ACADEMIA ROMANA

INSTITUTUL DE ISTORIE SI TEORIE LITERARA "G. CALINESCU"

 

Revista 

de istorie si teorie literara

 

3-4

 

Anul XL

IULIE-DECEMBRIE

1992

 

EDITURA ACADEMIEI ROMANE

 

*

 

JEUX DE MIROIRS DANS LA MEDELENI*

Michel Wattremez

 

«Bientôt, toute une génération mangera 

les fruits inconnus que tu lui apportes.»**

                                                           Între vânturi, p. 170.

 

  On se souvient de la première référence que donnait Gide en 1893 du procédé de la mise en abyme :

J'aime assez qu'en une oeuvre d'art on retrouve ainsi transposé, à l'échelle des personnages , le sujet même de cette oeuvre. Rien ne l'éclaire mieux et n'établit plus sûrement toutes les proportions de l'ensemble. Ainsi, dans tels tableaux de Memling ou de Quentin Metzys , un petit miroir convexe et sombre reflète, à son tour, l'intérieur de la pièce ou se joue la scène peinte. Ainsi, dans le tableau des Ménines de Velasquez (mais un peu différemment). Enfin, en littérature, dans Hamlet , la scène de la comédie; et ailleurs dans bien d'autres pièces. Dans Wilhelm Meister , les scènes de marionnettes ou de fête au château. Dans la Chute de la maison Usher , la lecture que l'on fait à Roderick, etc. Aucun de ces exemples n'est absolument juste. Ce qui le serait beaucoup plus, ce qui dirait mieux ce que j'ai voulu dans mes Cahiers, dans mon Narcisse et dans la Tentative, c'est la comparaison avec ce procédé du blason qui consiste,dans le premier, à en mettre un second "en abyme".[1]

Rappelons qu'est spéculaire le récit recourant au procédé de la mise en abyme par réduplication simple, à l'infini, ou aporistique, et que dans une étude de synthèse consacrée au "récit se réfléchissant" Lucien Dällenbach donne du procédé la définition générale suivante: "est mise en abyme tout miroir interne réfléchissant l'ensemble du récit par réduplication simple, répétée ou spécieuse."[2]

On pourrait se demander dans quelle mesure La Medeleni recourt à ce procédé, quand on sait que Teodoreanu est un admirateur de Gide [3] et que le premier volume de la trilogie paraît en 1925, année de publication des Faux Monnayeurs. La diffusion de ce livre n'a-t-elle pas poussé l'écrivain à modifier son récit d'une aventure dans le sens de l'aventure d'un récit (Jean Ricardou), d'un "livre écrit à la face du monde"[4] ?

I. La réduplication des séquences narratives.

1. À visée de clôture.

Un premier procédé romanesque fréquent dans La Medeleni consiste en la réduplication de séquences narratives. Pratiqué aux points-limite du découpage de la matière romanesque (chapitre, partie, volume), elle marque une clôture, une fermeture du cercle , perceptible seulement dans une lecture "télescopique" du roman. Il met ainsi en évidence des effets d’harmonie, de reprises et de parallèles, comme l’ont fait Romain Rolland avec la mise en correspondance du motif de l’aube à la fin de Jean-Christophe et le titre du premier volume du roman-fleuve, et Marcel Proust par la répétition du motif du sommeil au début et à la fin de Du côté de chez Swann.[5] Prenons quelques exemples. L'arrivée du train des vacances à Medeleni[6] et le départ de la petite gare de campagne de la famille Deleanu[7] bouclent Hotarul nestatornic; les examens du Lycée Lazăr[8] et la rencontre par Dănuţ du directeur du même établissement à la fin de Drumuri [9], ferment la deuxième partie de la trilogie par la réduplication d'une séquence en analogie de lieux; la scène inaugurale du cerf-volant [10] trouve sa réplique dans les dernières lignes de La Medeleni, par répétition de l'élément aérien: "Olguţa era un vânt de larguri..."[11]

2. À visée palingénétique.

Quand il est employé entre deux points éloignés à l'intérieur même de la diégèse, le procédé de réduplication joue un double rôle: il marque le passage du temps entre deux instants ou deux gestes répétés, et, paradoxalement, il les place sur le plan de l'éternité. Ainsi, la réduplication multiple du thème de l'automne, tout au long du roman, accompagne le déclin de Medeleni mais encadre la moşie dans l'éternel automne d'une enfance perdue. Il en va de même pour la fête du départ de Dănuţ pour l'internat de Bucarest [12], reflétée dans celle des fiançailles de Dănuţ et de Monica[13], pour la scène des cadeaux offerts par Herr Direktor à la famille Deleanu[14], reflétée dans celle où Olguţa distribue les siens à son retour de France [15], pour l'épisode où le petit Gheorghiţă garde le cerf-volant de Dănuţ [16], reflétée dans celui où, gardien du domaine, il laisse entrer pour la dernière fois Dănuţ et Monica dans la maison de leur enfance, munis d'une procuration du banquier Bercale [17]. Ces savants jeux de reflets, qui font songer plus d'une fois à ceux de la Recherche de Proust, saisissent l'usure du monde métamorphosé par le Temps et régénéré par l'Art, la Métaphore.

3. À visée dramatique.

Parfois le procédé a pour fonction de dramatiser le récit, par une espèce de retour du destin au moment où on ne l'attendait plus. Ainsi, l'épisode de la chasse à la grenouille par les enfants et Herr Direktor à l'Etang du Poulain[18] est reflété dans la chasse au canard de Între vâturi [19], quinze ans plus tard dans la diégèse, et le coup de carabine d'Olgu¡a sur la grenouille dans le coup de revolver qu'elle tire sur elle-même et qui la tue [20].

II. L’emboîtement des signes et la réfraction des personnages doubles.

1. Les réseaux d’inclusion.

Un second procédé romanesque, assez souvent employé dans La Medeleni, consiste à emboîte r des signes entretenant des rapports d'analogie spatiale, formelle ou sémantique: par exemple, le grenier de la maison Deleanu, incluant le coffre aux jouets de Dănuţ , incluant le Robinson Crusoé , incluant l'île de Robinson [21];le bateau qui ramène les filles en Roumanie et la barque où dort Vania, le même bateau et l'Ile de la Cité à Paris [22].

2. Les fenêtres.

Un cas particulier est celui des fenêtres, motif récurrent dans notre roman, à la fois cadre et tableau : fenêtres d'or du directeur de Viaţa contimporană, fenêtre de la maison de Vania à Bălţi , miroir de l'attente [23], fenêtre de la maison de Medeleni dans la scène finale[24] .

3. Les personnages doubles.

Le procédé de réfraction des personnages joue le même rôle de fragmentation des perspectives: il s'agit de variations sur le motif des frères et des jumeaux : les Pallă, par exemple (le sénateur et le peintre)[25], ou Dănuţ et Olguţ dans leurs luttes enfantines, ou Dănuţ et Mircea aux prises avec l'écriture, ou encore les boxeurs noirs Sam et Jimmy sur le bateau Marseille-Constanţa [26]; les jeux d'homonymie ou de paronymie (Adina, Adelina, Adia [27]; Dan Deleanu, Deleanu Dan...[28] remplissent la même fonction.

III. La mise à nu du jeu romanesque.

Mais le plus important procédé narratif employé par Teodoreanu dans La Medeleni, et en rapport direct avec le jeu spéculaire qui nous intéresse ici, consiste à donner à voir au lecteur du livre les différents acteurs du jeu romanesque: le texte, l'auteur, le lecteur.

1. Le texte montré.

a. L’artifice typographique.

Une caractéristique de La Medeleni est que ce roman montre les textes, leur relief, leur matérialité. Cette démonstration concourt à donner au roman une profonde dimension iconique.[29] L’opération se fait par le jeu de la typographie (corps, graisse, etc.) et des blancs: carte de visite du capitaine Michel Stephano [30], titres de la presse roumaine sur l'entrée en guerre de la Roumanie en 1916[31], lettres et télégrammes d'Olguţa à Mircea alias "Hardtmuth n° 6"[32] et surtout à Grigore Deleanu avec la mention "urgent" en diagonale[33], poème-objet de la jeune fille (Olguţa sum[34], anagramme de Dănuţ [35]), signatures, inscriptions et enseignes diverses.[36] La matérialité de l'écriture , des mots, du papier, est vue et montrée[37], quand on ne s'approche pas directement de l'analyse graphologi que et documentaire.

Teodoreanu innove totalement ici dans le roman roumain, par cette attention portée au «spectacle de l’imprimé»[38], pourtant assez fréquente chez les prosateurs français de l’époque.[39] Il ouvre en cela la voie aux jeux iconiques auxquels se délectera plus tard George Călinescu dans Enigma Otiliei[40] et dans Scrinul negru[41].

III. Fac-similé de La Medeleni, volume 2, ed. princeps, 1926.

b. La couverture et le cahier.

Lorsque l'oeuvre montrée est celle-là même qui se crée sous les yeux du lecteur , dans le moule du livre , alors on obtient le phénomène de mise en abyme au sens gid ien du terme: couverture de Medeleni imaginée par Mircea Balmuş dans le train le conduisant à Medeleni[42], couverture de son volume de vers imaginée par Dănuţ dans la biblio thèque symboliste de Ioana Pallă aux Saules[43], couverture du cahier de Dănuţ intitulé Alunele veveriţei[44], avec probablement l'influence des Cahiers d'André Walter de Gide , cahier de Note de istorie enfin, sur lequel le jeune écrivain dessine les lettres du titre "Medeleni * Roman "[45].

     

  IV. Jeux iconiques dans l’édition princeps de La Medeleni.


2. Le texte réfléchi.

a. Réflexions interne et externe.

L'écriture vient se reflét er dans le texte, qu'elle soit un reflet éloigné d'un segment interne (l'interrogatoire de Dănuţ par Ioana Pallă[46], reflété dans l'enquête mené par Paşa au café Havel à Venise [47] ou externe (Jean-Christoph e dans la lettre de Dănuţ à Monica après sa rencontre avec le directeur de Viaţa contimporană [48];Le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde dans celle du peintre Paşa à sa belle-soeur Ioana Pallă[49]). 

 b. Mise en perspective par les lettres.

Les nombreuses lettres de La Medeleni sont un reflet de la diégèse , à fonction résum ative: elles permettent une concentration d'événements qui prendraient sinon plusieurs pages, sous la focal e d'un personnage . Un épisode narré au degré zéro , comme la rencontre de Dănuţ et du directeur de Viaţa contimporană [50], peut être repris dans une lettre en perspective , comme "reflet immédiat" déformant et structurant[51].

c. Réflexion extratextuelle.

Un narrème ou un personnage d'un extratexte peuvent se réfléchir dans la diégèse du texte. Quelques exemples intéressants: le peintre peignant Dorian Gray se réfléchit dans la séquence narrative montrant Paşa occupé à peindre Adina à Venise [52], Robinson et son perroquet sur l'île se réflètent dans la séquence où Dănuţ entre dans le grenier[53]; Thaïs , personnage de la Ballade des Dames du temps jadis de François Villon , auteur de Monica , prise de la cocaïne au "Pavillon" de Iaş i[54]; Sherlock Holmes se réfléchit dans monsieur Şteflea sur le quai de la gare, affublé de sa pipe et de son browning[55]. Ces jeu x spéculaire s, d'une originalité absolue dans l'histoire du roman roumain, annoncent l'écriture contemporaine d'un Italo Calvino (Si una notte d'inverno un viaggiatore )[56] ou d'un Borges .

d. Le kaléidoscope.

A un degré de complexité supérieur (le miroir du miroir), un élément textuel de La Medeleni peut même se réfléchir de manière kaléidoscop ique d'un fragment de texte à l'autre. Ainsi, dans une lettre à Ioana Pallă depuis Venise , Paşa réfléchit les haïkaï d'Adina , en fait des reflets de Dănuţ [57]. L'un des haïkaï de Alunele veveriţei [Les Noisettes de l'écureuil!], texte enchâss é et en reflet des Nourritures terrestres de Gide , multiplie à l'infini les jeux de miroirs pour rendre l'image mouvante et insaississable de l'âme enfantine aux multiples facettes:

O uă de lemn

Oul misterios de lemnărie albă.

Un ou roşu, în el altu albastru, altul violet, altul galben, altul verde, altul, altul, altul...

Oul de lemn: perspectiva infinitului, jucărie într-o mână de copil!

Inimi câte am?[58]

 T.F.: Œufs de bois

L'oeuf mystérieux, aux senteurs de boiseries blanches

Un oeuf rouge, à l'intérieur un autre bleu, un autre violet, un autre jaune, un autre, un autre, un autre...

L'oeuf de bois: la perspective de l'infin i, jouet dans une main d'enfant!

Des coeurs? J'en ai combien?

3. La représentation du lecteur et du scripteur.

a. L’instance du scripteur.

Plusieurs personnages de La Medeleni sont montrés dans la posture de scripteur .

Olguţa tout d'abord, hantée par la manie du billet , du télégramme et du post-scriptum , écrivant dans la maisonnette de moş Gheorghe ce que ses proches croient être un "roman " et qui n'est en fait que sa vie transfigurée par l'amour de Vania , qui lui répond en miroir depuis la fenêtre de Bălţi .

Mircea ensuite, qui, entretenant la flamme de l'écriture chez Dănuţ et tout entier à la vie, aboutit à l'échec , à la publication dans Viaţa contimporană de deux études sociales dont, par son comportement, il ne respecte pas les conséquences morales. Echec devant l'écriture aussi; à la différence d'Olguţa , chez qui le phénomène a des allures de torrent verbal, il écrit difficilement: après avoir essayé à plusieurs reprises de narrer dans une lettre à sa mère le voyage à Medeleni et l'ambiance de la moşie, Mircea se contente finalement d'un télégramme laconique[59].

Dănuţ enfin. C'est avec ce personnage, instance et double de l'auteur, que La Medeleni s'inscrit dans la modernité roman esque; c'est avec lui, surtout à partir de la fin du second volume mais déjà avec la "musette" d'Yvan et la réflexion sur l'imaginaire dans Hotarul nestatornic , que le roman devient l'histoire d'un roman. Dănuţ élabore dans la diégèse un véritable travail de génèse textuelle: il "fait pulser son corps" dans un poème sur les chats[60], projette un cycle de poèmes intitulé Gol [Nu/Vide][61] et qu'il réduit à un texte offert à Ioana Pallă , avatar du poème sur les chats[62]; portant un regard neuf et critique sur Incantaţiune [Incantation], une prose lyri que écrite avant la guerre , il en modifie le titre dans un sens ironi que: Hocus pocus dans Peştera lui Ali Baba [La Caverne d'Ali Baba], puis Game [Gammes]; il reprend Ceasul cucuvaielor [L'heure des hiboux], poème en prose en écho des Nourritures terrestres de Gide , et conçu sur le front trois ans plus tôt[63]. Son "roman " s'élabore à vue et à "nu", avec ses différentes étapes: la nouvelle Un copil a sărutat un zarzăr [Un enfant a embrassé un abricot], Troiţa [Les Trois], Alunele veveriţei [Les Noisettes de l'écureuil], le fragment de roman (Medeleni, Note de istorie) , etc. Le travail de génèse du jeune écrivain est observé attentivement: naissance des métaphore s, passage de la sensation aux mo ts...[64], dans une perspective qui doit probablement beaucoup à À rebours de Huysmans, et qui figure par là le «ressassement» du texte[65]

Ce procédé d’insertion de fragments littéraires antérieurs appartenant à l’auteur lui-même, critiqué par Eugen Lovinescu[66], et qui est finalement la tentation de presque tout écrivain, n’est que la manifestation de la volonté de Teodoreanu de donner au texte romanesque des points de fuite qui le rendent insaisissable.[67] Il relève donc de la stratégie digressive à l’œuvre dans les lettres de Drumuri.[68]

b. L’instance du lecteur.

Un procédé spéculaire particulièrement prisé par Ionel Teodoreanu est la réfraction multiple de l'instance du lecteur dans la diégèse du roman , occasion pour le romancier d’offrir au lecteur réel le grisant spectacle de l’intertexte.

• Lecteurs secondaires.

En effet, une multitude de personnages secondaires sont saisis dans leur activité de lecture. Le chef de gare Şteflea lit Sherlock Holmes et s'identifie à son héros dans la tenue vestimentaire et le comportement déductif[69]; avec un clin d'oeil à son lecteur , Teodoreanu nous le montre évoluant au cours du roman vers une myo pie qui l'oblige à porter des lunettes[70]! Nae , le domestique de Herr Direktor , lit les épisodes en fascicules de Contesa fără nume [La Comtesse sans nom], toujours interrompu[71]. La lecture que fait Ioana Pallă des lettres de son beau-frère[72] est plus qu'une violence au texte : elle est un acte créatif et positif, consistant à s'introduire dans le moindre segment de récit pour s'y abîmer jusqu'en son tréfonds:

 «... degetele cu fosete făcând dâră în apa veneţiană...»[73],

 quand elle ne confine pas au "délire interprétatif " (le "J'aime D. Deleanu" d'Adina Stephano[74]).

Ainsi le roman devient inventaire d’œuvres les plus disparates, dans une esthétique appliquée du bric-à-brac, saturée de livresque, et souvent décriée par la critique même favorable à Teodoreanu[75]: fragments en prose de contes traditionnels, de Robinson Crusoë ou de la Bible; vers roumains et français (Villon, Racine, surtout les symbolistes Baudelaire, Verlaine, Samain, Mallarmé), couplets de chansons populaires roumaines, françaises, italiennes, serbes, turques; enfin proverbes, dictons, adages, maximes, devises, préceptes et proverbes de tous les horizons de la culture. Teodoreanu use ici d’un procédé d’ostentation des codes déjà mis en œuvre avant La Medeleni par le maître de l’intertexte qu’est Alexandru Odobescu, dans les récits de chasse de Pseudocynegeticos (1874), et qui atteint sans doute son apogée à l’époque de l’art décadent, antérieure à celle de notre trilogie, mais dont le roman respire les relents avec la Sixtine de Remy de Gourmont par exemple.[76]

• Lecteurs principaux.

La lecture qu'élaborent les personnages principaux est plus complexe. Monica est la lectrice de deux auteur s: Villon , sujet de la thèse qu'elle écrit[77], mais aussi Dănuţ , près duquel elle est présente comme soeur et comme lectrice[78]: quand elle lit avec l'auteur Alunele veveriţei [Les Noisettes de l'écureuil], on assite à un va-et-vient constant entre texte et lecteur [79], décelable également dans la lecture de Robinson Crusoé par Dănuţ dans le grenier, avec une fusion du cadre et du tableau . Quant à Rodica , elle joue un rôle fondamental et original dans la perspective spéculaire , parce qu'elle intervient àla fois dans l'histoire (n'oublions pas qu'elle est la maîtresse de Dănuţ puis celle qui rachète le domaine à la fin du roman) et dans l'élaboration de l'histoire: elle est lectrice agissante et protagoniste de l'histoire, comme Ludmilla dans le roman d'Italo Calvino déjà cité. Rodica a donné à Dănuţ la conscience du roman possible, en lui demandant une "chronique " de ses amours[80]. Dănuţ lui résum e chaque histoire avec chacune de ses maîtresses (Adina Stephano, Ioana Pallă) par une série de titres sensationnels alternatifs:

  

Atât de tânăr ş- atât de precoce

sau

Un singur băiat şi atâtea femei

sau

El atât de crud, ele atât de lejere

sau

Două dintr-o dată

sau

... chiar trei

sau

Cine le mai ştie

sau

Nu vă încredeţi în bărbaţi![81]

 On trouve déjà présent ici un procédé qui sera développé plus tard par l'Oulipo et la littérature générativ e. L'aventure avec la troisième maîtresse, Rodica, est présentée comme un "roman vécu".

• L’œuvre dont tout le monde parle.

Dans le même ordre d'idées, un procédé particulièrement développé dans Drumuri consiste à faire intervenir les lecteurs de la diégèse sur le sujet même du roman qui "s'écrit" (par Dănuţ en l'occurrence). Toute la famille Deleanu à Medeleni s'interroge sur la nouvelle qu'écrit Dănuţ dans sa chambre, sur le "roman " auquel travaille Olguţa dans la maison de moş Gheorghe . Olguţa se moque de son frère, qui, selon elle, "couve un oeuf d'autruche"[82]; l'oeuvre , ou ce qu'on y projette, est parodi ée comme poncif du roman sentimental ou comme chronique médiévale[83] ; Monica explique à tous que Dănuţ écrit , alors qu'il lit[84]. Quant à Mircea , il joue un rôle semblable à celui de Rodica au masculin: il infléchit le déroulement des événements en même temps que la transposition romanesque qu'en fait Dănuţ, commentant le choix des lieu x, les décors et le rôle des personnage s, dessinant avec l’auteur le «paysage de Medeleni»[85] .

Ce procédé tout à fait original dans l'histoire du roman roumain, et en phase avec les recherches de Gide en France à la même époque dans Les Faux Monnayeurs [86], n'est pas sans répondre à l'attente de Ludmilla , la lectrice d'Italo Calvino : "un roman qui simplement te ferait assister à sa propre croissance, comme une plante, avec son enchevêtrement de branches et de feuilles..."[87] Il  annonce directement le Nouveau Roman français des années 1950, et plus particulièrement Les Fruits d'or de Nathalie Sarraute , où la matière romanesque naît de la lecture que font une suite de lecteurs d'un roman fictif: le roman, c'est en fait l'histoire d'une lecture et d'une écriture , d'"un récit qui, en se faisant, s'efforce de définir le fait qu'il y a récit", pour reprendre la formule de Jean Ricardou[88]. Aussi bien l'image du texte comme fruit , présente chez André Gide (Les Nourritures terrestres) et chez Nathalie Sarraute (Les Fruits d'or) se retrouve-t-elle dans La Medeleni. En effet, le but de l'écriture chez Dănuţ est de retrouver l'émotion primale de l'émerveillement et de la désillusion de l'enfant devant l'abricotier tour à tour en fleur s, chargé de fruit s, vieilli[89]; le cahier né de la collaboration de Dănuţ et de Monica en tant qu'auteur et que lect rice s'intitule Alunele veveriţei [Les Noisettes de l'écureuil], et l'un des chapitres de Drumuri "Il était un petit pommier "; Mircea promet le succès littéraire à Dănuţ en ces termes:

 Curând, o generaţie întreagă va mânca poamele necunoscute pe care i le aduci[90],

une nourriture spirituelle nouvelle par sa métaphore éruptive; et dans les dernières pages du roman, lorsque Dănuţ a pris c onscience que Medeleni, chu désormais au "royaume des ombre s" (dirait Proust ), ne pourra plus vivre désormais que métamorphos é et sublim é par l'Art , son illumination est comparée à

 o veste a livezii despre fructele viitoare[91],

 

Conclusion

Le plaisir du texte.

Ces fruits sont à rapprocher du mythe de l'Eden , et de la notion de plaisir . Dans notre roman, en effet, la lecture est toujours associée au jeu et au plaisir physique et intellectuel. Plusieurs passages insistent sur la sensualité du livre [92]. Ici le texte est associé à l'idée d'une conquête, d'une lutte âpre et tendre, comme celle que mènent Rodica et Dănuţ durant leurs rendez-vous nocturnes à Medeleni[93]. Prétexte de ces rencontres qui se terminent dans l'alcôve: Rodica vient emprunter des livres chez le jeune romancier. Il y a manifestement volonté chez Teodoreanu de montrer que la relation auteur -lecteur a son prolongement dans la relation amoureuse Dănuţ-Rodica. Même connotation érotique de la lecture avec le personnage de Ioana Pallă , qui, animée par la curiosité et la jalousie féminines, "lit" dans la main de Dănuţ en espérant découvrir sa rivale[94].

On conçoit que sortir de l'espace du texte signifie renoncer au plaisir et équivaut à une souffrance : en lisant les romans "sensationnels ", Dănuţ éprouve un sentiment d'incomplétude à la fin de chacun,

  simţimdu-se ca izgonit din paradis la ultimele foi[95].

 Le plaisir est peut-être tout simplement celui de l'auteur de La Medeleni lui-même, car la fonction de tous les jeux de miroirs étudiés ici est essensiellement jubilatoire. Prenant presque toujours Teodoreanu au pied de la lettre, et faute d'avoir approfondi la dimension spéculaire du roman, la critique roumaine a parfois négligé l'humour et la joie créatrice qui traversent La Medeleni. Elle est surtout demeurée peu sensible jusqu'à nos jours à la modernité roman esque de l'oeuvre maîtresse de Teodoreanu, tant attaquée par les "modernis tes" de l'époque. Car s'il est un écrivain aux antipodes du "peintre de scènes gracieuses", pour reprendre la formule impropre de Tudor Vianu [96], c'est bien Ionel Teodoreanu. La Medeleni n'est pas l'histoire d'une famille moldav e "dont l'enfance a commencé au temps démodé de la valse et du foyer patriarcal, et dont la jeunesse, après avoir goûté à la Grande guerr e, a recommencé à vivre au rythme du jazz- band"[97]; La Medeleni, c'est l'histoire d'un roman , ou comment l'on devient écrivain , à l'instar d'À la recherche du temps perdu de Proust qui, plus que l'histoire d'une époque et d'un milieu social, conte l'histoire d'une vo cation , d'un itinéraire spirituel, ceux de Proust lui-même; à l'instar des Faux Monnayeurs de Gide , dont le génie est d'"avoir su innover une forme en repoussant le centre du roman jusqu'à illimiter son horizon..."[98] De même que ses devanciers français, Teodoreanu est comme il se nommait lui-même un romancier-aventurier "aiguillonné par la nostalgie de l'inconnu"[99] qui cherche une écriture au fil d'un récit qui métaphoris e son histoire [100] (c'est pourquoi le reproche général du manque de composition de La Medeleni est invalide, puisque le roman est une recherche de composition). Il ouvre ainsi la voie, presque en même temps que Mircea Eliade avec le Roman de l'adolescent myope (1924)[101], aux recherches audacieuses de Camil Petrescu dans Patul lui Procust ["Le lit de Procu ste"] en 19 33. Q uand Perpessicius reprochera à Teodoreanu en 1927[102] d'avoir mélangé à la fin du deuxième volume de sa trilogie le roman et l'atelier du roman, et jugera comme "une faiblesse d'auteur" le fait que Teodoreanu n'a pas donné en annexe un Journal de Medeleni comme Gide l'avait fait pour Les Faux Monnayeurs, il parachèvera le contresens absolu commis par la critique[103] à propos de La Medeleni, involontairement sans doute. Erreur de jugement à laquelle le grand romancier roumain aurait pu répliquer comme Gide dans son Journal la même année:

Ils s'obstinent à voir dans les Faux Monnayeurs un livre manqué. Avant vingt ans, on reconnaîtra que ce que l'on reproche à mon livre, ce sont précisément ses qualités.[104]


(c) Michel Wattremez, 1995


* Toutes les références renvoient à l'édition princeps de La Medeleni, Bucarest, "Cartea româneasca",1925 (I), 1926 (II), 1927 (III). A chaque fois le numéro du volume est suivi du numéro de page.

** La Medeleni, III, p. 170.

[1] Journal,1889-1939, Paris: Gallimard, coll. "Pléiade", 1948, p. 41.

[2] Le récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris: Seuil, coll. "Poétique", 1977, p. 52.

[3] Gide est cité trois fois dans notre roman. Précisons que son Dostoïevski (publié en 1923) est pour Teodoreanu "l'occasion d'un choc révelateur" (Dinu Pillat, Dostoievski în conştiinţa literară românească [«Dostoïevski dans la conscience littéraire roumaine»], Bucureşti: Cartea Românească, 1976), et que Gide est très discuté dans le cercle de Teodoreanu à Viaţa românească [«La Vie roumaine»], revue qui, à l'époque de la parution de La Medeleni, lui consacre de nombreux articles, notamment ceux de Mihai Ralea (1920, 1926, 1927), Demostene Botez (1929) et même G. Ibrăileanu (1926); voir l'importante étude de Mircea Popa, qui ne mentionne malheureusement pas Teodoreanu: "André Gide şi literatura română" [«André Gide et la littérature roumaine»], in: Probleme de literatură comparată şi sociologie literară, Bucureşti: Académie de la R. S. de Roumanie, 1976, pp. 307-321; voir aussi Alexandru Paléologue, Souvenirs merveilleux d'un ambassadeur des Golans, Paris: Balland, 1990, p. 116, pour l'influence de Gide sur les milieux intellectuels roumains du début des années 1930.

[4] Drumuri, p. 361.

[5] Sur ce sujet, voir F. Letoublon, «Le miroir et la boucle», Poétique, 1983 (53), pp. 19-36.

[6] Hotarul nestatornic, p. 9.

[7] Ibidem,p. 382.

[8] Drumuri, p. 7.

[9] Ibidem, p. 562.

[10] Hotarul nestatornic, p. 5.

[11] T. F.: Olguţa était un vent du large... Între vânturi, p. 421.

[12] Hotarul nestatornic, pp. 246 sq.

[13] Între vânturi, p. 378.

[14] Hotarul nestatornic, 165 sq.

[15] Între vânturi, pp. 254 sq.

[16] Hotarul nestatornic, p. 8.

[17] Între vânturi, p. 419.

[18] Hotarul nestatornic, pp. 184 sq.

[19] Între vânturi, pp. 356 sq.

[20] Ibidem, p. 387.

[21] Hotarul nestatornic, pp. 508 sq.

[22] Între vânturi, p. 68. Les exemples peuvent être multipliés.

[23] Ibidem, p. 318.

[24] Ibidem, p. 420.

[25] Drumuri, p. 316.

[26] Între vânturi, pp. 45 sq.

[27] Drumuri, p.377.

[28] Ibidem, p. 459.

[29] Sur cette question, voir notamment M. Bal, «Mise en abyme et iconicité», Littérature, 1978 (29), pp. 116-128.

[30] Ibidem, p. 13, p. 59.

[31] Ibidem, pp. 416-417.

[32] Ibidem, pp. 30 sq.

[33] Ibidem, p. 541.

[34] Ibidem, p. 277.

[35] Ibidem, p. 459.

[36]  Ce procédé de mise en relief du texte comme emblème, développé ici en 1926, sera repris par Cezar Petrescu dans Floarea de agave [«Fleur d’agave»] en 1933, avec force annonces, affiches, illustrations, coupures de presse, télégrammes, autographes, emplois du temps et autres cartes de visite.

[37] Drumuri, p. 503; Între vânturi, p. 350.

[38] Jean Rousset, «Un espace visible: les jeux de l’image et du texte», in Espaces du texte, Recueil d’hommages pour Jacques Geninasca, ed. Peter Fröhlicher et alii, Neuchâtel: A la Baconnière, 1990, p. 336.

[39] Notamment chez Roger Martin du Gard, dans Les Thibault, II, 1922, chap. II, avec le nom du pensionnat où monsieur Thibault a placé Jacques près de Compiègne, gravé dans la pierre à l’or:

Fondation Oscar Thibault.

[40] L’énigme d’Otilia, roman, 1938. Un cas presque parfait (centrage, croix, cadre noir, emploi des graisses) concerne le faire-part du décès de l’enfant de Stănică Ra¡iu, que Pascalopol montre à Otilia et à Felix; seul l’expression etc. indique qu’il s’agit d’une reproduction indirecte, tronquée. Voir aussi la scène où Felix lit le cahier de comptes de Costache Giurgiuveanu. G. Călinescu, Enigma Otiliei, Bucureşti: Editura Minerva, 1984, p. 90, pp. 347-348.

[41] La commode noire, roman, 1960, édition en 2 volumes, Bucureşti: Editura Minerva, 1982 (série «Patrimoniu»), avec l’inscription latine sur le bois d’un pilier, montrée par Bonifaciu Hagienuş à Ioanide:

Medusa gorgonum gentis regina

(I, p. 189), l’autographe de Gaittany à Anny (II, p. 148), et Ioanide lisant le «fantastique mémoire» de Hagienuş, reproduit in extenso dans le chapitre XXIX.

[42] Drumuri, pp. 215-216.

[43] Ibidem, p. 359.

[44] Ibidem, pp. 302 sq.

[45] Ibidem, p. 545.

[46] Ibidem, p. 365.

[47] Ibidem, pp. 374-375.

[48] Între vânturi, p. 209.

[49] Drumuri, pp. 273 sq.

[50] Între vânturi, pp. 214 sq.

[51] Ibidem, p. 209.

[52] Drumuri, p. 378.

[53] Hotarul nestatornic, p. 285.

[54] Între vânturi, p. 184.

[55] Drumuri, p. 347.

[56] Torino: Giulio Einaudi, 1979.

[57] Drumuri, p. 378.

[58] Ibidem, p. 317.

[59] Ibidem, pp. 337-340.

[60] Ibidem, pp. 466-467.

[61] Ibidem, p. 468.

[62] Ibidem, p. 472.

[63] Între vânturi, pp. 95-107.

[64] Ce travail n'est pas sans évoquer la genèse même de La Medeleni, excroissance d'une nouvelle intitulée Dacă vecinii îmi omoară hulubii... [«Si les voisins tuent mes pigeons»] et dans le prolongement des Jucării pentru Lili [«Jouets pour Lili»]: nouveaux reflets...

[65] Sur le caractère auto-référentiel du roman de Huysmans, voir GREGES, «Les romans de la décadence», Europe, LXIX, 1991 (751-752), p. 77: «le roman se fait inventaire d’œuvres [...] et inventeur d’artifices. Le texte est en quelque sorte saturé de lui même, emporté par la redondance thématique et par la spécularité de sa forme, tendu entre l’impossibilité d’écrire sans se regarder écrire et la nécessité d’ouvrir au narcissisme poétique de nouvelles voies discursives.»

[66] Le critique écrit ironiquement à propos de Drumuri: «surtout que le jeune Dănuţ, le futur romancier, pousse l’indiscrétion jusqu’à dévaster les archives de Medeleni, et à publier tous les cahiers de littérature du sieur Teodoreanu première manière, celui des jouets, des petits poèmes, des notations impressionnistes, mélange de fraîcheur et de maniérisme.» Voir E. Lovinescu, Istoria literaturii române contemporane [«Histoire de la littérature roumaine contemporaine»], IV, Bucureşti: Editura Ancora, 1928, p. 154.

[67] De vieux manuscrits de notre romancier, retrouvés au Musée mémorial «Cezar Petrescu» de Buşteni, contiennent les brouillons de plusieurs textes insérés dans La Medeleni tels quels ou modifiés: Oul de lemn [«L’Œuf de bois», cité plus haut], Coco, Zmeul [«Le cerf-volant»]. Voir Mircea Zaciu, «Ionel Teodoreanu, poetul mărturisit şi nemărturisit» [«I. T., le poète avoué et inavoué], Steaua, XVI, 1965 (11), pp. 56-61. Cité d’après Masca geniului [«Le masque du génie»], Bucureşti: Editura pentru Literatură, 1967, p. 223.

[68] Sur cette question générale, voir Randa Sabry, Stratégies discursives: digression, transition, suspens, Paris: Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1992, pp. 103-107 et pp. 236-253.

[69] Drumuri, p. 349.

[70] Între vânturi, p. 290.

[71] Drumuri, p. 20 etc.

[72] Ibidem, p. 376.

[73] T. F.: : «... les doigts à fossettes laissant un sillon sur l'eau vénitienne...» Ibidem, pp. 375-376.

[74] Ibidem, pp. 393 sq.

[75] Voir notamment Mihail Ralea, «Ionel Teodoreanu», Adevărul literar şi artistic, VIII, 1927 (336), p. 2.

[76] On peut relever le même procédé chez Minulescu, dans le roman contemporain de La Medeleni, Roşu, galben, albastru [«Rouge, jaune, bleu»], 1924.

[77] Între vânturi, p. 72.

[78] Drumuri, p. 289.

[79] Ibidem, pp. 302 sq.

[80] Ibidem, p. 460.

[81] T. F.: Si jeune et si précoce ou Un seul garçon et tant de femmes ou  Lui si cruel, elles si légères ou Deux à la fois ou ... même trois... ou Qui les connaît toutes ou Méfiez-vous des hommes! Ibidem, pp. 460-462.

[82] Ibidem, p. 494.

[83] Ibidem, p. 545.

[84] Ibidem, p. 421.

[85] Ibidem, pp. 550-551.

[86] A noter que dans le roman de Gide l'écrivain Edouard (cf. Journal d'Edouard) réunit des matériaux pour un roman qui doit s'intituler les Faux Monnayeurs, comme Dănuţ le fait dans La Medeleni pour Medeleni. Toutefois, La Medeleni est différent du récit gidien, en ceci que le roman roumain se boucle finalement au lieu de s’éparpiller: Teodoreanu emprunte maints procédés spéculaires, sans les systématiser.

[87] Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur, traduit de l'italien par D. Sallenave et F. Wahl, Paris: Seuil, coll. "Points Roman" 81, 1981, pp.100-101.

[88] J. Ricardou, Problèmes du nouveau roman, Paris: Seuil, 1967, p. 182.

[89] Drumuri, pp. 504-505.

[90] T. F.: Bientôt, toute une génération mangera les fruits inconnus que tu lui apportes Între vânturi, p. 170.

[91] T. F.: une nouvelle du verger annonçant les fruits à venir (ibidem, p. 420).

[92] Ibidem, p. 262, par exemple.

[93] Drumuri, pp. 452-453.

[94] Ibidem, p. 366.

[95] T.F.: se sentant presque chassé du paradis aux dernières feuilles Ibidem, p. 418.

[96] Tudor Vianu, Arta prozatorilor români [«L’art des prosateurs roumains»], Bucureşti: Editura Contemporană, 1941, p. 368.

[97] Ionel Teodoreanu, mss rom. 5984, f° 2.

[98] André Julien, "Les Faux Monnayeurs et l'art du roman", Nouvelle Revue Française, Paris, novembre 1951,p. 123 (Hommage à André Gide).

[99] Ionel Teodoreanu, Cum am scris "Medelenii" [«Comment j’ai écrit La Medeleni»], ed. N. Ciobanu, Iaşi: Editura Junimei, 1978, p. 169.

[100] Lucien Dällenbach appelle auto-référentiel le récit qui métaphorise ses principes de fonctionnement (op. cit., p. 67).

[101] Mircea Eliade, Le roman de l'adolescent myope, traduit du roumain par Irina Mavrodin, Arles: Actes-Sud, 1992. Récit spéculaire: le roman s'écrit sous nos yeux à travers le "Journal du narrateur":

Moi, je vais écrire le Roman de l'adolescent myope. Mais je l'écrirai comme si j'écrivais le Journal de l'auteur.  Mon livre ne sera pas un roman, mais un fouillis de commentaires, de notes, d'ébauches en vue d'un roman. C'est le seul moyen de surprendre la réalité: naturel et dramatique à la fois. (p. 246)

[102] Universul literar, 7/14 août 1927. Reproduitin: Perpessicius, 12 prozatori interbelici [«12 prosateurs roumains de l’entre-deux-guerres»], Bucureşti: Editura Eminescu, 1980, pp. 276-277.

 [103] A l’exception toutefois de Silvia Tomuş qui commente ainsi la remarque de Perpessicius concernant le mélange du roman et de son atelier: «Aujourd’hui, nous ne jugeons plus du tout le procédé déplacé, mais nous le comptons au contraire pour l’une des très intéressantes expériences compositionnelles accomplies par le roman roumain, au seuil de sa pleine maturité.» Voir S. Tomuş, Ionel Teodoreanu sau Bucuria metaforei [«I. T. ou la Joie de la métaphore»], Cluj:Editura Dacia, 1980, p. 84.

Sur les aspects spéculaires du roman roumain de l’entre-deux-guerres, et notamment chez un Anton Holban, qui les valorise, voir Nicolae Manolescu, Arca lui Noe [«L’Arche de Noé»], II, Bucureşti: Editura Minerva, 1981, pp. 161-187. Repris dans les Romane d’Anton Holban, 2, Minerva, 1982, pp. 274 sq.

[104] A noter, toutefois, qu’un critique anti-medeleniste semble avoir saisi la portée de la révolution romanesque de Teodoreanu. Ion Jitaru écrit en effet: «Le journal autobiographique parallèle à l’action du roman, réalise une bêtise de grandes proportions et révèle une vanité d’intellectuel occidentalisé, son orgueil et l’inanité de son cœur.» («Note literare», Vlăsia, III, 1928 (33), p. 617.

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