Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre EAF 2016 1ST2S2 (français) Séquence nº 2: le personnage de roman et son mentor Lecture analytique nº 2 Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre XIV,
depuis "Mais pendant qu'on préparait ainsi les moyens" jusqu'à
"ce qui ne lui appartient pas." Mais pendant qu'on préparait ainsi les moyens de
conserver la jeunesse pure, innocente, laborieuse, docile et passionnée
pour la gloire, Philoclès, qui aimait la guerre, disait à Mentor: - En vain vous occuperez les jeunes gens à tous ces
exercices, si vous les laissez languir dans une paix continuelle, où ils
n'auront aucune expérience de la guerre, ni aucun besoin de s'éprouver
sur la valeur. Par là vous affaiblirez insensiblement la nation; les
courages s'amolliront; les délices corrompront les moeurs: d'autres
peuples belliqueux n'auront aucune peine à les vaincre, et, pour avoir
voulu éviter les maux que la guerre entraîne après elle, ils tomberont
dans une affreuse servitude. Mentor lui répondit: "Les maux de la guerre sont encore plus horribles que
vous ne pensez. La guerre épuise un Etat et le met toujours en danger de
périr, lors même qu'on remporte les plus grandes victoires. Avec
quelques avantages qu'on la commence, on n'est jamais sûr de la finir
sans être exposé aux plus tragiques renversements de fortune. Avec
quelque supériorité de forces qu'on s'engage dans un combat, le moindre
mécompte, une terreur panique, un rien vous arrache la victoire qui était
déjà dans vos mains et la transporte chez vos ennemis. Quand même on
tiendrait dans son camp la victoire comme enchaînée, on se détruirait
soi-même en détruisant ses ennemis; on dépeuple son pays; on laisse les
terres presque incultes; on trouble le commerce; mais, ce qui est bien
pis, on affaiblit les meilleures lois et on laisse corrompre les moeurs:
la jeunesse ne s'adonne plus aux lettres; le pressant besoin fait qu'on
souffre une licence pernicieuse dans les troupes; la justice, la police,
tout souffre de ce désordre. Un roi qui verse le sang de tant d'hommes et
qui cause tant de malheurs pour acquérir un peu de gloire ou pour étendre
les bornes de son royaume est indigne de la gloire qu'il cherche et mérite
de perdre ce qu'il possède, pour avoir voulu usurper ce qui ne lui
appartient pas. |
Fénelon (1651-1715) XVIIe siècle (17e s.)
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