Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre EAF 2016 1ST2S2 Séquence nº 2: le héros de roman et son mentor
Devoir surveillé Conception: M. Wattremez
Question sur corpus nº 2 -sujet
Après avoir lu attentivement les textes du corpus, vous répondrez à la
question suivante de façon organisée et synthétique.
Dans le texte D, comment la relation du mentor et du disciple est-elle complètement
inversée? Texte B : Voltaire, Candide,
1759 Texte
A (Contexte: Télémaque, fils
d'Ulysse, raconte les aventures
de son voyage en compagnie de son conseiller Mentor, qui est en réalité
la déesse Athéna elle-même.)
Télémaque reprit ainsi:
"Nous eûmes assez longtemps un vent favorable pour aller en
Sicile; mais ensuite une noire tempête déroba le ciel à nos yeux, et
nous fûmes enveloppés dans une profonde nuit. A la lueur des éclairs,
nous aperçûmes d'autres vaisseaux exposés au même péril, et nous
reconnûmes bientôt que c'étaient les vaisseaux d'Enée: ils n'étaient
pas moins à craindre pour nous que les rochers. Alors je compris, mais
trop tard, ce que l'ardeur d'une jeunesse imprudente m'avait empêché de
considérer attentivement. Mentor parut dans ce danger, non seulement
ferme et intrépide, mais encore plus gai qu'à l'ordinaire: c'était lui
qui m'encourageait; je sentais qu'il m'inspirait une force invincible. Il
donnait tranquillement tous les ordres, pendant que le pilote était
troublé. Je lui disais: "Mon cher Mentor, pourquoi ai-je refusé de
suivre vos conseils? Ne suis-je pas malheureux d'avoir voulu me croire
moi-même, dans un âge où l'on n'a ni prévoyance de l'avenir, ni expérience
du passé, ni modération pour ménager le présent? Ô si jamais nous échappons
de cette tempête, je me défierai de moi-même comme de mon plus
dangereux ennemi: c'est vous, Mentor, que je croirai toujours."
Mentor, en souriant, me répondit: "Je n'ai garde de vous
reprocher la faute que vous avez faite; il suffit que vous la sentiez et
qu'elle vous serve à être une autre fois plus modéré dans vos désirs.
Mais, quand le péril sera passé, la présomption reviendra peut-être.
Maintenant il faut se soutenir par le courage. Avant que de se jeter dans
le péril, il faut le prévoir et le craindre; mais, quand on y est, il ne
reste plus qu'à le mépriser. Soyez donc le digne fils d'Ulysse; montrez
un coeur plus grand que tous les maux qui vous menacent."
Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre
premier
Candide, en retournant dans sa métairie, fit de profondes réflexions
sur le discours du Turc. Il dit à Pangloss et à Martin : « Ce
bon vieillard me paraît s'être fait un sort bien préférable à celui
des six rois avec qui nous avons eu l'honneur de souper. -- Les grandeurs,
dit Pangloss, sont fort dangereuses, selon le rapport de tous les
philosophes : car enfin Églon, roi des Moabites, fut assassiné par
Aod ; Absalon fut pendu par les cheveux et percé de trois dards ;
le roi Nadab, fils de Jéroboam, fut tué par Baaza ; le roi Éla,
par Zambri ; Ochosias, par Jéhu ; Athalia, par Joïada ;
les rois Joachim, Jéchonias, Sédécias, furent esclaves. Vous savez
comment périrent Crésus, Astyage, Darius, Denys de Syracuse, Pyrrhus,
Persée, Annibal, Jugurtha, Arioviste, César, Pompée, Néron, Othon,
Vitellius, Domitien, Richard II d'Angleterre, Édouard II, Henri VI,
Richard III, Marie Stuart, Charles Ier, les trois Henri de France,
l'empereur Henri IV ? Vous savez... -- Je sais aussi, dit Candide, qu'il
faut cultiver notre jardin. -- Vous avez raison, dit Pangloss : car,
quand l'homme fut mis dans le jardin d'Éden, il y fut mis ut operaretur
eum, pour qu'il travaillât, ce qui prouve que l'homme n'est pas né pour
le repos. -- Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c'est le seul
moyen de rendre la vie supportable. » Voltaire, Candide,
chapitre 30 et dernier Texte
C (Contexte:
Vautrin, un ancien malfaiteur, donne des conseils à Eugène de Rastignac,
un jeune provincial venu à Paris pour réussir. Dans le passage
ci-dessous il s'adresse directement au jeune homme.) Voilà le carrefour de la vie, jeune homme, choisissez. Vous avez déjà
choisi : vous êtes allé chez notre cousine de Bauséant, et vous y avez
flairé le luxe. Vous êtes allé chez madame de Restaud, la fille du père
Goriot, et vous y avez flairé la Parisienne. Ce jour-là vous êtes
revenu avec un mot écrit sur votre front, et que j'ai bien su lire Parvenir
! Parvenir à tout prix. Bravo ! ai-je dit, voilà un gaillard qui
me va. Il vous a fallu de l'argent. Où en prendre ? Vous avez saigné vos
sœurs. Tous les frères flouent plus ou moins leurs sœurs. Vos
quinze cents francs arrachés, Dieu sait comme ! Dans un pays où l'on
trouve plus de châtaignes que de pièces de cent sous, vont filer comme
des soldats à la maraude. Après, que ferez-vous ? Vous travaillerez? Le
travail, compris comme vous le comprenez en ce moment, donne, dans les
vieux jours, un appartement chez maman Vauquer, à des gars de la force de
Poiret. Une rapide fortune est le problème que se proposent de résoudre
en ce moment cinquante mille jeunes gens qui se trouvent tous dans votre
position. Vous êtes une unité de ce nombre-là. Jugez des efforts que
vous avez à faire et de l'acharnement du combat. Il faut vous manger les
uns les autres comme des araignées dans un pot, attendu qu'il n'y a pas
cinquante mille bonnes places. Savez-vous comment on fait son chemin ici ?
Par l'éclat du génie ou par l'adresse de la corruption. Il faut entrer
dans cette masse d'hommes comme un boulet de canon, ou s'y glisser comme
une peste. L'honnêteté ne sert à rien. Honoré de Balzac, Le Père Goriot Texte D (Zazie est une petite fille provinciale très
curieuse qui vient à Paris pour découvrir le métro. Son oncle Gabriel
essaie de faire son éducation.) – Tonton
Gabriel, dit Zazie paisiblement, tu m'as pas encore espliqué si tu étais
un hormosessuel ou pas, primo, et deuzio où t'avais été pêcher toutes
les belles choses en langue forestière que tu dégoisais tout à l'heure?
Réponds. – T'en
as dla suite dans les idées pour une mouflette, observa Gabriel
languissamment. – Réponds
donc, et elle lui foutit un bon coup de pied sur la cheville. Gabriel
se mit à sauter à cloche-pied en faisant des simagrées. – Houille,
qu'il disait, houïe là là aouïe. – Réponds,
dit Zazie. Une
bourgeoise qui maraudait dans le coin s'approcha de l'enfant pour lui dire
ces mots: – Mais,
voyons, ma petite chérie, tu lui fais du mal à ce pauvre meussieu. Il ne
faut pas brutaliser comme ça les grandes personnes. – Grandes
personnes mon cul, répliqua Zazie. Il veut pas répondre à mes
questions. – Ce
n'est pas une raison valable. La violence, ma petite chérie, doit
toujours être évitée dans les rapports humains. Elle est éminemment
condamnable. – Condamnable
mon cul, répliqua Zazie, je ne vous demande pas l'heure qu'il est. – Seize
heures quinze, dit la bourgeoise. – Vous
n'allez pas laisser cette petite tranquille, dit Gabriel qui s'était
assis sur un banc. – Vous
m'avez encore l'air d'être un drôle d'éducateur, vous, dit la dame. – Éducateur
mon cul, tel fut le commentaire de Zazie. – La
preuve, vous n'avez qu'à l'écouter parler (geste), elle est d'une grossièreté,
dit la dame en manifestant tous les signes d'un vif dégoût. – Occupez-vous
de vos fesses à la fin, dit Gabriel. Moi j'ai mes idées sur l'éducation. – Lesquelles?
demanda la dame en posant les siennes sur le banc à côté de Gabriel. – D'abord,
primo, la compréhension. Zazie
s'assit de l'autre côté de Gabriel et le pinça rien qu'un petit peu. – Et
ma question à moi? demanda-t-elle mignardement. On y répond pas? – Je
peux tout de même pas la jeter dans la Seine, murmura Gabriel en se
frottant la cuisse. – Soyez
compréhensif, dit la bourgeoise avec son plus charmant sourire. Zazie
se pencha pour lui dire: – Vous
avez fini de lui faire du plat à mon tonton? Vous savez qu'il est marié. – Mademoiselle,
vos insinuations ne sont pas de celles que l'on subtruque à une dame dans
l'état de veuvage. – Si
je pouvais me tirer, murmura Gabriel. – Tu
répondras avant, dit Zazie. Gabriel
regardait le bleu du ciel en mimant le désintérêt le plus total. – Il
n'a pas l'air de vouloir, remarqua la dame veuve objectivement. – Faudra
bien. Raymond Queneau, Zazie dans le métro,
Folio, Gallimard, p. 125-127
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