Préface
André
Maurois est certes connu pour ses biographies romancées de personnages célèbres,
et comme l’inoubliable auteur du roman Climats, mais on ignore
parfois que ce membre de l’Académie française a donné également à
la littérature enfantine – celle dont Paul HAZARD disait qu’elle est
l’incarnation vivante d’un humanisme d’aujourd’hui, un petit livre
en apparence moins sérieux, écrit pour sa fille Michelle et ses deux
fils Olivier et Gérard – Le pays des 36000 volontés.
Le
conte de fées moderne qu’on va lire, et où se manifeste à maintes
reprises l’influence anglaise d’Alice au pays des merveilles de
Lewis CARROLL, avec son goût du non-sens et de l’irrévérence,
ses jardins d’enfants et ses grands labyrinthes remplis de lapins
blancs, est l’histoire d’une fillette qui s’ennuie dans le monde
banal des grandes personnes, parmi leurs règles, leur ordre, leur
discipline, leurs leçons de morale et de politesse ; qui subit l’école,
les notes, les devoirs, les récitations et les tables de multiplication
à apprendre par cœur, rêvant de partir pour le « pays où l’on
peut faire ses 36000 volontés ».
Avec
ses fées malicieuses plongeant leur baguette magique dans l’aqua
imaginativa, sa reine habillée en Tour Eiffel illuminée, son pigeon
Damourtendre, son corbeau Honteuzékonfu, qu’il sort de l’ordinaire,
ce monde qu’imagine Michelle comme une réplique enjouée à une réalité
décevante, à cette triste chambre où « Mademoiselle » martèle
qu’il « faut aller se coucher » et à cette table austère où
papa ne parle que d’élections ! Soudain l’enfant paraît, et tout –
réel, personnages et situations – se trouve métamorphosé dans le rêve
collectif qui suit l’état de veille : le pharaon de l’histoire,
le corbeau de la fable, le désert et le volcan de la leçon de choses,
les cancres et les forts en thème. Tout est converti, perverti, retourné
comme dans un miroir, dans ce monde où règnent une seule loi, celle de
la libre volonté, et un seul ordre – celui du désordre.
Dans
l’histoire construite sur le modèle du parcours initiatique, comme ces
récits où le héros cherche au fil des épreuves à résoudre son énigme
et à se sauver, Michelle erre de clairière en clos magique et de borne
kilométrique en panneau indicateur, à la recherche des autres et d’une
vérité relative. Or la liberté ce n’est pas Fais ce que voudras
de RABELAIS (dont quelqu’un a dit plus tard que c’était un principe
fasciste) ; être libre, c’est poser ensemble les règles qui
permettent à tous de vivre ensemble.
Je
remercie les Editions Khao Fang à Bangkok, fidèles à cet esprit de
liberté au fil d’une collection française qui s’élargit, d’offrir
au public thaïlandais cet élégant petit volume, joliment traduit dans
leur langue maternelle par Poonsook TANPROME, professeur à l’Université
de Chiang Mai.
A
la lisière de ce livre pour tous les âges de la vie, que vous soyez
petit ou grand, premier ou dernier, je vous souhaite, lecteur, de vous
perdre et de vous retrouver.
Et
« Bonnes volontés ! »
Michel Wattremez
André
Maurois, Le pays des 36000 volontés, traduit en thaï par Poonsook
Tanprome, Bangkok, Khao Fang Publishing
Co. Ltd, 2001.
Préface de Michel Wattremez. Illustrations de
Jean-Michel Nicollet.
(c)
Hachette Livre, 1995, pour la version française
(c)
Jean-Michel Nicollet, 1995, pour les illustrations
(c) Khao Fang Publishing Co., Ltd., 2001, pour la version
thaïlandaise
ISBN
974-7406-00-4 - Prix 80 THB
Couverture en
langue siamoise
L'auteur
André Maurois (Elbeuf, 1885 - Neuilly, 1967.) C'est
pour sa fille Michelle et ses deux fils, Gérald et Olivier, qu'André
Maurois écrivit dans l'entre-deux-guerres La Pays des 36000 volontés.
A la suite de ce conte de fées, devenu un classique de la littérature
enfantine, il inventa bien d'autres histoires pour les enfants. Mais
André Maurois était avant tout un talentueux biographe, essayiste et
romancier. Il raconta merveilleusement les vies de George Sand, Victor
Hugo, Dumas, Byron et d'autres encore... Ses oeuvres étaient si prisées
qu'il fut élu membre de l'Académie française en 1938. Plus tard, Emile
Herzog, juif alsacien, disciple du philosophe Alain et anglophile
passionné, devint définitivement André Maurois, nom qu'il utilisait
jusque-là comme pseudonyme littéraire.
La traductrice
Poonsook
Tanprome est professeur de langue et
littérature françaises à l'Université de Chiang Mai. Née en 1951,
elle possède une maîtrise de lettres modernes de l'Université de
Franche-Comté. Elle consacre la plupart de son temps à la traduction
de la littérature française en thaï.
Retour
à l'accueil du site
|