Le récit des années tendres

 

Introduction.

Nous avons démontré que la réussite de Ionel Teodoreanu dans sa représentation romanesque de la psychologie enfantine était incontestable, et réfuté les principaux arguments de la critique roumaine qui concluait à l’échec de La Medeleni de ce point de vue. Mais il est un autre aspect auquel cette critique s’est arrêtée dès 1925, et sur lequel, une fois encore, elle s’est divisée: c’est celui de la capacité ou de l’incapacité de Ionel Teodoreanu à réaliser dans son roman une construction romanesque digne de ce nom à partir d’un thème banal parce qu’universel, et subjectif parce que lié à l’expérience existentielle et intransmissible de l’homme: celui de l’enfance. Aussi convient-il, dans un premier temps, de faire le point sur ces critiques partagées. Nous pourrons ensuite, après une relecture analytique de Hotarul nestatornic, recenser les motifs narratifs de ce premier volume, montrer leur part de convention ou d’originalité dans l’histoire de la prose roumaine de l’enfance. Dans un troisième temps, enfin, nous étudierons en détails les grands moments romanesques du premier volume de La Medeleni et pourrons juger de façon synthétique l’art avec lequel Teodoreanu met en oeuvre dans son roman le récit des années tendres.

 

I. Point sur la critique.

 

1. Eugen Lovinescu et l’échec romanesque de Hotarul nestatornic.

Eugen Lovinescu, qui nie à Teodoreanu toute disposition romanesque dans Hotarul nestatornic et dans Drumuri, et aux yeux duquel le romancier ne trouve finalement grâce qu’avec Între vânturi, dénonce en 1928, dans son Histoire de la littérature roumaine contemporaine, la banalité du récit d'enfance dans Hotarul nestatornic. Il juge les actions de ces êtres lilliputiens «privées de dynamisme», estime qu’ «elles ne peuvent s’insérer et s’organiser en constructions compactes du genre de La Medeleni»1 et qu’elles sont «intéressantes en elles-mêmes»2. Si elle peut, à la rigueur, servir de sujet à des œuvres en prose courte (Lovinescu pense sans doute aux Amintiri din copilărie3 de Creangă, aux récits de Delavrancea, aux croquis de Caragiale), la vie enfantine est incapable d’entrer dans une action s’étendant aux dimensions du roman. Teodoreanu a voulu, affirme Eugen Lovinescu, «nous décrire dans son roman la vie objective des enfants, en les groupant en vue d’une action déterminée, tentative irréalisable, dans la mesure où, non différenciée ou faiblement différenciée, la vie des enfants est susceptible d’analyse mais incapable pour autant d’entrer dans une action romanesque»4. Selon l’éminent critique, l’erreur de Teodoreanu est de croire à la possibilité de représentation objective de cette vie, que Romain Rolland dans Jean-Christophe (L’Aube), puis Hortensia Papadat-Bengescu dans Fetiţa5 et dans Sânge6, ont analysée de façon subjective.

 

2. La contre-attaque de P. Constantinescu.

Cette opinion n’est pas universellement partagée, puisqu’à la même époque Pompiliu Constantinescu, autre éminent critique, reconnaît à Teodoreanu le don d’actualiser l’enfance dans le genre romanesque: «En général l’enfance sert de prétexte au lyrisme rétrospectif; M. Teodoreanu l’a actualisée dans le mouvement narratif. Ici réside l’originalité de son effort, dans l’objectivisation qu’il réalise d’un thème essentiellement subjectif.»7

De même, Victor George Dumitrescu remarque en 1928 que l’esthétique de Ionel Teodoreanu produit une vie nouvelle sous toutes ses formes: «Il est vrai que l’action languit dans Hotarul nestatornic. D’ailleurs quelle action exceptionnelle pourrions-nous trouver dans la vie d’enfants dont l’existence généralement monotone manque de tout intérêt? Et pourtant le talent de Ionel Teodoreanu a vaincu les obstacles. L’épreuve s’est changée en triomphe.»8

 

3. La mise au point moderne de Marin Bucur.

En 1963, dans un article qui demeure la plus grande réplique aux critiques de Lovinescu, Marin Bucur tente d’expliquer plus fondamentalement l’absence de construction romanesque vaste dans La Medeleni, par le fait que le psychisme de l’enfant est discontinu et que «sa vie étant à chaque fois un commencement, des segments de chemins commencés et inachevés ne peuvent assurer une continuité»9. Certes, explique Bucur, l’envol du cerf-volant, la chasse aux grenouilles, la découverte des pots de confiture, la promenade en carriole, les disputes et les raccordailles des enfants sont des narrèmes assez banals, mais ils sont éclairants psychologiquement, par rapport aux enfants eux-mêmes10. Et le critique roumain repose le problème narratif en termes de valeurs et de représentation: «Ce n’est pas la consistance narrative qu’il faut chercher là où l’on sait qu’elle ne peut exister, mais si le pittoresque psychique de l’enfance et de l’adolescence entre, à travers Teodoreanu, comme thème d’une création artistique.»11

 

II. Consistance et signifiance narratives de Hotarul nestatornic.

De ce bref aperçu de la question de la construction romanesque de La Medeleni telle que la conçoit la critique roumaine, il ressort clairement qu’elle pose problème et que ce problème se déplace sans cesse au fil du temps, dans deux directions: celle de la consistance et celle de la signifiance du narratif. Nous voulons démontrer que l’œuvre de Ionel Teodoreanu répond de façon positive à ces deux exigences.

À la première lecture de Hotarul nestatornic, l’inconsistance peut paraître évidente de cette action romanesque irradiée et diffuse, privée d’un centre de gravité qui lui ouvrirait une perspective. Quelle est en effet la matière narrative de ce roman représentant, plus qu’il ne les relate, les diverses diableries d’enfants turbulents saisis dans leur univers bien différent de celui des adultes et dans leurs préoccupations si loin des questions sérieuses qui agitent le monde des grandes personnes ou celui de jeunes êtres confrontés aux difficultés monstrueuses de l’existence? Chez Slavici, la persévérance et l’ardeur du pauvre Huţu animaient l’action de Budulea taichii, et, chez Brătescu-Voineşti, le désir de Nicuşor de ressembler aux autres enfants celle de la nouvelle homonyme. Une lecture attentive du premier volume de La Medeleni dément pourtant cette première impression.

1. Le jeu des transactions.

Ce qui nous frappe d’abord dans Hotarul nestatornic, c’est le jeu constant des transactions. Ce narrème, propre aux contes et aux récits d’enfance12, n’a certes rien d’original ici, mais sa prolixité n’est pas sans poser un problème qu’il nous est difficile, voire impossible, de résoudre. La demande d’objet à l’adulte, qu’on trouvait volontiers chez Dongorozi, et qu’Arghezi représentera plus tard dans Plicul du cycle Cartea cu jucării13, par exemple, apparaît peu dans notre roman (Olguţa demandant ŕ ses parents du matériel pour écrire la punition14, ou à M. Deleanu une pipe pour moş Gheorghe15); de même, la négociation apparaît une seule fois, lorsqu’Olguta fait chanter son frère en lui demandant son nouveau fusil s’il veut rentrer dans la chambre16; le motif du serment apparaît seulement à l’occasion de la scène du pot de confiture, quand Monica et Danuţ jurent ŕ Olguţa de garder le secret, et dans la scčne où Monica promet à Olguţa d’ętre son alliée dans la guerre qui l’oppose à Danuţ.17 En revanche, les actes de don d’objet sont nombreux dans le premier volume de La Medeleni: pipe et verre de vin de Cotnari offerts par Olguţa ŕ moş Gheorghe, punition nouée d’un ruban offerte par la fillette à sa mère, petite croix en or donnée par Monica à Mme Deleanu; la paix signée entre les frères ennemis implique elle aussi les signes d’amitié que sont les caroubes et les chaussettes longues. Quel sens donner à cette constatation? Faut-il simplement replacer ces actions, qui sont plutôt des gestes, dans la tradition roumaine du don comme source de plaisir et manifestation d’omenie? Ou paradoxalement faut-il supposer que ces actions catalytiques, qui ne font pas vraiment avancer l’histoire18, ont pour fonction d’exprimer le mouvement et le dynamisme par la circulation même des objets?

2. Les actions du jeu.

La grande originalité de Teodoreanu éclate surtout lorsqu’on étudie de plus près la consistance d’une action romanesque liée au jeu. Mais dans La Medeleni l’action, dans son ensemble et dans ses détails, se caractérise moins par le pittoresque et la saveur de Creangă, ou que par la visée satirique de Caragiale --  quoique Teodoreanu égale ou dépasse ces deux illustres prédécesseurs dans l’entrain de la vie montré sous toutes ses formes -- , que par l’éclairage révélateur de la psychologie enfantine. En effet, l’action de Hotarul nestatornic est signifiante, parce qu’à travers elle et dans le jeu, s’élabore du sens et se forme une conscience écartelée entre vie et mort, entre joie et souffrance.

a. Les diableries.

Les actions de diableries sont certes nombreuses dans notre roman. Prétendre qu’elles assument dans le texte une fonction cardinale serait exagéré; c’est par leur foisonnement qu’elles opèrent, et par le climat d’éveil et de dynamisme qu’elles instaurent. Néanmoins, les espiègleries de Iorgu et Grigore Deleanu racontées aux enfants, l’aventure des premières cigarettes et de la viande donnée dans la gueule des lions du vieux fauteuil familial19, outre leur valeur pittoresque, sont signifiantes: elles matérialisent une ligne de partage du roman, indécise et perméable, qui distingue d’un côté les grands oisifs en apparence, de l’autre les petits entraînés dans un mouvement d’évidente et incessante activité. La dissimulation d’Olguţa et de Monica dans la charrette de foin près de l’Étang du Poulain20, ou d’Olguţa et de Dănuţ dans la malle du futur interne21, sont certes des narrèmes quelque peu usés, mais qui éclairent de façon significative la domination d’Olguţa sur son frčre, éternelle victime. La scène où les trois enfants mangent en cachette les pots de confiture ne fait que reprendre un élément narratif semblable, déjà présent chez Ion Dragoslav et Alexandru Vlahută22; mais cette action révèle délicieusement l’ambiance de mystère et de complot qui enveloppe bien des actes du rite enfantin. Enfin, les multiples facéties et espiègleries d’Olguta, pirouettant sur le divan et fumant du narguilé sous les yeux outrés de Mme Deleanu23, se mouchant dans les nouveaux mouchoirs de son frère brodés spécialement par Monica à ses initiales24, coupant méphistophéliquement la corde du cerf-volant de Dănuţ25, faussant effrontément le nombre de lignes de la punition infligée par sa mère à cette occasion26, ou la ligne de départ de la course qui l’oppose encore et toujours à Danuţ27, tentant de faire fuir Madame Blumm par les sons discordants du piano, ou le médecin venu soigner moş Gheorghe par le cynisme de ses répliques28 sont, plus que les actions sensées d’une enfant terrible apparentée au Goe et au Ionel de Caragiale29, où à la Smarăndiţa de Creangă, ceux d’une incarnation du désordre minant les certitudes mêmes de la narration traditionnelle. De la sorte, la diablerie d’Olguţa annonce directement celle de l’héroďne de Raymond Queneau dans Zazie dans le métro, roman où domine aussi la fonction enfantine et positive de l’irrévérence, qu’Alain Fournier présentait dans une de ses lettres comme manière d’expérimenter une nouvelle modalité d’être: «L’irrévérence est la condition du développement de toute intelligence. En se refermant sur eux-mêmes [...] les enfants se découvrent une force intense de personnalité, un désir de se grandir.»30

b. Les rivalités.

Les actions d’émulation qui se trament tout au long des jeux de petits héros teodoreniens n’œuvrent plus au désordre de la représentation mais à l’établissement d’un ordre plus stable dans l’échelle autoritaire des personnages. Ces séquences narratives répètent d’un bout à l’autre l’échec de Danuţ. Si l’on excepte la poursuite de la carriole et de la voiture au début du roman --  action au cours de laquelle s’affrontent deux moi, deux volontés de vaincre, et qui dynamise visiblement l’intrigue -- , ou la concurrence de Dănuţ et de sa sśur dans les grades militaires --  action de surenchère éclairant la psychologie d’Olguţa et son désir effréné d’ętre la meilleure -- , les actes d’émulation de Hotarul nestatornic aboutissent irrémédiablement à la victoire d’Olguta sur Dănuţ, sous le regard amoureux et protecteur de Monica, qu’il s’agisse, par exemple, de la course à pied qui mène les enfants jusqu’à la maison de mos Gheorghe31, le concours organisé par Herr Direktor à qui tuera le plus de grenouilles32, ou la partie de football que perd Dănuţ contre Olguţa qui le blesse33.

c. Les violences.

Les actions violentes de Hotarul nestatornic ont moins une valeur signifiante qu’une fonction de cohésion. Elles forment en effet une ligne narrative facilement discernable dans le roman, suite de conflits ou plutôt de châmailleries entre Dănuţ et Olguţa, entrecoupés de trèves éphémères. Le thème de la guerre enfantine, illustré dans le domaine français par Louis Pergaud avec La guerre des boutons au début du XXe siècle, n’est certes pas nouveau en Europe quand Teodoreanu écrit le premier volume de La Medeleni; mais le romancier lui donne des dimensions narratives ignorées jusque-là dans le domaine roumain, qui le traite habituellement dans de brefs épisodes de récits ou de nouvelles, ou très rarement dans le poème comme Eminescu le fait génialement dans un texte posthume intitulé Copii eram noi amândoi...34 Souvent violentes, les scènes de jeu expriment ici, chez Ionel Teodoreanu, une force destructrice qui aguérit l’être, alors qu’elles signifieront dans Drumuri, à l’âge adolescent des héros du roman, une manière de guérir un corps frénétique par ce que Rodica Bercale, future propriétaire du domaine de Medeleni, nommera malicieusement des «jeux de vilain»35.

La bataille d’oreillers entre Olguţa et Monica36 n’illustre pas ce type d’actions violentes. D’ailleurs il s’agit plus d’un cliché du roman d’enfants, relaté ici et non représenté, qu’un véritable narrème. En revanche, les continuelles disputes entre Olguţa et son frčre, pour des vétilles qui sont pour ces enfants d’importantes questions de préséance (qui montera dans la carriole avec M. Deleanu37, qui l’accompagnera dans la promenade en buggy38, quel sera le dessert39...), les insultes répétées d’Olguţa ŕ Dănuţ, martčlent le rythme du roman et œuvrent à son dramatisme. L’intensité est variable de ces actions d’intimidation ou de fanfaronnade qui ne sont pas sans évoquer les gasconnades du D’Artagnan d’Alexandre Dumas, parodié par M. Deleanu devant les enfants dans le dernier chapitre de Hotarul nestatornic. Si le fait que Dănuţ tire les cheveux de Monica, qui le mord40, relève plutôt de l’enfantillage sans signification majeure, son coup de fusil à flèches sur la panoplie de Potemkine41, image militaire d’Olguţa, est une action éclairant le caractčre indécis, primaire, d’un personnage qui se venge par procuration; le coup de pierre bien réel qu’il assène à Olguta avant de quitter Medeleni pour l’internat de Bucarest, dernier épisode très violent de la guerre fratricide42, marque la révolte de l’aîné contre une sœur oppressive. Mais qu’on ne s’y trompe pas: s’il est une ligne créée par l’enchaînement de toutes ces actions violentes, c’est une ligne brisée où des moments de tension alternent avec des actions de détente; le romancier actionne ces deux ressorts avec l’habileté et le plaisir que nécessitent le jeu et la parodie de l’épopée originelle. À ce titre, on notera le caractère proprement épique du communiqué de guerre de M. Deleanu, à la fin du conflit russo-japonais rejoué par un Dănuţ et une Olguţa métamorphosés en Potemkine et Kami-Mura, sous forme de ballade parodiant les vieux chants guerriers:

Potemkin şi Kami-Mura

Au pornit dârji la răzbel

Foc şi pară şi oţel.

Ura! Ura!

 

S’au luptat cât s’au luptat

- Umplând casa de dezastre -- 

Prin salon, sufragerie

Şi prin locuri mai sihastre.

 

Au mai stat ei şi la colţ

- Aveau şi părinţi duşmanii! -- 

Ripostând: colţ pentru colţ,

Cu toată cenzura mamii.43

 

T. F.: Potemkine et Kami-Mura

Vaillants sont partis en guerre

Tout feu tout flammes et acier.

Hourra! Hourra!

 

Ils ont lutté tant qu’ils ont pu

--  Et rempli la maison de désastres -- 

Dans le salon, la salle à manger

Et les lieux plus sauvages.

 

Les ennemis ont été mis au coin

--  Des parents, ils en avaient bien! -- 

Ont riposté dent pour dent,

Malgré la censure de maman.

 

3. Le jeu de la conversation.

La consistance narrative du premier volume de La Medeleni pourrait sembler inexistante, si l’on tenait compte enfin de l’abondance des dialogues qui caractérise le roman. Teodoreanu fait d’eux le matériau privilégié de sa création romanesque, réussissant, grâce à ce que Balzac nommait «la dernière des formes littéraires, la moins estimée, la plus facile»44, à dépasser la dimension anecdotique et événementielle du roman, pour créer finalement à partir de rien.45 En ce sens, le roman de l’enfance est bien un roman d’exploration de l’infinie possibilité des stratégies de parole.46

Le dialogue participe lui aussi à la stratégie du jeu chez les héros de la trilogie. Il donne au roman son profond caractère d’ «authenticité»47 et contribue en grande partie à donner au style de La Medeleni sa dimension filmique, cinématographique.48

Certes, la prose roumaine avant Teodoreanu offre bien des exemples de dialogues réussis et dotés des mêmes qualités de dynamisme et de vivacité: ceux de Slavici parfois, comme dans Gogu şi Goguşor49, ceux de Delavrancea dans ses nouvelles, aussi, avec la fraîcheur des répliques de gamins moldaves, ponctuées de măi, dans De azi şi de demult50, par exemple, ou de petits-enfants turbulents dans Bunicul et dans Bunica51; Caragiale, surtout, qui, avec ses Momente et ses Schiţe52, proses courtes parfois entièrement dialoguées, demeure le maître du genre dans la littérature roumaine; enfin, plus récemment, Patrăşcanu et Dongorozi.

Mais l’art romanesque de Ionel Teodoreanu use du dialogue dans des formes si variées et si subtiles, que seul peut-être Caragiale arrive à surpasser. Dans Hotarul nestatornic, domine la dialogue de scène, généralement sans incises, qui permet la confrontation des héros, et qui prend presque toujours l’allure de la mimèse: comme dans l’écriture théâtrale, le dialogue reproduit la conversation dans le temps de celui de son déroulement. Ce procédé donne au texte un rythme endiablé, et à la conversation une allure naturelle et spontanée. Parmi les différentes formes employées par Teodoreanu, on distingue assez grossièrement trois catégories de dilaogue: procédurale, exploratoire, et ludique.

a. Dialogue phatique.

Hotarul nestatornic met en œuvre souvent un tel type de procédé particulièrement utilisé par les enfants et consistant en une conversation sans référent: la parole meuble le silence et fonctionne à vide, comme elle le fait souvent chez Caragiale, mais sans qu’il y ait de la part du romancier la moindre volonté de démasquer un automatisme qui trahit l’homme; on est au contraire ici au cœur d’une anthropologie du quotidien orientée vers le jeu. Écoutons Olguta et sa sœur adoptive:

- Monica?

- Ce?

- Nimic...53

Ecoutons maintenant Dănuţ et Olguţa, dans un type de dialogue voisin, qu’on pourrait appeler dialogue de sourds, caractérisé par sa circularité, et où le locuteur parle par plaisir, sans apport informatif à l’allocutaire:

- Cine-i acolo?

- Eu.

- Cine, eu?

- Eu, fratele tău.

- Nu cred!

- Dacă-ţi spun!

- Şi ce vrei?

- Să-ţi spun ceva.

- Spune.

- Deschide uşa.

- Pentru ce.

- Ca să-ţi spun.54

b. Dialogue dilatoire.

Ce type joue sur l’effet d’attente: le référent est présent mais repoussé par le locuteur; il fonctionne avec des expressions idiomatiques enfantines, comme le français «- Pourquoi? - Parce que!». Ainsi dans le dialogue entre Dănuţ et Monica:

- Dănuţ, ce-nseamnă asta?

- Înseamnă!55

ou entre Monica et Olguţa:

- Bine, da’ ce are să se întâmple?

- Ceva! se încruntă enigmatic Olguţa.56

c. Dialogue à bâtons rompus.

Dans la catégorie exploratoire, figure ce type de dialogue, où le topos varie sans cesse, n’ayant pas été délibérément choisi ni posé par accord entre locuteur et allocutaire. C’est la stratégie dialogique adoptée dans la conversation entre les deux fillettes pendant la sieste, au cours de laquelle Olguţa mčne le jeu à sa guise. La valeur artistique du procédé est discutable: Lovinescu le situe dans le cadre prolixe de la «verbosité générale du roman dans son entier»57; Izabela Sadoveanu découvre des «étincelles» dans ce «dialogue en zigzag capricieux»58... Dans Drumuri le dialogue sera exploité de façon similaire entre Dănuţ et Rodica, au cours de longs échanges verbaux transcrits comme s’ils avaient été enregistrés, et qu’on pourrait nommer, selon la formule très plastique de Marian Popa, des «tâtonnements érotiques»59.

d. Dialogue-portrait.

Ce type de dialogue exploratoire, propre à l’écriture précieuse du blason, consiste en une prosopographie dont les éléments se composent par un jeu définitoire entre locuteur et allocutaire, et par rapport à un référent illusoire. La stratégie dialogique présente alors certaines similitudes avec le procédé de certains types de devinettes. Un exemple tout à fait réussi est donné dans Hotarul nestatornic, quand Olguţa et son pčre brossent le portrait imaginaire de tante Mélanie, tout en jouant du piano à quatre mains:

Olguţa pufni de râs.

- Vai, papa! Dac'ai şti tu cine-i tante Mélanie, n-ai spune una ca asta!

- Da' tu de unde-o cunoşti?

- Aşa!... Mi-o închipui eu... Ştii, papa, are ochelari pe vârful nasului şi se uită pe deasupra lor, o invocă Olguţa, sculptând-o cu degetele în aer.

- Şi ce mai are?

- Aa! Un neg... un neg păros deasupra buzei! Şi-i slabă ca un ţâr...

- ... Cu ochelari, adaugă domnul Deleanu.

- Stai, papa! Mă jur! Când mănâncă ouă fierte, îi rămâne gălbenuş pe musteţi. Asta-i greţos! Vai,ce urâtă-i!... Papa, tante Mélanie e nevasta lui oncle Léon, săracul de el.

- Ce-ţi spuneam eu! Vrea să divorţeze şi m-a angajat pe mine avocat.

- Nu primi, papa. Oncle Léon are dreptate. Tante Mélanie e o zgripţuroaiacă. Ea îl persecută.

- Ce-i de făcut?

- S-o persecutăm şi noi pe ea.

- Atunci hai să mai cântăm o dată.

- Hai!60

e. Dialogue ludique.

C’est le type de dialogue le plus fréquent dans le roman de l’enfance. Il est constitué soit d’échanges brefs entre les frères ennemis, suite de répliques ou de rétorsions au cours desquelles Danuţ et sa soeur s’accusent l’un l’autre , soit de segments anaphoriques à valeur humoristique, comme dans l’exemple suivant, pastiche du célèbre dialogue de Barbe-Bleue, quand Olguţa demande à Monica si Dănuţ rattrape leur voiture:

- S-aproprie?

- Parcă... şovăi răspunsul.

- S-aproprie?

- Parcă da, se teme Monica.

- S-aproprie? tună Olguţa.61

ou enfin d’éléments stichomythiques binaires, comme «-  Vine? - Vine.», «- Ai adus? - Am adus!», «- Te muţi? - Mă mut.», «- Spui drept? - Spun drept.», etc.62

Dans tous ces dialogues, le romancier porte son attention sur les intonations et sur les moindres nuances de la parole des personnages, usant des vastes possibilités offertes par la langue en matière de verbes d’incise - le roumain permet de façon naturelle l’utilisation des verbes d’action, et non pas seulement de diction comme c’est le cas en français. Le recours à l’italique, aux régionalismes - principalement des vocables moldaves - , aux pérégrinismes, aux vices d’élocutions et aux défauts de prononciation, aux onomatopées et aux calembours63, même s’il perpétue des moyens souvent utilisés avant Teodoreanu64 - par exemple chez Caragiale, Pătrăşcanu, Cazaban, Brăescu - contribue à donner au dialogue medeleniste une couleur et un relief qui lui sont propres.

*

Après cette analyse détaillée des motifs caractéristiques de l’épos teodorenien, on est capable de juger leur valeur du point de vue de la signifiance. Leur gratuité apparente cache en fait une profondeur psychologique finalement très comparable à celle explorée par Romain Rolland ou Hortensia Papadat-Bengescu, avec d’autres moyens. Contrairement à ce qu’affirmait Eugen Lovinescu cité plus haut, La Medeleni n’est donc pas une peinture de «la vie objective des enfants»: chez Teodoreanu les actes parlent. Encore faut-il qu’ils puissent parler de façon organisée, dans une construction romanesque ample et ferme, unitaire et cohérente. Aussi convient-il de poser maintenant le problème de l’unité et de la cohérence romanesques de Hotarul nestatornic.

 

III. Unité narrative de Hotarul nestatornic.

Sommes-nous devant un roman de la discontinuité et de la dispersion des intrigues, foncièrement incapable de s’organiser et de se construire? A première vue, on peut répondre par la négative à une telle question.

1. L’art de la scène.

Hotarul nestatornic se caractérise en effet par un art de la scène65 parfaitement maîtrisé. Drumuri sera marqué par le jeu de l’entrelacement d’épisodes plus longs, où le narrateur suivra de manière plus linéaire les existences de ses personnages en différents lieux et au cœur de différentes actions, et Între vânturi par un développement de séquences narratives plus logiquement enchaînées, avec un usage généralisé de l’analepse et de l’ellipse, sur le mode de la relation. Hotarul nestatornic fonctionne au contraire presque exclusivement sur le mode de la représentation, avec une prédominance des actes de parole, avec des pauses descriptives ou explicatives assez rares, de très courtes ellipses correspondant aux blancs interscéniques ou aux trois astérisques entre les séquences, et des résumés presque absents. Ainsi le volume se signale par la mise en scène des personnages directement sous les yeux du lecteur, à travers le discours. Le roman fait un usage abondant de la scène, composante définie à la fois par un critère formel - il s’agit d’un fragment de texte généralement court (de quelques lignes66 à quelques pages), séparé d’un autre par un blanc - , et par un critère fonctionnel - il est question d’une unité de récit brève. A leur tour, les scènes de Teodoreanu se groupent en parties pour former des séquences, unies d’un point de vue narratif, thématique ou temporel. Il s’agit d’un procédé expérimenté déjà par le romancier dans Uliţa copilăriei [«La Ruelle de l’enfance»] et développé ici systématiquement.

Ainsi le chapitre Potemkin şi Kami-Mura [«Potemkine et Kami-Mura»] possède la structure d’un acte qui correspond à une journée de la vie des enfants Deleanu à Medeleni, du matin de l’arrivée du train jusqu’à la soirée. Il se décompose en unités narrative disjointes chronologiquement et regroupées en séquences elles-mêmes disjointes, selon le schéma suivant:

Séquences

N° de scènes

N° de pages

Trajet de la gare au domaine

17

32

Déjeuner

3

6

Guerre russo-japonaise (analepse explicative)

1

4

Sieste des enfants

4

11

Réveil des enfants

5

9

Procès d’Olguţa

1

4

Préparation de la punition d’Olguţa

3

4

Dănuţ et Monica dans le verger

1

3

Dîner

8

18

Soirée

4

10

Le passage d’une cellule à l’autre du récit se fait de façon naturelle, grâce à des ruptures de tempo67 occasionnées par l’intrusion de personnages qui parlent ou agissent, ou par le déclenchement de sons ou de bruits - par exemple un hénissement de cheval, un klaxon d’automobile, une porte qui claque. L’effet est intensément dynamique, presque cinématographique.68

L’art de la scène, chez Teodoreanu, comme chez Ion Luca Caragiale en Roumanie ou chez Jules Renard en France, donne au lecteur l’impression de discontinuité, explicable par la commutabilité aisée des scènes du roman.69 En même temps, cette technique narrative où la durée du récit paraît identique à celle de l’histoire, donne à Hotarul nestatornic un caractère d’immédiateté à l’existence saisie sur le vif, à ces «incidents de vie» comme on l’a dit70. Ce faisant, elle correspond parfaitement aux représentations de l’enfant, dont la structure mentale ne perçoit souvent que des fragments de durée et d’espace, sans linéarité, à des moments d’être, d’expérimentation immédiate du monde. Ainsi, dans le premier volume de La Medeleni, l’art compositionnel de Teodoreanu est en cohérence à la fois avec le sujet du roman et avec le projet d’écriture de l’écrivain roumain. Dans cette perspective, André Maurois écrit à juste titre, dans Le cercle de famille, que «les souvenirs de l’enfance ne sont pas, comme ceux de l’âge mûr, classés dans les cadres du temps. Ce sont des images isolées, de tous côtés entourées d’oubli, et le personnage qui nous y représente est si différent de nous-mêmes que beaucoup d’entre elles nous paraissent étrangères à notre vie.» Jules Renard, à propos des «moments» de Poil de carotte, ne parlait-il pas d’une composition «décousue», rhapsodique du récit, et ne plaidait-il pas indirectement en faveur de l’avocat-romancier quand il disait de son livre à lui: «Il est fait de moments. Ce n’est pas un être qui se compose: c’est un être qui existe.»71?

Certes, l’originalité de Teodoreanu ici n’est pas totale: Tudor Vianu fait remarquer à juste titre qu’il «compose ses romans avec les vieux moyens des auteurs de croquis», notamment ceux de Caragiale dans les Momente şi Schiţe [«Instantanés et croquis»]. Brătescu-Voineşti dynamise déjà sa prose par un découpage de la matière narrative en séquences, comme dans Magheranul [«La marjolaine»] et dans Niculăiţă Minciună72, ainsi que Ion A. Bassarabescu, l’un des maîtres de la saynète dans la littérature roumaine. Ce qui caractérise l’art romanesque de Teodoreanu, c’est l’ampleur et la cohérence qu’il donne à ce procédé compositionnel, ainsi que l’adéquation manifeste entre ce trait stylistique et le monde de l’enfance représenté dans les pages du volume.

Pourtant, une lecture attentive du roman permet de constater que, malgré cette esthétique de l'évanescence à l'oeuvre dans Hotarul nestatornic, le roman possède une unité narrative bien réelle. Cette cohérence est mise en oeuvre par Ionel Teodoreanu de trois manières.

 

2. L’isolation d’un moment de crise.

D’abord, par le procédé romanesque qui consiste à isoler un moment critique. En effet, le premier volume de La Medeleni ne se présente ni comme le roman d’une époque, ni comme celui d’une vie ou d’une «tranche de vie», mais, pour reprendre la formule célèbre d’Albert Thibaudet, comme un «roman actif qui isole une crise»73. Le moment choisi est l’été 1908, à l’époque où Dan Deleanu, qui vient de terminer l’école primaire, s’apprête à entrer au lycée, à quitter Medeleni pour Bucarest et à franchir, par conséquent, la mouvante marche qui sépare l’enfance insouciante d’une vie nouvelle. L’action se déroule donc sur quelques «journées» qui marquent des temps forts des vacances à Medeleni après le 14 juillet (première partie), suivies par la grande ellipse centrale qui nous mène au nœud du chapitre Herr Direktor, à la fin du mois d’août, quand se pose le problème crucial de l’avenir de Dănuţ.

3. La mise en texte des chapitres.

Un second moyen d’assurer la cohérence narrative de Hotarul nestatornic réside dans l’organisation très rigoureuse des chapitres, répartis en deux groupes ternaires symétriques (Potemkin şi Kami-Mura, Căsuţa albă şi rochiţa roşie, Herr Direktor, d’une part, Robinson Crusoe, Păpuşa Monicăi et «Moş Gheorghe, nu tragi din lulea?», d’autre part), séparés par le nœud central constitué par le chapitre intitulé «Mediul moldovenesc». Ces grandes divisions du roman, construites sur une action unitaire, sont, comme dans Dumbrava minunată de Mihail Sadoveanu, chapeautées par un titre résumatif et qui évoque le langage enfantin: Potemkine et Kami-Mura et La maisonnette blanche et la petite robe rouge, par leur structure binaire propre à la fable et au conte, Herr Direktor par le jeu du sobriquet, Robinson Crusoé et La poupée de Monica par leur référence aux jeux de l’enfance, et «Moş Gheorghe, tu ne fumes pas la pipe» par sa rhétorique particulière. Une exception significative à cette règle des titres est constituée par le chapitre du nœud central, «Le milieu moldave», titre mis en relief par l’emploi des guillemets, à connotation théorique, et qui évoque le langage d’adulte de l’oncle venu d’Allemagne pour arracher Danuţ aux sphères, selon lui rétrogrades et passéistes, où évoluent ses parents.

4. L’encadrement analogique du roman.

Enfin, l’encadrement analogique du premier et du dernier chapitre de Hotarul nestatornic renforce la cohésion d’ensemble du volume: la similitude des moyens mis en œuvre aux deux extrémités matérielles du roman est évidente.

Même effet de masse exubérante produit, d’un côté, par la représentation des enfants des paysans du domaine suivant Dănuţ et Gheorghiţă, munis du nouveau cerf-volant74, depuis la route jusqu’ŕ la cour en effervescence: 

În frunte cu Dănuţ, alaiul mărunţilor călăuzi până la poarta ogrăzii pasul înalt al zmeului... Ograda se umplu de zarvă: cânii hămăiau, slugile răsăreau din toate părţile.75

 

 T. F.: Dănuţ en tęte, la ribambelle des petits guida jusqu’au portail de l’enclos la marche céleste du cerf-volant... La basse-cour s’emplit de tintamarre: les chiens aboyaient, les serviteurs surgissaient de tous côtés.;

de l’autre, par celle du village envahi par les enfants, à la fin du roman, lors des obsèques de moş Gheorghe: 

O amiază rece, cu cerul îmbătrânit de nouri suri.

Deasupra satului suna clopotul, amintind cerului depărtat întrarea în pământ a unui om. Pe uliţa cea mare şi prin faţa ogrăzilor nu se vedea ţipenie de om în vrâstă; numai copii de cei mărunţi care vorbesc cu gâzele, se sfădesc cu vrăbiile şi se supără oe copaci. Satul părea al copiilor.76 

 

T. F.: Un après-midi froid, au ciel ridé de nuages grisonnants.

Au-dessus du village le son du glas annonçait au ciel lointain la mise en terre de quelqu’un. Sur la grand-rue et devant les enclos on n’apercevait pas le moindre vieux; rien que de ces petits enfants qui parlent aux oies, se châmaillent avec les moineaux et fulminent contre les arbres. Le village semblait appartenir aux enfants.

Des deux côtés, même effet de contrepoint aussi: à l’entrelacement des scènes montrant la course effrénée de la carriole de Dănuţ et de la voiture des filles77, correspond l’alternance d’un épisode burlesque --  celui de la pantomime de M. Deleanu racontant aux enfants Les Trois Mousquetaires --  et d’un autre, tragique, celui de l’agonie de moş Gheorghe dans sa maisonnette voisine78.

Aux deux extrémités du roman, même inversement de motif narratif, avec, d’un côté, l’arrivée du train d’Olguta et de Monica en gare de Medeleni, puis le départ du train pour Iaşi avec toute la famille à l’approche de la rentrée; même répétition des deux deuils de Monica, avec la disparition, cruelle pour la petite orpheline, de sa véritable grand-mère d’un côté, et du grand-père que représente pour elle moş Gheorghe, de l’autre.

Ces reprises et ces symétries n’ont rien d’arbitraire: l’art romanesque de Teodoreanu vise ici à la cohérence externe par un encadrement discret, grâce à des fils sûrs mais transparents qui suggèrent au lecteur, au prix d’une lecture téléscopique comme chez Proust, la fermeture d’une boucle. Cet art romanesque de la symétrie, qui n’est pas propre à Teodoreanu, doit beaucoup à Rebreanu, maître dans ses jeux de parallélisme et de contrepoint. Déjà dans Pădurea spânzuraţilor79, deux scènes de pendaison encadrent le célèbre roman: celle du déserteur tchèque Svoboda, au crépuscule, dans le lugubre village de Zirin, sous les yeux d’Apostol Bologa; celle du déserteur transylvain Bologa lui-même, à la fin du roman. La structure romanesque en boucle a ici une signification tragique: elle exprime l’angoisse d’une boucle qui se referme et qui tue. La technique sera reprise par George Călinescu dans Enigma Otiliei80, avec la répétition obsédante au début et à la fin du roman, par Costache Giurgiuveanu puis par Felix se souvenant de son arrivée à Bucarest, de la phrase «Aici nu sta nimeni81 Chez nos trois romanciers, à trois moments différents de l’histoire du roman roumain moderne, l’effet de cohérence est assez semblable, avec une manifestation de la toute-puissance du Destin, même si cet effet est sans doute plus théâtral chez Călinescu.

(suite)

__________

  1. Istoria literaturii române contemporane, IV, «Evoluţia prozei literare», chap. XIII, «Contribuţia Vieţii Româneşti», Bucarest: Editura Ancora, 1928, p. 146.

  2. Ibidem, p. 149.

  3. Souvenirs d’enfance.

  4. Ibidem, p. 146.

  5. La fillette.

  6. Sang.

  7. «Ionel Teodoreanu: Uliţa copilăriei, La Medeleni, II, Drumuri, Zburătorul, VI, 1927(7). Cité d’après Scrieri, 6, ed. Constanţa Constantinescu, Bucarest: Minerva, 1972, p. 71.

  8. «La Medeleni de Ionel Teodoreanu», Foaia Tinerimii, XII, 1928(7-8), pp. 46-48.

  9. «Ionel Teodoreanu», Viaţa Românească, XVI, 1963(6-7). Cité d’après Ionel Teodoreanu, Cum am scris «Medelenii», ed. N. Ciobanu, p. 414.

  10. Ibidem, pp. 414-415.

  11. Ibidem, p. 414.

  12. Fulvia Rosenberg a recensé 33 catégories de conduite dans ce genre d’ouvrage: affection, soin, demande de don, menace, etc., parmi lesquelles les transactions occupent une grande place. Voir F. Rosenberg, La famille dans les livres pour enfants, Paris: Magnard, 1976, coll. «Lecture en liberté».

  13. L’enveloppe, dans Le livre aux jouets, 1931. De même, chez Otilia Cazimir, dans Strategie, la petite Nina profite de la faiblesse de l’épicier Marcu, triste de ne pas avoir d’enfants, pour lui estorquer des bonbons sans rien lui donner en échange (O. Cazimir, Grădina cu amintiri şi alte schiţe, «Le jardin aux souvenirs et autres sketches», 1929).

  14. La Medeleni, I, pp. 63-65.

  15. Ibidem, p. 106.

  16. Ibidem, p. 93.

  17. Ibidem, respectivement pp. 47-49 et 94-95, et p. 54

  18. Une exception importante, toutefois: le legs final de la robe de mariée à Olguta par moş Gheorghe, et de sa maisonnette aux enfants Deleanu, est une action conclusive de Hottarul nestatornic, à fonction cardinale (pp. 380-381).

  19. La Medeleni, I, pp. 163-164.

  20. Ibidem, p. 198.

  21. Ibidem, pp. 318 sq.

  22. Cf. supra.

  23. La Medeleni, I, pp. 160-161.

  24. Ibidem, p. 311.

  25. Ibidem, p. 42.

  26. Ibidem, p. 73.

  27. Ibidem, p. 321.

  28. Ibidem, respectivement pp. 291 et 362.

  29. Dans Vizita («La visite»), Caragiale nous fait assister aux espiègleries du petit Ionel, qui fume, se déguise en major de roşii, place de la confiture dans les chaussures du narrateur (Nuvele şi schiţe, «Nouvelles et croquis»).

  30. Alain-Fournier, Correspondance.

  31. Ibidem, pp. 321 sq.

  32. Ibidem, pp. 187-188.

  33. Ibidem, pp. 228-229.

  34. Enfants nous étions tous les deux..., 1871.

  35. La Medeleni, II, p. 442.

  36. La Medeleni, I, p. 86. Reprise dans le volume II, pp. 136-138, entre Dănuţ et Olguţa cette fois.

  37. La Medeleni, I, pp. 13-14.

  38. Ibidem, pp. 111-113.

  39. Ibidem, p. 321.

  40. Ibidem, p. 67.

  41. Ibidem, p. 38.

  42. Ibidem, pp. 338-340.

  43. Ibidem, p. 36.

  44. Revue parisienne, 1840; repris dans Balzac, Œuvres complètes, ed. Calman-Lévy, tome 23, p. 596. Les opinions sur la question ont évolué; mais le problème du dialogue divise les milieux littéraires à l’époque même de la publication de La Medeleni. Sans l’aborder de manière approfondie, notons qu’il est «la création par excellence» pour Ibrăileanu (op. cit., p. 440) mais qu’il n’est doté d’aucune valeur artistique selon Anton Holban: «l’art est une synthèse et non une transposition» (A. Holban, «Despre dialog», «Sur le dialogue», România literară, I, 1932, n° 32, p. 1).

  45. Constatant le déclin du genre romanesque, Mihail Sebastian affirme en 1927 que le roman a élargi sa sphère au-delà du narratif, optant «pour l’action serrée d’après les normes dramatiques élémentaires, pour le simple enchaînement d’une dynamique intérieure». Voir M. Sebastian, article paru dans Cuvântul du 6 octobre 1927; cité d’après Eseuri, cronici, memorial [«Essais, chroniques, mémorial»], ed. Cornelia Ştefănescu, Bucureşti: Editura Minerva, 1972, p. 33 («Considérations sur le roman moderne, Le déclin du genre»).

  46. Constantin Ciopraga fait remarquer, à ce propos, combien les enfants décrits par une grande analyste comme Hortensia Papadat-Bengescu sont taciturnes, saisis uniquement par le dialogue intérieur: «Chez le créateur des Hallipi, l’enfance est un sondage dans les dessous d’âmes obscures; chez le rhapsode de La Medeleni, l’enfance s’épanche au-dehors, prenant vie d’explosion d’étonnement, d’exubérance et d’auto-illusion.» Voir C. Ciopraga, «Ionel Teodoreanu în retrospectivă» [«I. T. en rétrospective»], III, Cronica, VII, 1972 (5), p. 2.

  47. Mircea Anghelescu, «Ionel Teodoreanu şi lumea copilăriei» [«I. T. et le monde de l’enfance»], Cronica, V, 1970 (20), p. 8.

  48. Lovinescu note la prédominance de la «forme dialogique du film sans cadres fixes» (Istoria literaturii române contemporane, 1900-1937, Bucureşti: Editura Minerva, 1989, coll. «Arcade», p. 167); Nicolae Iorga, quant à lui, dénonce dans le dialogue teodorenien «toutes les longueurs auxquelles n’échappe pas le sténographe» (Istoria literaturii româneşti contemporane, Bucureşti: Editura Adevărul, 1934, p. 313).

  49. Gogu et Goguşor, dans les Nouvelles, III.

  50. D’aujourd’hui et des temps anciens, dans Hagi Tudose.

  51. Le grand-père, La grand-mère, dans Între vis şi viaţă [«Entre rêve et vie»].

  52. Respectivement, «Instantanées» et «Croquis», publiés à la fin du siècle dernier.

  53. T. F.: - Monica? / - Quoi? - Rien... - Hotarul nestatornic, p. 45.

  54. T. F.: - Qui est là? - Moi. - Qui ça, moi? - Moi, ton frère. - Je ne crois pas! - Si je te le dis! - Et qu’est-ce que tu veux? - Te dire quelque chose. - Dis. - Ouvre la porte. - Pourquoi faire? - Pour que je te le dise. - Ibidem, pp. 92-93.

  55. T. F.: - Dănuţ, qu’est-ce que ça signifie? - Ça signifie! - Ibidem, p. 67.

  56. T. F.: - Bien, mais qu’est-ce qui va se passer? - Quelque chose! répondit Olguţa en fronçant les sourcils énigmatiquement. Ibidem, p. 54.

  57. Eugen Lovinescu, Istoria literaturii române contemporane [«Histoire de la littérature roumaine contemporaine»], IV, Bucureşti: Editura Ancora, 1928, p. 150.

  58. Isabela Sadoveanu, «Ionel Teodoreanu: Uliţa copilăriei, La Medeleni - Hotarul nestatornic», Adevărul literar şi artistic, VII, 1926 (311), p. 1.

  59. M. Popa, «Medelenii sau starea de vacanţă», in Ionel Teodoreanu, La Medeleni, 1, Hotarul nestatornic, Bucureşti: Editura Albatros, 1970, avant-propos, pp. 26-27.

  60. T. F.: Olguţa pouffa de rire. - Hélas, papa! Si tu connaissais toi aussi tante Mélanie, tu ne dirais pas une chose pareille! - Mais toi, d’où la connais-tu? - Comme ça!... Je me l’imagines... Tu sais, papa, elle porte des lunettes sur le bout de son nez et elle regarde par-dessus, fit Olguţa en l’invoquant et en la sculptant, les doigts en l’air. - Et qu’est-ce qu’elle a encore? - Ah! Une verrue... une verrue poilue au-dessus de la lèvre! Et elle est maigre comme un hareng... - ... A lunettes, ajouta monsieur Deleanu. - Attends, papa! Je le jure! Quand elle mange des œufs durs, il lui reste du jaune sur sa moustache. C’est écœurant! Oh là là là, ce qu’elle est laide!... Papa, tante Mélanie est la commère de l’oncle Léon, le pauvre homme! - Je te l’avais bien dit! Elle veut divorcer et c’est moi qu’elle a engagé comme avocat. - Dis non, papa. Oncle Léon a raison. Tante Mélanie est une mégère. C’est elle qui lui fait des misères. - Qu’y a-t-il à faire? - Lui en faire voir à elle aussi de toutes les couleurs. - Alors chantons-lui encore une fois. - Hop là! Hotarul nestatornic, p. 357.

  61. T. F.: - Il se rapproche? - On dirait... hésita la réponse. - Il se rapproche? - On dirait que oui, fit Monica d’une voix craintive. - Il se rapproche? tonna Olguţa. - Idem, p. 24.

  62. T. F.: «- Il vient? - Il vient!», «- Tu l’as apporté? - Je l’ai apporté!», «- Tu déménages? - Je déménage.», «- Franchement? - Franchement. » Ibidem, p. 10, p. 33, p. 60, p. 93.

  63. Sur l’attention portée aux faits de langue par le romancier, lire les remarques pertinentes de Marian Popa, op. cit., pp. 27-29.

  64. A ce propos, voir Tudor Vianu, Arta prozatorilor români [«L’art des prosateurs roumains»], Bucureşti: Editura contemporană, 1941, p. 369.

  65. Garabet Ibrăileanu parle pour la première fois de moments; voir «Ionel Teodoreanu. La Medeleni», in Studii literare [«Études littéraires»], 1, Bucureşti: Editura Minerva, 1979, p. 440. Pour Vianu, Hotarul nestatornic est «une suite de saynètes»; voir T. Vianu, Arta prozatorilor români [«L’art des prosateurs roumains»], Bucureşti: Editura contemporană, 1941, p. 370. Enfin, Teodoreanu lui-même signale que «les romans de La Medeleni sont travaillés en raccourcis» (en français dans le texte); voir I. Fr. Botez et C. Cerbu, «Cu d-l Ionel Teodoreanu despre Trilogia Medelenilor» [«Avec... sur la Trilogie La Medeleni»], Rampa, XII, 1927 (2946), p. 2.

  66. Hotarul nestatornic, p. 139, conclusion fulgurante du chapitre II, par un résumé.

  67. Sur les différents tempos romanesque, voir Gérard Genette, Figures, III, Paris: Seuil, 1972.

  68. Dinu Pillat remarque dans La Medeleni le «dialogue fulgurant, dans des séquences narratives d’une dynamique proche de celle de la technique cinématographique.» Voir sa préface à Ionel Teodoreanu, Pagini cu copii şi adolescenţi [«Pages avec des enfants et des adolescents»], Bucureşti: Editura Cartea Românească, 1973, p. VI.

  69. Marian Popa met en évidence la structure «filiforme» du roman, où «les événements peuvent être commutés sans que l’ensemble en souffre du point de vue du sens», comme dans les Amintiri din copilărie [«Souvenirs d’enfance»] de Creangă, ou comme dans Poil de carotte de Renard. Voir M. Popa, «Medelenii sau starea de vacanţă» [«La Medeleni ou l’état de vacance», in Ionel Teodoreanu, La Medeleni, 1, Hotarul nestatornic, préface, Bucureşti: Editura Albatros, 1970, p. 23.

  70. Camil Petrescu note que «la méthode littéraire de M. Teodoreanu est la méthode classique du roman français, transplantée et confirmée par les écrivains russes. La création par des incidents de vie, par la présentation directe des faits et des hommes; à la différence de la méthode analytique et interprétative. Les événements de La Medeleni sont ainsi une longue série de faits racontés directement.» Voir C. Petrescu, «Ionel Teodoreanu: La Medeleni - Hotarul nestatornic», Cetatea literară, I, 1926 (9-10), p. 66. Cité d’après Opinii şi atitudini [«Opinions et attitudes»], ed. Marin Bucur, Bucureşti: Editura pentru Literatură, 1962, p. 185.

  71. J. Renard, Journal, 27 septembre 1894.

  72. Nicolas Mensonge. Sur cette question, lire Mircea Zaciu, «Ioan Alexandru Brătescu-Voineşti», in Scriitori români [«Écrivains roumains»], ouvrage collectif, Bucureşti: Editura ştiinţifică şi enciclopedică, 1978, p. 98.

  73. Albert Thibaudet, Réflexions sur le roman, 4e édition, Paris: Galliamard, 1938, p. 18 («L’esthétique du roman»).

  74. On retrouve ce narrème perturbateur dans un roman hongrois contemporain de Hotarul nestatornic: Aranysárkány (1924-1925) de Dezsö Kosztolány. Les élèves d'un lycée de Hongrie lancent un cerf-volant dans le ciel, sous le regard sévère de leurs professeurs. Voir Le cerf-volant d'or, roman traduit du hongrois par Eva Vingiano de Piña Martins, Paris: Viviane Hamy, 1993.

  75. La Medeleni, I, p. 7.

  76. Ibidem, p. 378.

  77. Ibidem, pp. 14-25.

  78. Ibidem, pp. 371-376.

  79. La forêt des pendus, 1922.

  80. L’énigme d’Otilia, 1938.

  81. «Personne n'habite ici!»

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