Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre EAF 2016 1ST2S2 (français) Séquence nº 2: le personnage de roman et son mentor Lecture analytique nº 1 Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre XIV,
depuis "Bientôt Philoclès demanda au roi" jusqu'à
"auxquelles ils pussent s'attacher."
Bientôt Philoclès demanda au roi de se retirer auprès de Salente, dans
une solitude où il continua à vivre pauvrement comme il avait vécu à
Samos. Le roi allait avec Mentor le voir presque tous les jours dans son désert.
C'est là qu'on examinait les moyens d'affermir les lois et de donner une
forme solide au gouvernement pour le bonheur public. Les deux principales choses qu'on examina furent l'éducation
des enfants et la manière de vivre pendant la paix. Pour les enfants, Mentor disait: - Ils appartiennent moins à leurs parents qu'à la république;
ils sont les enfants du peuple, ils en sont l'espérance et la force; il
n'est pas temps de les corriger quand ils se sont corrompus. C'est peu que
de les exclure des emplois, lorsqu'on voit qu'ils s'en sont rendus
indignes; il vaut bien mieux prévenir le mal que d'être réduit à le
punir. Le roi, ajoutait-il, qui est le père de tout son peuple, est
encore plus particulièrement le père de toute la jeunesse, qui est la
fleur de toute la nation. C'est dans la fleur qu'il faut préparer les
fruits: que le roi ne dédaigne donc pas de veiller et de faire veiller
sur l'éducation qu'on donne aux enfants. Qu'il tienne ferme pour faire
observer les lois de Minos, qui ordonnent qu'on élève les enfants dans
le mépris de la douleur et de la mort; qu'on mette l'honneur à fuir les
délices et les richesses; que l'injustice, le mensonge, l'ingratitude et
la mollesse passent pour des vices infâmes; qu'on leur apprenne, dès
leur tendre enfance, à chanter les louanges de héros qui ont été aimés
des dieux, qui ont fait des actions généreuses pour leurs patries et qui
ont fait éclater leur courage dans les combats. Que le charme de la
musique saisisse leurs âmes pour rendre leurs moeurs douces et pures;
qu'ils apprennent à être tendres pour leurs amis, fidèles à leurs alliés,
équitables pour tous les hommes, même pour leurs plus cruels ennemis;
qu'ils craignent moins la mort et les tourments que le moindre reproche de
leurs consciences. Si, de bonne heure, on remplit les enfants de ces
grandes maximes et qu'on les fasse entrer dans leur coeur par la douceur
du chant, il y en aura peu qui ne s'enflamment de l'amour de la gloire et
de la vertu. Mentor ajoutait qu'il était capital d'établir des écoles
publiques pour accoutumer la jeunesse aux plus rudes exercices du corps et
pour éviter la mollesse et l'oisiveté, qui corrompent les plus beaux
naturels; il voulait une grande variété de jeux et de spectacles qui
animassent tout le peuple, mais surtout qui exerçassent les corps pour
les rendre adroits, souples et vigoureux: il ajoutait des prix pour
exciter une noble émulation. Mais ce qu'il souhaitait le plus pour les
bonnes moeurs, c'est que les jeunes gens se mariassent de bonne heure et
que leurs parents, sans aucune vue d'intérêt, leur laissassent choisir
des femmes agréables de corps et d'esprit, auxquelles ils pussent
s'attacher. |
Fénelon (1651-1715) XVIIe siècle (17e s.)
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