Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre

EAF 2016

1ST2S2

Séquence nº 4: le discours contre la pauvreté de la Renaissance à nos jours

 

Devoir surveillé

Conception: M. Wattremez

 

Commentaire - sujet

 

 Vous ferez le commentaire du sermon de Bossuet (texte A) en vous aidant du parcours de lecture suivant :
- Par quels moyens l’orateur Bossuet essaie-t-il de convaincre son auditoire ?

- Quel rôle particulier joue l’argument religieux dans son sermon ?

 

Texte A

(Bossuet, 1627-1704 - est l’un des plus importants écrivains français du XVIIe siècle et l’un des maîtres de l’art oratoire. Né dans une famille de magistrats, il est ordonné prêtre en 1652. Voici le début d’un de ses célèbres sermons, prononcé en février 1659, dans lequel il s’adresse au public pour parler de la pauvreté.)

Mes frères,

Le docte et éloquent saint Jean Chrysostome[1] nous propose une belle idée pour connaître les avantages de la pauvreté sur les richesses ; il nous représente deux villes, dont l'une n'est composée que de riches, l'autre n'a que des pauvres dans son enceinte, et il examine ensuite laquelle des deux est la plus puissante. Si nous consultions la plupart des hommes sur cette proposition, je ne doute pas, chrétiens, que les riches ne l'emportassent ; mais le grand saint Chrysostome conclut pour les pauvres, et il se fonde sur cette raison que cette ville de riches aurait beaucoup d'éclat et de pompe, mais qu'elle serait sans force et sans fondement assuré. L'abondance ennemie du travail, incapable de se contraindre, et par conséquent toujours emportée dans la recherche des voluptés , corromprait tous les esprits et amollirait tous les courages par le luxe, par l'orgueil, par l'oisiveté. Ainsi les arts seraient négligés, la terre peu cultivée, les ouvrages laborieux par lesquels le genre humain se conserve entièrement délaissés; et cette ville pompeuse, sans avoir besoin d'autres ennemis, tomberait enfin par elle-même, ruinée par son opulence. Au contraire dans l'autre ville où il n'y aurait que des pauvres, la nécessité industrieuse, féconde en inventions et mère des arts profitables, appliquerait les esprits par le besoin, les aiguiserait par l'étude, leur inspirerait une vigueur mâle par l'exercice de la patience ; et n'épargnant pas les sueurs, elle achèverait les grands ouvrages qui exigent nécessairement un grand travail. C'est à peu près ce que nous dit saint Jean Chrysostome au sujet de ces deux villes différentes. Il se sert de cette pensée pour adjuger la préférence à la pauvreté.

Mais à parler des choses véritablement, nous savons que la distinction de ces deux villes n'est qu'une fiction agréable. Les villes, qui sont des corps politiques, demandent, aussi bien que les naturels, le tempérament[2] et le mélange : tellement que selon la police humaine cette ville de pauvres de saint Chrysostome ne peut subsister qu'en idée. Il n'appartenait qu'au Sauveur et à la politique du ciel de nous bâtir une ville qui fût véritablement la ville des pauvres : cette ville c'est la sainte Église ; et si vous me demandez, chrétiens, pourquoi je l'appelle la ville des pauvres, je vous en dirai la raison par cette proposition que j'avance, que l'Église dans son premier plan n'a été bâtie que pour les pauvres, et qu'ils sont les véritables citoyens de cette bienheureuse cité que l'Écriture a nommée la cité de Dieu. Encore que cette doctrine vous paraisse peut-être extraordinaire, elle ne laisse pas d'être véritable[3] ; et afin de vous en convaincre, remarquez, s'il vous plait, Messieurs, qu'il y a cette différence entre la Synagogue et l'Église[4], que Dieu a promis à la Synagogue des bénédictions temporelles, au lieu que, comme dit le divin Psalmiste, « toute la gloire de la sainte Église est cachée et intérieure […]: « Dieu te donne , disait Isaac à son fils Jacob », la rosée du ciel et la graisse de la terre. » C'est la bénédiction de la Synagogue. Et qui ne sait que dans les Écritures anciennes, Dieu ne promet à ses serviteurs que de prolonger leurs jours, que d'enrichir leurs familles, que de multiplier leurs troupeaux, que de bénir leurs terres et leurs héritages ? Selon ces promesses, Messieurs, il est bien aisé de comprendre que les richesses et l'abondance étant le partage de la Synagogue, dans sa propre institution elle devait avoir des hommes puissants et des maisons opulentes. Mais il n'en est pas ainsi de l'Église. Dans les promesses de l'Évangile, il ne se parle plus des biens temporels par lesquels l'on attirait ces grossiers ou l'on amusait ces enfants. Jésus-Christ a substitué en leur place les afflictions et les croix ; et par ce merveilleux changement, les derniers sont devenus les premiers, et les premiers sont devenus les derniers, parce que les riches qui étaient les premiers dans la Synagogue n'ont plus aucun rang dans l'Église, et que les pauvres et les indigents sont ses véritables citoyens. [...]

En effet, n'est-ce pas à eux qu'a été envoyé le Sauveur ? « Dieu m'a envoyé, nous dit-il, pour annoncer l'Évangile aux pauvres.» […] Ensuite n'est-ce pas aux pauvres qu'il adresse la parole, lorsque faisant son premier sermon sur cette montagne mystérieuse, où ne daignant parler aux riches sinon pour foudroyer leur orgueil, il porte la parole aux pauvres comme à ceux qu'il devait évangéliser ? « O pauvres, que vous êtes heureux, parte qu'à vous appartient le royaume de Dieu ! » Si donc c'est à eux qu'appartient le ciel qui est le royaume de Dieu dans l'éternité, c'est à eux aussi qu'appartient l'Église qui est le royaume de Dieu dans le temps. Aussi comme c'est à eux qu'elle appartenait, ce sont eux qui y sont entrés les premiers.  

 

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