non point l’atonie. Ainsi, le grand dynamisme de la scène des mousquetaires jouée par M. Deleanu s’explique par le fait que le conteur s’implique dans chacun des protagonistes de la fable sur le plan de la représentation, imitant avec verve et entrain ses mots et ses gestes:
Un scaun căzu trosnind. -- ... Înşfacă pe călăreţ... Cea mai nimerită întruchipare a călăreţului cardinalicesc era statuia Justiţei cu balanţele veşnic strâmbe. Domnul Deleanu înşfacă justitia de bronz. -- ... şi’ncepe să facă mulineuri: trei guarzi cad morţi, doi răniţi, ceilalţi fug. 96
T. F.: -- ... Porthos les voit bien, mais qu’a-t-il à faire de quatre-cinq-six gardes du chenapan de cardinal! D’une simple culbute il renverse le cheval et le cavalier par-dessus le marché... Une chaise se fracassa par terre. -- ... Il te m’empoigne le cavalier... L’image la plus idoine du cavalier cardinalesque était la statue de la Justice avec son fléau éternellement tordu. Monsieur Deleanu empoigna la justice de bronze. -- ... et se met à me faire des moulinets: trois gardes tombent morts, deux blessés, les autres s’enfuient. C’est de cette fusion continuelle, au cœur même de la masse romanesque, des plans de la représentation et de la relation, de ce jeu subtil du contrepoint où Teodoreanu excelle, que naît le souffle épique qui anime l’ampleur de cet épisode inoubliable de La Medeleni. 3. Le conflit russo-japonais. Les épisodes du conflit qui oppose Dănuţ et Olguţa dans le premier chapitre de Hotarul nestatornic sont traités par Teodoreanu avec l’ampleur nécessaire aux grandes construction narratives «compactes qui Lovinescu lui déniait. De plus, ce volume est travaillé avec une grande originalité. La particularité de cet ample chapitre réside d’abord dans le fait qu’il met en œuvre une double imitation à des fins humoristiques: celle de l’Histoire et celle d’un genre. Il s’agit bien d’un parodie de la guerre réelle de 1904 à 1905 entre la Russie tsariste et le Japon, reflétée et atténuée dans les incessantes chamailleries de Potemkine et de Kami-Mura. Mais le premier chapitre imite aussi de façon burlesque le genre épique traditionnel, ses motifs de circonstance correspondant aux différents moments ou graduation du conflit: provocation, riposte, médiation, suite de représailles, conférence de paix... Le romancier suit avec luxe de détails les différentes phases du conflit. La première est l’entrée en guerre, lors de l’incident en gare de Medeleni, avec la provocation d’Olguţa qui insulte son frčre, la riposte violente de Dănuţ qui lui réplique par une giffle, la médiation de M. et Mme Deleanu, qui tentent vainement de réconciler les enfants, les représailles d’Olguţa qui coupe finalement la ficelle du cerf-volant de Dănuţ. Une seconde étape suit logiquement la première: il s’agit du procès d’Olguta, qui comparaît en jugement devant sa mère. Cette séquence narrative suit assez rigoureusement les règles du cérémonial judiciaire (n’oublions pas que Teodoreanu était avocat): même si le chef d’accusation est sous-entendu, Mme Deleanu écoute les deux parties puis rend son jugement et condamne Olguţa àdifférentes peines dont la principale est la rédaction d’une punition où la fillette reconnaîtrait ses torts. Cette séquence s’entrelace avec celle où Danuţ perpčtre sa vengeance sur un tiers, innocent en l’occurence: il tire les cheveux de Monica, qui le mord. La revanche d’Olguţa, qui profite du dîner familial pour parler français et ridiculiser Dănuţ qui feint d’ignorer cette langue, constitue un autre grand temps de Hotarul nestatornic, qui se termine par la réconciliation des enfants autour d’un pot de confiture et par la signature d’une paix précaire entre Olguţa et Dănuţ. Dans le respect de l’unité temporel de la journée, et de l’unité d’action de la guerre entre frères ennemis, Teodoreanu réussit donc à amorcer avec ampleur et fermeté, par le jeu parodique, l’ouverture dynamique de son roman. Cette ouverture se caractérise aussi, du point de vue de l’originalité, par l’utilisation des plans de différenciation qui donnent à ce récit ample une profondeur et un relief. Par le jeu temporel des alternances, d’abord, avec l’histoire de la course effrénée entre les voitures qui conduisent les enfants de la gare de Medeleni au domaine. Sur plusieurs pages Teodoreanu alterne avec beaucoup de naturel et d’habileté les moments concernant la carriole de M. Del eanu et de Dănuţ, conduite par Ion, et la voiture de Mme Deleanu et des filles, menée par moş Gheorghe, qui part la premičre pour être finalement rejointe puis dépassée dans un point d’orgue:97
T. F.: De son corps long et svelte de libellule, la carriole surgit derrière la voiture, prête à la dépasser. -- Dépêchons, les enfants! Dépêchons: j’ai une faim terrible! Et une de ces soifs! leur lança en hâte M. Deleanu. Dănuţ, serein, regardait droit devant lui, tout en lorgnant d’un śil sur le côté. Il témoignait de la sorte à Olguta son mépris et pouvait apercevoir en même temps sa durable défaite .Cette technique romanesque de l’alternance des plans, dans une série d’instantanés qui marquent la discontinuité du récit, connfère un grand dynamisme à une action qui, narrée de façon traditionnelle, se serait enlisée dans une description statique du paysage champêtre entre la gare et la moşie. Elle met aussi en évidence l’opposition des caractères de Danuţ le ręveur et d’Olguţa la pragmatique; de la sorte elle acquiert de la valeur. Le jeu des contrepoints et du point d’orgue confère aussi au chapitre étudié son originalité technique, en même temps qu’il renforce la cohésion d’un texte nécessairement vaste. À partir de l’arrivée de la famille Deleanu à Medeleni 98, le récit, en effet, s’étend et se développe en une suite de réunions et de séparations des enfants, tantôt présents ensemble quand la famille prend le déjeuner ou le dîner, quand Dănuţ croise Olguţa et Monica en sortant pour jouer au cerf-volant, ou quand il joue avec Monica dans le verger, tantôt séparés par le mur de leurs chambres ou en deux camps ennemis que tout oppose. L’alternance des plans intérieurs et extérieurs tout au long du chapitre99 a la même fonction contrapuntique: elle évite la monotonie du récit en lui donnant des variations de perspectives, établit des oppositions puis des rapprochements de champs entre les enfants, et donne l’image du rythme même de l’attitude psychologique de Dănuţ et d’Olguţa d’introversion et d’extraversion. Aussi bien le titre du chapitre, Potemkine et Kami-Mura, est-il contrapuntique, par l’opposition qu’il établit ou suggère entre deux mondes, deux êtres ou deux fictions; il résume un épisode de la guerre medeleniste riche en rebondissements, prolixe dans la variété, construit d’un bout à l’autre selon les règles du contrepoint parfaitement maîtrisées par Teodoreanu, et qui se clôt par ce superbe point d’orgue qu’est la réunion de Danuţ, Olguţa et Monica autour du pot de confiture:100 T. F.: ... Blancs pèlerins des chemins de lune sur les tapis, trois enfants nu-pieds, en longues chemises de nuit -- l’un aux cheveux blonds, deux aux longues mèches noires -- firent halte autour d’un pot de confiture. Et tous les trois mangeaient à la même cuiller, sous le regard de la même grand-mère, la confiture des mêmes géants -- par terre, sur le tapis. 4. L’épisode des cadeaux. L’épisode où Herr Direktor, à peine arrivé à Mdeleni, déballe sa grande malle dans la célèbre chambre turque ornée de divans, de tapis à fleurs et d’odalisques, et distribue ses cadeaux à toute la famille réunie pour les recevoir, pourrait donner bien des arguments pour réfuter, si c’était encore nécessaire, la thèse de Lovinescu sur la débilité narrative de Teodoreanu, ou celle de George Calinescu qui constatait en 1941, dans sa monumentale Histoire de la littérature roumaine, l’incapacité de l’auteur de La Medeleni à raconter: «L’écrivain est incapable de narrer, et lorsque dans tel de ses écrits nous rencontrons la question romanesque, qui peut sembler quelquefois riche, il ne s’agit finalement que d’une illusion. Dans la majorité de ses pages le romancier flâne parmi les théories et le lyrisme, et ce n’est que lorsque le livre menace de refermer son couvercle qu’il débobine de manière analytique la pelotte des motifs narratifs en une seule page.» 101 Construit de manière très théâtrale, cet ample épisode des cadeaux semble pourtant doté d’un dynamisme endiablé et paraît présenter une gamme assez large de moyens romanesques qui définissent toujours mieux l’art de Ionel Teodoreanu.a. Une construction théâtrale. Une première caractéristique de l’épisode des cadeaux, qui définit si bien à lui seul l’ambiance merveilleuse de Medeleni qu’il sera repris en reflet dans Vânturi 102, marquant ainsi le passage du temps enexorable et la dégradation du mythe medeleniste, est sa construction en actes. Un tel choix était nécessaire: il fallait en effet, d’une part, organiser l’ampleur de la matière romanesque étendue sur dix-huit pages en la décomposant en grands mouvements, et, d’autre part, dynamiser ce matériau en lui donnant un point de fuite, un relief. L’épisode débute par un préambule d’exposition in medias res: Olguţa s’adonne à ses pitreries, l’oncle Puiu ouvre la malle mystérieuse, et le narrateur opère une pause en expliquant la réaction de Danuţ et de Monica face aux cadeaux en général103. Le premier acte emboîte le pas à cette exposition avec la distribution des cadeaux par Herr Direktor, aux moşnegi 104d’abord, puis aux enfants. L’arrivée inopinée de la bonne, Profira, qui surprend adultes et enfants au milieu des pâtes de fruit jetées à terre105, opère une rupture qui conduit, au deuxième acte, celui de la mascarade générale. La théâtralité de l’épisode se révèle alors magnifiquement par l’intrusion d’une folie collective et perturbatrice. En effet l’ordre des âges s’inverse: les adultes, oncle Puiu et Mme Deleanu surtout, redeviennent enfants; les situations géographiques et culturelles se métamorphosent, et l’on voit Alice Deleanu et Monica se travestir en Japonaises, les frères Deleanu en pacha et en eunuque turcs, Olguţa en haïdouck et Dănuţ en guerrier Kami-Mura; la hiérarchie sociale enfin se renverse, et le lecteur assiste àla scène amusante où Profira est toastée par ses maîtres106. C’est encore une fois, un peu plus loin, le retour de Profira, partie chercher des rafraîchissements à la cuisine, qui opère une rupture de plan et permet le passage au troisième acte, celui de la photographie. L’arrivée de tous les domestiques de la maison Deleanu venus contempler la folie des maîtres, donne à cet acte une perspective nouvelle:107
T. F.: Par la porte entrouverte, Anica, tout yeux et tout sourire, avalait avec émerveillement tout ce qu’elle voyait. Par-dessus son épaule, bouche fendue jusqu’aux oreilles, surgit la tête de lune humoristique de la cuisinière: -- Et alors? On est venu au panorama? -- Heu! Heu!... sourirent ensemble, d’une voix de soprano et de baryton, Anica et la baba. Par un jeu savant de gradation des effets, auquel Mme Deleanu surtout prête son concours, et par un curieux phénomène de théâtralisation de la prose, Teodoreanu conclut l’épisode des cadeaux non par un dénouement résolutif mais par la fixation définitive du mouvement et du désordre, grâce à Kulek, le mécanicien et chauffeur de Herr Direktor, venu prendre la photographie de la mascarade 108.b. La mise en œuvre d’une dynamique. À la caractéristique de la théâtralité de la prose s’ajoute, dans l’épisode des cadeaux, celle d’un dynamisme endiablé qui n’est après tout que la corrolaire. Cet effet, qui dans le roman en général découle rarement d’épisodes amples et nettement charpentés, est obtenu par Teodoreanu par l’application de quatre grands principes. • Le principe distributif D’abord, le principe distributif, mis en œuvre dans la totalité de l’épisode, et qui opère l’échange permanent des actes et des paroles d’une étape à l’autre du récit. En effet, Herr Direktor, véritable metteur en scène ici, anime la narration par la distribution des cadeaux: il provoque ainsi une onde de choc qui émeut tous les personnages et fait littéralement vibrer la scène. Ses dons provoquent la parole et la font circuler d’un bout à l’autre de l’épisode à travers l’oncle généreux et ses récipiendaires. Quand sa course risque de s’essouffler, c’est Mme Deleanu, toujours renchérissant sur l’oncle bienfaiteur, qui la souffle. La devinette que Herr Direktor pose à Alice sur le paquet de kimonos, et les révélations des frères Deleanu sur leurs fredaines enfantines 109 sont, à ce titre, tout à fait éclairantes.• Le principe cinétique Un second principe mis en œuvre ici est le principe cinétique. Même si son application n’implique pas un effort d’invention ni une originalité romanesque significatifs, il semble très efficace ici et donne à l’épisode tout son entrain. Le mouvement est représenté dans le récit qui commence par une pirouette d’Olguţa 110; les kimonos déballés puis jetés en l’air par Herr Direktor, l’ouragan des cadeaux circulant d’un divan à l’autre dans la chambre turque111, le déversement des pâtes d’amandes, enfin, qui provoque un court moment de folie dans la famille Deleanu, sont autant d’éléments narratifs visuels et tactiles qui dynamisent l’épisode et l’empêchent de se transformer en une ennuyante distribution des prix:
• Le principe interruptif Le principe de rupture, mis en œuvre dans l’épisode de paire avec le précédent, permet à Teodoreanu, au moment où l’action arrive à son paroxysme, des décrochages nécessaires pour éviter la saturation des effets. Les entrées inopinées de Profira aux deux moments d’apogée que sont la cueillette des pâtes d’amande et la mascarade, remplissent cette fonction. • Le principe d’alternance Le principe d’alternance, enfin et surtout, permet la mise en œuvre dans l’épisode des cadeaux d’un dynamisme endiablé qui anime l’ampleur du passage et lui donne fermeté. Conséquence du principe distributif, le dialogue prédomine dans cet épisode, avec un grand nombre d’exclamations et d’interrogations brèves rendant les différentes réactions des destinataires devant les cadeaux qu’ils reçoivent: 112
T. F.: -- Tante Alice, on dirait une vitrine! -- Bravo, Monica! Tu as entendu, Grigore? Voilà le portrait de ton ordre: de la fanfaronnade! -- Jalousie traduisant l’éloge de la sincérité! Ça aussi c’est un portrait, n’est-ce pas? Merci, Monica... Je commence avec les vieillards. Je t’en prie, Alice: une paire de lunettes pour coquettes vénérables. -- Tu as osé!... Ah! le face-à-main ! Merci, Grigore. Tu n’as pas oublié la commission. -- Comme est la malle, ainsi la tête: ce qui y entre n’en sort plus... que lorsqu’il le faut. -- Napoléon! -- Des malles, oui... Tiens, voici les notes. -- Bach? -- Je n’en sais rien! J’ai pris ce que tu as écris. Bach ou des bas, pour moi c’est pareil -- avec une légère préférence pour les bas! Ouf! J’en suis quand même venu à bout! Cette sacrée musique me donnait des migraines. Mais ce dialogue, enjoué et mordant, alterne en permanence soit avec des séquences descriptives qui constituent autant de moments de pause permettant à l’action de mieux rebondir: l’uniforme étriqué de Dănuţ, Olguţa en tenue de haďdouk, les kimonos rouge et or de Mme Deleanu et de Monica, les domestiques regardant la mascarade par la porte entrebâillée, la joie et la fierté de Dănuţ avec son nouveau fusil, l’enthousiasme de tous au déballage des cadeaux, Monica assise sur le divan comme une geisha: 113
T. F.: Monica, rouge comme si elle eût été dorée d’un nuage de perle, était assise à la turque sur le divan, cils et épaules inclinés, les larges manches croisées sur ses genoux. La crainte et le kimono lui avaient insufflé les gestes étroits des Japonaises. Ses cheveux d’or en tumulte avaient fleuri en un chignon nippon, serré grâce aux peignes de Mme Deleanu... Dans le vermeil diffus du crépuscule, un petit pêcher en fleurs, coiffé d’un paradis doré sur la branche de sa cime, paré par le dieu des vergers du kimono d’une fillette pour qu’il ne prît pas froid durant la nuit: le songe d’un poète japonais amoureux des pêches. Telle était Monica: une vignette à l’orée d’une légende.; soit avec des séquences explicatives, comme celle sur l’ordre de Herr Direktor matérialisé dans sa malle, ou sur la volupté de l’attente supérieure à celle du cadeau lui-même chez Danuţ. Dialogue et pauses descriptives alternent donc pour rythmer, dans le détail du récit, la gradation de l’épisode en général. Le principe d’alternance régit aussi les temps et les lieux du discours. Ainsi, le présent de la scène vue et vécue alterne avec l’analepse lorsque M. Deleanu et son frère évoquent les distributions de cadeaux et les facéties de leur enfance. Le contrepoint contemporel crée ici une différenciation des champs qui donne par contraste une épaisseur et un relief significatifs au temps du récit: 114
T. F.: -- Iorgu, te souviens tu du temps où papa revenait de ses sorties dans les départements et des sessions de cour d’assises? -- Pauvre papa! Je crois le voir encore. Avant de se dévêtir, il nous appelait dans son bureau: «Avez-vous été sages, les enfants?» «Sages», reépondions-nous à la place de maman. C’étaient les seules occasions où je passais moi aussi pour un enfant sage... Deux pistolets en fer-blanc avec leurs capsules... -- ... des petits poissons de menthe... -- ... des ballons à faire se dresser de joie les oreilles de maman... Grigore, te souviens-tu de ces deux têtes de lion sur le dossier du fauteuil?) Il place ainsi sous le signe de la nostalgie la jubilation que provoque le souvenir d’un âge heureux mais révolu. Spatial, il oppose également un ici heureux et un là-bas malheureux, et voile aussi de regret la joie du présent; il en est de la sorte lorsqu’Olguţa, au milieu des cadeaux, songe à moş Gheorghe seul dans sa maisonnette 115. Psychologique, l’alternance produit le même effet: elle marque une dissonance dans la mélodie narrative, introduit un élément perturbateur qui, certes, par effet de repoussoir, met en valeur la plénitude du foyer familial, mais suggère en même temps sa fragilité et son caractère éphémère; il en est ainsi de la mine sérieuse de Profira au milieu de la folie générale provoquée par le déversement des pâtes de fruit, de la bouderie de Dănuţ malgré la joie de tous devant l’appareil photographique, en fermeture de boucle avec la pirouette inaugurale d’Olguţa:116
T. F.: Dănuţ, maître du record de renfrognement, tourna la tête à l’objectif, laissant à la postérité le profil d’un amiral japonais aux boucles de fillette, et qui préparait une âpre vengeance sur la Japonaise au chignon blond, protégée par le sourire du haïdouck aux moustaches de suie. 5. La chasse aux grenouilles à l’Étang du Poulain. La technique du contrepoint et de l’alternance caractérise également le célèbre épisode de la chasse aux grenouilles, lorsque les enfants, accompagnés de Herr Direktor, se rendent à l’Étang du Poulain, réputé maudit, pour y tuer la réincarnation batracienne diabolique de Fiţa Elencu, la grand-tante maternelle d’Olguţa. a. La structure du conte traditionnel. Ce vaste épisode qui s’étend sur 24 pages et qui trouve son unité dans le cadre extérieur, à l’orée de Medeleni, s’intercale entre les deux scènes d’intérieur que sont la mascarade et le dîner de la famille Deleanu. La structure narrative du passage est binaire: une première partie raconte la chasse proprement dite, le départ, l’arrivée à l’étang, l’attente de la grenouille par les protagonistes, le concours de tir des enfants, et progresse jusqu’à l’apogée marqué par la mort de Fiţa, transpercée d’une balle de fusil par Olguţa; une seconde raconte l’errance et le retour de chasse de Dănuţ et de Monica, leur rencontre avec un vieux bouvier qui cuit sur un feu de fortune des épis de maďs, la mauvaise surprise jouée à Danut par les filles et l’oncle cachés dans la charrette de foin du bouvier, et qui terrorise le garçon. Cette seconde partie reprend certains motifs de la narration traditionnelle des contes de fées roumains et occidentaux décrivant l’errance et l’angoisse d’un enfant égaré -- le bois, la nuit, le loup -- , et mis en œuvre par Mihail Sadoveanu dans Dumbrava minunată; le personnage du vieux bouvier, burlesque et inquiétant à la fois, n’est pas sans évoquer, comme figure du guide, le prudhomme des romans de chevalerie du Moyen Âge occidental. b. les variétés du contrepoint. L’art du contrepoint donne ici encore dynamisme et ressort à l’épisode, lui assure un rythme soutenu, et martèle l’action de deux manières.• Le contrepoint temporel Un premier type de contrepoint, fréquent d’ailleurs dans La Medeleni, est le contrepoint temporel. Le romancier fait alterner au niveau du récit, d’une part des analepses explicatives qui ont pour effet second un ralentissement du rythme de la narration: la courte déchronologie où le narrateur remémore un dialogue très alerte entre Mme Deleanu et Herr Direktor sur la blancheur des mains et l’excessive coquetterie de l’oncle, et l’autre où il donne l’origine de la légende de l’Étang du Poulain, sont significatives à cet égard; d’autre part, des retours au présent de la fiction, qui redonnent au rythme une accélération, comme l’apparition puis la disparition de l’horrible grenouille, les coups de feu des différents protagonistes avec le nouveau fusil de Dănuţ, ou la progression de la marche du groupe vers l’étang maudit: 117
T. F.: ... Ils s’approchaient. L’étang ,désert comme sous la lune, étincelait dans les rayons dentelés sur soleil, plein d’odeurs de vase et de fraîcheur croupie. Ce jeu subtil du contrepoint temporel qui établit une mise en relation de plans éloignés dans la réalité du temps et dans le mythe, donne au lecteur, pour reprendre l’expression si juste d’Ibrăileanu, l’impression d’une véritable hallucination de la vie 118.• Le contrepoint modal. D’un autre côté, la technique du contrepoint modal consiste en l’alternance, d’une part, de passages de récit à vision illimitée par l’intermédiaire d’un narrateur omniscient et qui se trahit souvent dans l’énonciation: 119
T. F.: Le guet commença. Herr Direktor alluma une cigarette. Olguţa essayait sa fronde en l’étirant longuement d’un geste gracieux. Monica écoutait les moustiques, dont le bruit strident et proche était comme le murmure languissant de milliers de violons venus presque du ciel.; d’autre part de fragments de récit avec focalisation sur Dănuţ, qui voit la chasse et la raconte àlui-même comme un mythe dont il est le héros, avec la jubilation et le goût de la comparaison qui le caractérisent: 120
T. F.: ... Le roi revenait seul du combat. Ses armées l’attendaient plus loin, comme un bois prêt à fleurir ou à périr sous la hache... Pauvre roi! Lui seul avait mis sa vie en péril pour celle de ses soldats et pour la tranquillité du royaume. Quel brave roi! Quel roi vaillant! Bravo à lui!) Cette formule produit ici la vie et le sens par la représentation du monde vu par les yeux de l’enfant. En effet, la chasse à la grenouille est racontée par Teodoreanu non seulement comme l’aventure que constitue une suite d’actions qui se tissent, mais aussi comme une expérience existentielle: celle de l’affrontement de la mort et du destin, emblématisés dans l’étang maudit où sont le malheureux fiancé de la jeune Fiţa Elencu et le sordide dentier de la vieille acariâtre qu’elle est devenue; celle enfin de l’approche graduelle du mystère. c. La variété des modes de liaison. Comme l’art du contrepoint, la variété des modes de liaison entre les actions de l’épisode de la chasse aux grenouilles vient donner à ce dernier du relief et des perspectives qui l’éclairent en profondeur. L’enchaînement des séquences, d’abord, cas le plus fréquent, reflète une logique narrative simple, comme dans l’exemple suivant, quand l’oncle tente en vain d’abattre la grand-tante métamorphosée: 121
T. F.: Ventrue comme une idole chinoise, lépreuse, édentée et goitreuse, Fiţa Elencu ne remua pas devant le fusil. La balle partit, la pierre partit. Et la balle et la pierre en vain. L’office des morts des grenouilles, de plus en plus criard, semblait repousser et la balle et la pierre. Avec le mouvement élégant des chasseurs -- semblable à la détente en saut des lévriers -- , Herr Direktor appuya son fusil sur l’épaule et tira de nouveau. La pierre suivit la balle. Langoureuse et sinistre, Fiţa Elencu les regardait. L’entrelacement, ensuite, avec, d’une part, la scène où Danuţ, égaré seul dans le bois derrière l’étang, appelle Herr Direktor et son chien Ali, et, d’autre part, la scène suivante, où l’oncle hèle Danuţ et ne reçoit de réponse que celle de l’écho, suscite l’intérêt du lecteur par la péripétie que constitue le groupe désuni dans sa quête, et donne du relief à l’épisode par différenciation des plans narratifs. L’enchâssement, enfin, vient donner au récit, par l’imbrication qu’il suggère, une dimension de profondeur en analogie avec la figure emblématique de l’étang maudit. En, effet, l’histoire sordide du dentier de Fiţa Elencu vient s’insérer dans le récit premier de la chasse aux grenouilles. Il s’agit d’un récit dans le récit, narrativement autonome mais émanant du męme narrateur externe, rattaché au récit premier par l’amorce 122 et par un bref paragraphe de clausule: 123
T. F.: Désormais tout le village savait que Fiţa Elencu s’était changée en grenouille envoûtée. Et, à l’abri de la légende, les grenouilles, nullement inquiétées, se multipliaient à l’envi, dénigrant de leurs croassements de plus en plus lugubres les paysages du Seigneur, avec parmi elles la grenouille la plus grande, comme un intarissable et diabolique calice de venin... Cette histoire indépendante, sous l’instance du même narrateur omniscient, possède une construction complexe, sur plusieurs niveaux temporels, sa situation initiale et finale, ses péripéties que sont la promenade en barque et le bocal vide, par exemple, ses portraits, ses dialogues, ses embrayeurs propres au conte («Un beau jour...», «Mais bientôt...)... Ici encore l’art romanesque de Ionel Teodoreanu engendre la vie et le sens. Certes, l’aventure de la petite Olguţa, qui affronte sa grand-tante et lui subtilise son dentier, est rendue alerte par la scène du valet apportant le bocal où repose le turpide objet, animée de rebondissements, de moments forts comme la rencontre où Fita Elencu essaie d’intimider Olguţa; mais elle exprime ici encore une expérience existentielle, la victoire sur la mort et la vieillesse, le courage enfantin devant sa propre peur et sa propre angoisse. __________
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