Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre

1S3, 2018-2019

Séquence nº 1: le discours contre la pauvreté de la Renaissance à nos jours

 

Résumé court des lectures analytiques

et des documents complémentaires

 

Que ce soit par l'argumentation directe ou l'argumentation indirecte, dans la fiction ou dans le réel, quels moyens et procédés les écrivains et orateurs utilisent-ils pour dénoncer la pauvreté?

 

Lectures analytiques

 

1 Jean de La Fontaine, « La Mort et le Bûcheron », Fables, I, 16, 1668

Avec une lapidarité et une concision classiques, cette fable en vers dénonce la misère à travers un apologue. Un vieux bûcheron prend conscience qu'il ne peut plus vivre de son travail: incapable de porter son fardeau, il en devient un pour les autres. Il parle seul à la mort (allégorie du titre), qui ne lui répond pas mais agit. Le texte brosse un portrait physique et moral de ce bûcheron incarnant la misère absolue, sans exprimer aucun signe de révolte ou de critique du système qui l'engendre. 


2 Bossuet, « De l’éminente dignité des pauvres », 1659, Sermons, édition posthume, 1762
Bossuet fait l'éloge de la pauvreté en utilisant l'argument d'autorité (
le "docte et éloquent saint Jean Chrysostome") et l'exemple de deux villes riche et pauvre. Il établit une antithèse entre l'opulence et la corruption des riches, qui les conduisent à la ruine, et l'effort et l'abnégation des pauvres, qui les mènent à l'activité et à la prospérité. Blâmant les riches matérialistes, Bossuet plaide pour que l'Eglise chrétienne soit la ville des pauvres et qu'elle les serve.

3 Jonathan Swift, « Du bon usage du cannibalisme. Modeste proposition pour empêcher les enfants pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public », 1729
L'Irlandais Jonathan Swift écrit ici un pamphlet pour dénoncer la pauvreté.Il utilise l’ambiguïté: le discours respecte le genre du discours argumentatif direct, scientifique, mais subvertit sans cesse ce discours en utilisant les armes littéraires qui font rire ou sourire: notamment l’ironie, le sarcasme, l’exagération, les métaphores du manger. Il y a finalement une parodie (imitation burlesque) du discours savant… pour exorciser la pauvreté, la faim, le malheur, avec fausse modestie.

4 Victor Hugo, « Discours sur la misère », 1849
Pour convaincre ses collègues parlementaires de voter "des lois contre la misère" l'orateur Hugo prononce un discours réaliste dénonçant la souffrance, la souillure, l'avilissement de l'humain. Il répète les mots et les idées de misère et de mort, utilise la métaphore filée de la maladie, l'antithèse et les oppositions, la personnification, l'hyperbole, l'hypotypose (exemples visuels), pour leur force expressive. Il s'agit d'un discours convaincant, presque théâtral, sur le modèle de l'oratio antique, avec une captatio benevolentiae au début et une exhortation à agir à la fin, avec une oralité très marquée qui renforce son pouvoir de conviction: anaphores, apostrophes au public, questions et exclamations, indications sur les réactions du public (didascalies)

Documents complémentaires

Image – Louis Le Nain, « Repas de paysans », 1642, Musée du Louvre, Paris
Par rapport à la pauvreté, le message de Louis Le Nain dans ce tableau plaiderait en faveur de la solidarité tout en représentant la présence matérielle du divin. Le paysan aux pieds nus dénote par rapport aux autres personnages (3 adultes, 3 enfants): ses vêtements sont déchirés, il est humble, résigné, fatigué, un peu comme le vieux bûcheron de La Fontaine.

Image – Gustave Doré, gravure pour les Contes de Perrault, édition Hetzel, 1862, « Le Petit Poucet »

C'est surtout la misère morale qu'exprime Gustave Doré ici, par l'attitude et le regard des deux personnages assis devant l'âtre.Un sentiment d'impuissance semble se dégager des regards et des attitudes, et de fatalité de la misère. L'art visuel vise ainsi à dénoncer la pauvreté par l'émotion et par d'autres moyens que ceux du discours.

Texte – Abbé Pierre, Appel du 1
er février 1954
Devant l'horreur et l'urgence humanitaire, l'abbé Pierre lance à la radio un appel de mobilisation solidaire impliquant stratégie et logistique. Il est à la fois objectif et subjectif, militant et aimant.

Image – Kieron M. Dwyer, dessin satirique paru en 2001 sur www.lcdcomic.com

Ce dessin satirique dénonce les clichés coloniaux. Le comique naît du renversement de situation (le blanc représenté en uniforme passe de conquérant prédateur à victime des soit-disant cannibales), du jeu de mots dans le phylactère. Kieron M. Dwyer rejoint le texte de Jonathan Swift, "Du bon usage du cannibalisme" (1729): par son sens de la dérision; l'écrivain irlandais propose une solution radicale au problème crucial de la pauvreté, le cannibalisme sélectif sur les bébés pauvres. Dans les 2 documents on retrouve le motif de la nourriture associé à celui de la pauvreté.

 

Texte – Jim Yong Kim, Président de la Banque mondiale, “Un monde sans pauvreté est à notre portée”, allocution du 3 mai 2013, Washingtown
Cette allocution se distingue par son aspect factuel, non fictif, performatif, marqué par l'anaphore "un monde", les mots en lien avec l'action, la décision, le "nous" collectif et planétaire. Fatalisme et complaisance sont considérés comme "deux ennemis mortels des pauvres".

Lecture cursive d'un conte: Charles Perrault, « Le Petit Poucet », Histoires ou Contes du temps passé – Contes de ma mère l’Oye, 1697. Édition moderne. Texte lu à la maison.
Par sa fonction éducative, édifiante, un conte pour enfants comme "Le Petit Poucet" peut non seulement dénoncer la pauvreté mais aussi offrir aux enfants et donc aux futurs adultes les moyens de l'éviter, de l'affronter, d'y faire face. En quelque sorte ce qui est dénoncé ici, c'est surtout l'image de la pauvreté comme fatalité.

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