Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre
Devoir surveillé
2nde 4, 2nde 10
Objet d'étude: le roman et la nouvelle au XIXe siècle: réalisme et naturalisme
Séquences nº 4: enquête sur les écritures du réalisme et du naturalisme en lien avec leur siècle
Commentaire préparé - sujet
Vous rédigerez le commentaire de cette page constituant l'incipit de Germinal, roman naturaliste d'Emile Zola.
Vous développerez deux axes de lecture: un paysage hostile décrit avec réalisme; un paysage métamorphosé et fantastique.
Votre travail comportera une introduction, un développement en deux parties, une conclusion.
Vous prendrez soin de vous appuyer précisément sur le texte commenté.
Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles,
d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre, un homme suivait seul la
grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant
tout droit, à travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait
même pas le sol noir, et il n'avait la sensation de l'immense horizon
plat que par les souffles du vent de mars, des rafales larges comme sur
une mer, glacées d'avoir balayé des lieues de marais et de terres nues.
Aucune ombre d'arbre ne tachait le ciel, le pavé se déroulait avec la
rectitude d'une jetée, au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres.
L'homme était parti de Marchiennes vers deux heures.
Il marchait d'un pas allongé, grelottant sous le coton aminci de sa veste
et de son pantalon de velours. Un petit paquet, noué dans un mouchoir à
carreaux, le gênait beaucoup; et il le serrait contre ses flancs, tantôt
d'un coude, tantôt de l'autre, pour glisser au fond de ses poches les
deux mains à la fois, des mains gourdes que les lanières du vent d'est
faisaient saigner. Une seule idée occupait sa tête vide d'ouvrier sans
travail et sans gîte, l'espoir que le froid serait moins vif après le
lever du jour. Depuis une heure, il avançait ainsi, lorsque sur la gauche
à deux kilomètres de Montsou, il aperçut des feux rouges, trois
brasiers brûlant au plein air, et comme suspendus. D'abord, il hésita,
pris de crainte; puis, il ne put résister au besoin douloureux de se
chauffer un instant les mains.
Un chemin creux s'enfonçait. Tout disparut. L'homme
avait à droite une palissade, quelque mur de grosses planches fermant une
voie ferrée; tandis qu'un talus d'herbe s'élevait à gauche, surmonté
de pignons confus, d'une vision de village aux toitures basses et
uniformes.
Il fit environ deux cents pas. Brusquement, à un coude
du chemin, les feux reparurent près de lui, sans qu'il comprît davantage
comment ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes
fumeuses. Mais, au ras du sol, un autre spectacle venait de l'arrêter. C'était
une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d'où se dressait la
silhouette d'une cheminée d'usine; de rares lueurs sortaient des fenêtres
encrassées, cinq ou six lanternes tristes étaient pendues dehors, à des
charpentes dont les bois noircis alignaient vaguement des profils de tréteaux
gigantesques; et, de cette apparition fantastique, noyée de nuit et de
fumée, une seule voix montait, la respiration grosse et longue d'un échappement
de vapeur, qu'on ne voyait point.
Emile Zola, Germinal, 1885
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